Jeudi, Issad Rebrab est allé plus loin, estimant que les pouvoirs publics algériens devraient encourager l'investissement privé national, que ce soit en Algérie ou à l'étranger. Le fait est que le patron de Cevital a saisi l'occasion de la visite, jeudi, du ministre soudanais de l'Agriculture et de l'Hydraulique au complexe agroalimentaire de Béjaïa pour démontrer tout le crédit dont bénéficie son groupe à l'international. Et de préciser que si les énergies algériennes subissent des blocages au niveau national, elles peuvent s'exprimer à l'international et prouver qu'«il y a un savoir-faire algérien». «Un savoir-faire et une compétence» qui ont justement poussé le gouvernement soudanais à se tourner vers une entreprise africaine, «la plus grande» du continent noir, afin de développer son industrie agroalimentaire. C'est ainsi que le groupe Cevital a reçu une invitation du gouvernement soudanais pour l'assister dans cette tâche. Processus qui a abouti à la visite, cette semaine, d'une délégation soudanaise en Algérie pour prendre connaissance des installations de Cevital en Algérie. Des serres et pépinières d'agrumes de Dar El Beïda, de l'usine MFG à Meftah mercredi au complexe agroalimentaire de Béjaïa jeudi. Une visite au cours de laquelle Issad Rebrab a été prolixe en explications techniques, en compagnie du ministre soudanais, le Dr Abdelhalim Ismaïl El Moutaafi. L'installation totalement intégrée sur le quai 24 du port de Béjaïa comprenant raffineries, margarinerie, unités de conditionnement, deux centrales électriques de cogénération, les plateformes logistiques et le projet de réalisation d'une station de chargement pour chemin de fer a suscité l'intérêt. Et pour cause, si les Soudanais proposent d'investir dans le coton, le maïs et le blé, leur intérêt immédiat se porte sur la filière sucre. Le Soudan dispose pour l'heure de 6 sucreries qui produisent 700 000 tonnes par an et entend porter ses capacités à 12 millions de tonnes de sucres roux et blanc. Pour atteindre cet objectif, les négociations avec le groupe Cevital portent, en premier lieu, sur un contrat de partenariat pour le management des sucreries qui ouvrirait le capital des unités existantes à 70%. Cevital pourra aussi cultiver de la canne à sucre sur 200 000 ha au Soudan. Le groupe algérien devrait dupliquer son complexe agroalimentaire à Port Soudan sur 54 ha. Défis majeurs Des investissements qui permettront à ce pays d'Afrique de l'Est de passer d'importateur à exportateur de produits alimentaires. Selon M. Rebrab, les projets en cours permettront à l'Algérie de sécuriser ses approvisionnements en produits alimentaires de base et de se défaire de la dépendance vis-à-vis du Brésil. Pays semi-aride, l'Algérie ne dispose pas de ressources suffisantes pour irriguer des cultures fortement consommatrices d'eau comme la canne à sucre. Elle se doit donc de rechercher des terres disposant de grandes ressources hydriques pour cultiver ce genre de produits et ainsi sécuriser ses approvisionnements. Cevital compte ainsi prospecter les opportunités qui se présentent en Ouganda, au Mozambique, en Tanzanie ou encore en Ethiopie considérée comme le château d'eau de l'Afrique. Une question aux enjeux stratégiques, selon M. Rebrab, pour une Algérie qui devra faire face à trois défis majeurs. Le premier est celui de l'emploi car d'ici 2020, 10 millions de demandeurs d'emploi viendront grossir les rangs des chômeurs. Le second est celui de l'expansion démographique car l'Algérie comptera 50 millions d'habitants d'ici 2025 ; une population qui alimentera la demande d'énergie sur le marché interne et, par ricochet, impactera les volumes d'hydrocarbures exportés et induira une baisse des revenus de l'Algérie. Il faudra donc diversifier les sources de richesse. Enfin, le patron de Cevital évoque la sécurité alimentaire. Il rappelle que les stocks mondiaux de produits alimentaires n'ont jamais été aussi bas, avant d'ajouter que le spectre de la pénurie plane et que rien ne garantit qu'on puisse, demain, importer tout ce dont on a besoin avec tout l'argent dont on dispose. Autant de raisons qui devraient pousser, selon lui, les pouvoirs publics à encourager l'investissement aussi bien au niveau national qu'international. Auquel cas, les techniques d'ingénierie financière permettront d'outrepasser les autorisations de la Banque d'Algérie. M. Rebrab, qui précise que son entreprise est en surliquildités, estime que Cevital pourra toujours passer par les crédits concessionnels et les fonds d'investissement pour financer ses projets à l'international sans le moindre recours à des transferts de devises à partir du marché national. Et d'ajouter enfin que Brésiliens, Indiens et Chinois affichent déjà de l'intérêt pour ce genre de projets. Comme quoi, si la montagne ne vient pas à Mahomet, c'est Mahomet qui ira à la montagne…