Les diffusions successives de ces audiences, coïncidant avec le rendez-vous de la rentrée sociale et à sept mois de la présidentielle, ne sont pas fortuites, elles sont même avec flagrance destinées à faire admettre l'idée que Bouteflika assume encore ses fonctions. «On est devant un modèle de propagande à la soviétique dont le seul but est de dire aux Algériens que le ‘‘chef est toujours là''. C'est le degré zéro de la communication, on dit que le Président, malgré sa maladie, est toujours là et c'est tout, alors que sur le plan de l'image rien n'assure qu'il peut encore assumer sa fonction», estime Redouane Boudjemaâ, spécialiste en communication et enseignant à l'Institut des sciences de l'information et la communication. Pour notre interlocuteur, la faillite de la communication institutionnelle est largement consommée. Depuis son hospitalisation au Val-de-Grâce à Paris et jusqu'à sa toute dernière vidéo où sa voix est à peine audible, les sorties médiatiques du Président ne rassurent aucunement sur son état de santé. Le reflet de son frère paru dans sa dernière vidéo accentue le doute sur une mise en scène visant à créer l'illusion d'une marche normale des affaires de l'Etat. Le scénario est toutefois maladroit, voire de mauvais goût dans la mesure où l'on fait jouer un rôle à une personne malade et où l'on tente de faire croire à l'opinion nationale que le bateau Algérie n'est pas sans gouvernail. Si le chef de l'Etat est en mesure de suivre et gérer les affaires de l'Etat, pourquoi donc ne réunit-il pas le Conseil des ministres ? «Un grand point d'interrogation entoure l'absence de la réunion du Conseil des ministres. D'une part, on dit qu'il est là et qu'il suit de près les affaires et, d'autre part, on ne sait ce que devient le Conseil des ministres qui est l'instance de délibération suprême comme le prévoit la Constitution. D'ailleurs, comment un Premier ministre peut-il oser contredire la Constitution et dire que ce Conseil ne sert à rien ?», note M. Boudjemaâ, qui estime que cette communication est aussi le reflet d'une crise institutionnelle. Depuis sa première apparition suite à son accident vasculaire cérébral aux Invalides, Bouteflika n'a reçu officiellement plus fréquemment que Sellal et Gaïd Salah, ce qui invite à croire en l'existence, si ce n'est d'une crise, d'une méfiance l'égard d'autres membres du sérail. Malade, il ne s'entoure que de ses proches et des personnes qu'il maîtrise. Le Premier ministre lui assurant une mainmise sur la gestion des affaires courantes et le chef d'état-major lui garantirait de manœuvrer la grande muette jusqu'à prémunir son clan de toute attaque interne. N'ayant que sept mois pour assurer le maintien de son clan au pouvoir, Bouteflika jouera toutes les cartes, même malade, afin de garantir si ce n'est son maintien, l'absolution de ses proches de toutes poursuites ou représailles.