Le journal français Le Monde a, en effet, dévoilé hier l'existence d'un rapport officiel préconisant une loi interdisant le port du voile dans les universités françaises en raison d'une «montée des communautarismes». Selon la même source, parmi les douze propositions d'un rapport rendu en avril dernier par la mission laïcité du Haut-conseil à l'intégration (HCI), il est question de l'adoption d'une loi interdisant «dans les salles de cours, lieu et situation d'enseignement et de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, les signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse».La communauté musulmane a, en tout cas, longuement froncé les sourcils à la lecture de la «nouvelle». Tout en rappelant que le HCI n'a plus aucune compétence en matière de laïcité et ce, depuis la mise en place en avril dernier de l'Observatoire français de la laïcité, l'avocat à la Cour, maître Chemseddine Hafiz, a estimé qu'«il n'y a pas urgence en la matière», c'est-à-dire légiférer, encore une fois, contre la communauté musulmane en France. Il a constaté, dans une déclaration à l'APS, que «le HCI tente de montrer du doigt et de stigmatiser les musulmans de France. Ce qui est insupportable». «Il est évident que le port du voile par des étudiantes au sein de l'université française allait tôt ou tard se poser, car certains groupes de pression en France cherchent à faire endosser la responsabilité de l'échec de l'intégration aux musulmans et à leurs pratiques», a-t-il regretté. Le conseiller juridique de la Grande Mosquée de Paris a affirmé qu'il n'a jamais cessé de dire que la loi française, respectueuse de toutes les religions en France, garantissant la liberté religieuse, «ne devait légiférer pour restreindre l'expression religieuse musulmane». Dans une première réaction, le président de l'Observatoire français de la laïcité, Jean-Louis Bianco, a affirmé que le rapport controversé n'engageait que la mission laïcité qui, a-t-il précisé, «n'a plus de fonction officielle depuis quelques mois». Le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, y voit de son côté une «nouvelle stigmatisation de l'islam», tandis que le président de l'Observatoire contre l'islamophobie, Abdallah Zekri, affirme que la liberté d'expression reconnaît aux étudiants le droit d'exprimer leurs «convictions religieuses» à l'intérieur des universités, rappelant que le Conseil d'Etat français avait, en 1996, jugé illégal un arrêté du président de l'université Lille-II interdisant l'accès de bâtiments aux jeunes femmes voilées. Le rapport du HCI sur le «Respect de la neutralité religieuse à l'université», dont le quotidien Le Monde a cité par ailleurs des extraits, faisait état de «nombreux contentieux intervenus dans tous les secteurs de la vie universitaire». Il évoque notamment «des demandes de dérogation pour justifier une absence» pour motifs religieux, ou encore «des actes de prosélytisme», «la récusation de la mixité tant au niveau des étudiants que des enseignants» ou «la contestation du contenu des enseignements». A signaler toutefois qu'à l'université française, qui accueille des publics majeurs et de différentes nationalités, seul le voile intégral (niqab) est pour l'heure prohibé, conformément à la loi de 2010. L'islam est la deuxième religion en France après le christianisme. L'Hexagone compterait une communauté de plus de cinq millions de musulmans, selon le ministère de l'Intérieur et du Culte. Mais si le gouvernement décide de rouvrir le dossier du voile à la prochaine rentrée, il est certain que les débats seront chauds. Surtout que la polémique sur les derniers événements de Trappes a eu pour effet de réveiller les «vieux» démons de l'extrême droite.