Certains segments de la classe politique ont été très actifs ce week-end, au lendemain du large remaniement ministériel opéré par le président Bouteflika mercredi dernier et surtout de la restructuration des services de sécurité rendu public par certains journaux. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP) a tenu une réunion du majlis echoura (conseil national). Lors de son allocution d'ouverture des travaux de cette session, le président du parti, Abderezzak Makri, a indiqué que le dernier changement gouvernemental «renseigne sur la crise que traversent les institutions du pays et sur la gravité de la situation». Selon lui, «cela est une affaire interne aux hommes du système, qui ne concerne pas le peuple algérien». Le président du MSP affirme en effet que «le changement de gouvernement n'est intervenu qu'en prévision de la prochaine élection présidentielle, dont il craint qu'elle ne soit pas crédible». Makri, dans un long discours devant les membres du majliss echoura, a fait savoir son inquiétude quant aux informations qui font état de «conflit entre les clans du régime». Soulignant que cette situation présente «un véritable danger sur la stabilité du pays», l'orateur a dénoncé les uns et les autres et leur endosse «toute la responsabilité, si jamais un malheur arrive à ce pays». Il a appelé aussi le chef de l'Etat «à prendre parti pour le bénéfice du pays et non d'une caste ou d'un clan». Selon lui, «l'histoire ne lui pardonnera pas s'il laisse l'Algérie entre les mains d'une secte de corrompus». Pour le président du MSP, «le service que Bouteflika peut rendre au pays est l'organisation d'une élection présidentielle libre et transparente». Le Front des forces socialiste (FFS) a tenu lui aussi, hier, une réunion de son conseil national. Le parti n'a pas souhaité s'exprimer, préférant rendre publique, aujourd'hui, une résolution politique sur la situation du pays. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) n'a pas manqué de réagir par la voix de son secrétaire national à la communication. Contacté hier, Athmane Maazouz tranche : «Nous sommes devant un clan affolé.» Pour lui, c'est «une agitation où le cynisme le dispute à l'imposture». Il souligne : «Ce remaniement clanique intervient à un moment où de sérieuses luttes au sommet présagent d'un scénario compromettant pour la stabilité du pays.» «Devant un chef d'Etat rompu à la culture du putsch et aux abus et qui cherche à prémunir le clan aux dépens de la prospérité de la nation, le pire est à venir», s'inquiète le responsable du RCD, en disant : «Les Algériens ont compris depuis longtemps que l'actuel chef de l'Etat, gourou d'un clan, finira son règne dans l'abus et la dépravation.» «En livrant la gouvernance à la tribu, on installe irrémédiablement le pays dans de sérieuses turbulences qui menacent sa stabilité et sa pérennité», tempête Athmane Maazouz, qui souligne : «L'actuel chef de l'Etat nous a habitués, à la veille de chaque échéance, aux intrigues et aux impostures.» Aujourd'hui, indique-t-il encore, «les Algériens découvrent les plans secrets d'un clan affolé qui a ruiné le pays et humilié la nation». Il pense par ailleurs que «réduire la fonction d'un chef d'Etat à celle de suzerain d'un clan, entouré de vassaux, et livrer la gestion du pays à une tribu-Etat annonce une fin de règne pathétique». «la nation en péril» Pour le secrétaire national à la communication du RCD, «la conjoncture actuelle appelle à un sursaut patriotique pour faire échec à un scénario diabolique qui a mené à un Etat clanisé, cyniquement tribalisé et un pouvoir mafieux qui ne cherche que le maintien de la rente et des privilèges». «Nous sommes devant des abus d'un clan qui a mis le destin de la nation en péril et livré le pays au pire», conclut-il. Même inquiétude chez Jil Jadid. Dans un communiqué parvenu hier à notre rédaction, son président, Soufiane Djilali, indique que «les changements structurels opérés par le président de la République dans l'armée, le DRS, le gouvernement, le Conseil constitutionnel et l'administration ne sont que le prolongement d'une opération planifiée, du moins dans sa partie visible, pour maintenir en place le système bouteflikien». «Pris de court par la maladie depuis quelques mois, le chef de l'Etat et son entourage sont décidés, à tout prix, à accélérer la cadence pour s'assurer le pouvoir définitif sur le pays», soutient le président de Jil Jadid, qui pense que «le système politique qui a eu à gérer le pays depuis 1962 est en phase terminale». Soufiane Djilali prévient que «ce seront l'argent, l'affairisme, les lobbies nationaux et internationaux qui régiront alors le pays et assujettiront sa souveraineté». Le président de Jil Jadid, qui s'inquiète «des conséquences funestes pour la nation qu'auront ces luttes intestines graves», appelle «les patriotes de tous bords à transcender leurs différences pour fonder une coalition large et responsable». Il y a «urgence», soutient Soufiane Djilali.