Un scénario inattendu. Imposé par le président Bouteflika à la tête de l'Assemblée nationale en 2004, Amar Saadani, 63 ans, a vu son étoile briller durant cinq ans sur la Chambre basse du Parlement. Ce poste, il n'avait jamais espéré l'occuper même dans ses rêves les plus fous. A peine sorti de l'ombre par la grâce du prince, l'ancien bras droit de Abdellah Menaï de la célèbre troupe folklorique d'El Oued s'est fait cramer par les projecteurs politiques. Durant ses cinq ans de président de l'APN, Amar Saadani s'est «illustré» par des bourdes politiques lamentables. A plusieurs reprises, il a failli provoquer des incidents diplomatiques avec des délégations étrangères. L'ancien premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, en visite en 2006 en Algérie, en sait quelque chose. Les parlementaires ont découvert un personnage «politiquement vide». «J'ai été choqué de voir cet individu occuper le siège de Ferhat Abbas et de Rabah Bitat», se souvient encore un ancien parlementaire. Lors de cette visite de M. Hollande, celui-ci est reçu par le président de l'APN. Saadani l'apostrophe en ces termes : «Au Parti socialiste, il y a trop de juifs, il faut commencer à désenjuiver pour contrer leur lobby.» A la fin du mandat, Amar Saadani est sorti par la petite porte, réduit à néant au sein du FLN et presque banni de la vie publique. Bouteflika lui avait même interdit de se présenter comme candidat du FLN aux législatives de 2007. C'est dire que l'homme est devenu infréquentable. Personne «n'osait» s'afficher avec lui en public. Il disparaît des écrans radar pour sortir la tête en janvier 2013. Quand la crise du FLN éclate, suivie de l'éviction de Abdelaziz Belkhadem, Saadani refait surface. Et comme en 2007, les Bouteflika tentent de le remettre sur orbite. Peine perdue. Huit mois après, il refait encore surface par la grâce de Saïd Bouteflika. Par une campagne soigneusement orchestrée, il est propulsé au-devant du FLN où se joue une partition de la future élection présidentielle. Pourquoi Amar Saadani et pourquoi maintenant ? «Ce qui se passe au FLN est important dans le sens où c'est au sein de cet appareil que s'exprime publiquement le choix des décideurs sur la présidentielle», estime un cacique du l'ex-parti unique. Et c'est la raison pour laquelle plusieurs candidats à la présidentielle se disputent le soutien indispensable de ce bras politique du pouvoir qui sert de rampe de lancement pour «conquérir» El Mouradia. Et l'un des candidats les plus en vue qui pourrait s'adjuger l'appui fort du FLN est Ali Benflis qui compte plusieurs soutiens en son sein. Une option qui a fait réagir violemment le clan présidentiel. A la manœuvre encore une fois, le frère cadet du Président, Saïd Bouteflika, entre en action pour empêcher le FLN, du moins son appareil, de tomber dans l'escarcelle des pro-Benflis. Dès janvier dernier, le frère cadet s'employait à imposer une direction du FLN hostile à l'ancien candidat de la présidentielle de 2004. Le mot d'ordre ? : «Tout sauf Benflis !» A ses proches, Saïd Bouteflika répète que Amar Saadani est son poulain. «C'est lui qui doit prendre la succession au FLN», ne cesse-t-il de seriner à ses proches. Depuis la destitution de Belkhadem, il manœuvrait auprès des ministres FLN et des députés pour tenter d'imposer la nomination de Amar Saadani pour diriger l'ancien parti unique. «Confisquer» l'appareil du parti est le meilleur moyen d'empêcher Benflis d'un soutien fort et massif du FLN et du coup réduire ses chances présidentielles. Dernière manœuvre de Saïd Bouteflika : l'injonction faite au ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, d'autoriser la tenue à l'hôtel El Aurassi de la réunion du comité central du FLN. Le ministre de l'Intérieur s'exécute, cédant aux pressions du «prince conseiller». Mais voilà, retournement de situation spectaculaire, le Conseil d'Etat désavoue le ministre de l'Intérieur. Le plan de Saïd Bouteflika d'imposer une direction au FLN est mis en échec. Un camouflet.