Egypte (Caire) De notre correspondante Des manifestations pro-Morsi ont démarré hier un peu partout dans la capitale malgré les menaces du pouvoir militaire, dans l'espoir de rétablir la légitimité constitutionnelle. Il faut dire que le massacre de plus d'une centaine de personnes, à proximité du campement de Rabaa Al Adawiya, à Madinat Nassr, a revigoré les troupes des Frères musulmans. Ce bilan a poussé les islamistes à se mettre dans la peau des victimes et ont décidé de donner le la pour reprendre de nouvelles manifestations baptisées Martyrs du soulèvement. «Descendez dans la rue et sur les places pour reconquérir votre liberté, votre dignité usurpées par un coup d'Etat sanglant et pour les droits des martyrs assassinés par les balles du nouveau pouvoir.» C'est ce communiqué qui a mobilisé des milliers de sympathisants à rejoindre la rue encore fois malgré les risques de violence avec les forces armées. Cet appel à manifester d'hier fait craindre une nouvelle flambée de violences. Les pro-Morsi ont appelé à converger vers «les bâtiments administratifs des forces de sécurité» pour dénoncer «l'usage de balles réelles contre des manifestants pacifiques» samedi. La plus importante marche a rassemblé plusieurs milliers de personnes qui ont démarré de la place Ramsis vers Rabaa Al Adawiya. Une autre manifestation a été repoussée par l'armée alors qu'elle se dirigeait vers le ministère de la Défense en provenance de Rabaa Al Adawiya, la mosquée Al Nour et le pont de Abasseya, La foule scandait : «L'armée égyptienne appartient au peuple, mais Al Sissi n'est pas des nôtres.». Briser le mur de la peur Les altercations ont commencé lorsque les manifestants ont essayé de traverser les fils barbelés installés autour de la bâtisse gardée avec une grande vigilance depuis le début des événements. La veille, l'armée a lancé par hélicoptère des tracts sur un campement des partisans de Morsi au Caire, les appelant à «ne pas s'approcher des installations ou unités militaires, aidez-nous à protéger votre sécurité». «Il savent que leur sit-in perturbe les habitants des alentours de Rabaa Al Adawiya qui commencent à se lasser et à se plaindre. Ces pro-Morsi savent que leur but est impossible à réaliser, mais je ne sais toujours pas pourquoi tout cet acharnement qui ne mène à rien», nous affirme un homme près de la mosquée Al Nour. Et d'ajouter : «Ils auraient dû comprendre cela. Le 30 juin dernier, tout le peuple avait massivement dit non à Morsi ; qu'ils arrêtent avec la théorie du coup d'Etat.» Dimanche, le Conseil de défense nationale, présidé par le chef de l'Etat par intérim Adly Mansour, a lancé une sévère mise en garde aux manifestants promettant des «mesures décisives et fermes» s'ils «outrepassaient leur droit à l'expression pacifique». Du côté de Gizeh, plusieurs centaines de femmes se sont réunies à la place El Nahda, un autre point de chute des Frères musulmans et ont marché en direction de l'ambassade d'Arabie Saoudite, pendant que des hélicoptères survolaient la périphérie de la manifestation. Les manifestantes brandissaient des affiches où était écrit : «Femmes de martyrs», ou encore «Une fois, quatre femmes sont descendues exprimer leur avis, elles ne sont plus revenues», allusion à celles qui ont été assassinées la semaine dernière dans la ville d'Al Mansourah. «Non aux Frères, non à l'armée» ! Cette manifestation progressait péniblement devant le blocage de tous les accès qui mènent vers la place de Gizeh, où des comités populaires effectuent un contrôle minutieux de toute personne se dirigeant vers la place El Nahda. D'autres défilés devaient se tenir à la mi-journée devant l'ambassade des Etats-Unis, et de celles de plusieurs pays européens. Les soutiens de Mohamed Morsi demandent aux puissances occidentales, notamment à l'Union européenne, de condamner fermement la violence de ces derniers jours et de condamner également la destitution par l'armée de Mohamed Morsi. Pour l'institution militaire, le moindre recours à la force est périlleux, en particulier en raison des avis mitigés et les condamnations de la communauté internationale depuis le carnage de samedi dernier et de nouvelles violences à répétition risquent de faire perdre à l'armée égyptienne des alliés en dehors du pays et faire chuter leur popularité auprès des Egyptiens qui ont jusque-là montré un soutien total à son action. «Non aux Frères, non à l'armée» est en effet le nouveau slogan qui commence à se faire entendre. Ses partisans visent à défendre les «idéaux de la révolution de janvier 2011». Plusieurs ONG égyptiennes ont appelé hier au départ du ministre de l'Intérieur après la mort samedi de 72 personnes dans les violences au Caire. Elles ont également appelé les Frères musulmans, qui mènent le mouvement réclamant le retour du président islamiste destitué le 3 juillet, à renoncer à la violence.