C'était la fermeté qu'il faudrait conforter, mais ce fut l'inverse qui s'imposa au grand dam de la famille enseignante. La décision du chef du gouvernement d'abord, ensuite du ministre de l'Education qui lui emboîta le pas, en allant plus loin dans sa décision de plancher sur les recours des élèves tricheurs, a démontré une nouvelle fois le caractère sinistré de notre système éducatif. Nous comprenons aisément le «dégoût» et le désespoir des milliers d'enseignants qui ont déposé leur dossier, cet été, pour prendre leur retraite. A trop vouloir acheter à n'importe quel prix la paix sociale, le Premier ministre et tous ceux qui ont inspiré cette scandaleuse mesure, en faveur des tricheurs, ont choqué la famille de l'éducation. «Il ne reste plus rien dans notre école, mieux vaut partir ‘‘proprement'' et laisser nos places à qui veut les prendre. Nous avons beaucoup de pitié pour ceux qui vont nous remplacer, car ils auront du pain sur la planche. Les classes deviendront des champs de bataille de la triche généralisée», a laissé entendre une enseignante devant le bureau des retraites de l'académie de Tizi Ouzou. Cette déclaration exprime l'état d'esprit des enseignants et le climat délétère qui règnent dans nos structures éducatives. Dans tous les pays du monde, tricher ou même faire une tentative lors d'un examen peut avoir de lourdes conséquences si on se fait attraper, ce qui peut entraîner une note minimale à votre test, une suspension ou même éventuellement l'expulsion. Tous les élèves le savent, car ils l'apprennent dès l'école primaire. Dans beaucoup d'écoles, même en Algérie, une éventuelle triche est mentionnée dans le dossier scolaire de l'élève. On mentionne que vous avez violé le code d'honneur de l'institution. Cette dernière triche au bac est juste une goutte qui a fait déborder le vase. La triche dans cet examen, qu'on qualifie de sésame permettant d'avoir accès aux études universitaires, ne date pas d'aujourd'hui. De graves cas de triche (BEM et bac) ont été enregistrés depuis des années, à travers tout le territoire national, mais ils ont été étouffés par les responsables. Aujourd'hui, les élèves, constatant le manque de fermeté des responsables, sont montés d'un cran. La triche s'est grandement accentuée depuis l'ère du plus inusable ministre de l'Education qu'a connu l'Algérie indépendante, Aboubeker Benbouzid, qui a transformé l'école algérienne en un immense laboratoire d'expériences. L'élève algérien est devenu passif, inactif, tricheur, et ne comptant que sur l'aide de quelques élèves, environ 20%, qui montrent réellement du sérieux et qui encouragent le professeur à venir travailler spécialement pour eux. Malgré toutes leurs débauches d'énergie, les résultats restent en-dessous de ses espoirs. Durant les examens internes (devoirs et compositions), les élèves usent de tous les moyens pour tricher. Les élèves ont cette manie de contourner toutes les formes de surveillance, car la triche évolue comme la technologie. Tous les enseignants sont confrontés à ce phénomène de triche qui s'est banalisé. Il faut voir le ballet des élèves qui se rendent aux toilettes lors de l'examen du bac et surtout lors des épreuves des matières essentielles. Face à une quinzaine d'élèves qui attendent devant les toilettes, les professeurs accompagnateurs contemplent, impuissants, des dépassements gravissimes des élèves qui montrent même des comportements agressifs. Etant donné le caractère risqué de sanctionner un élève pour sa triche par un rapport de sanction et d'exclusion de cet examen, les enseignants préfèrent fermer l'œil. Il y a quelques années, un professeur, qui a osé appliquer la loi du Talion, a failli se faire étriper, non pas par les parents, mais par les villageois. Mais la triche est encouragée aussi par les adultes. En effet, depuis l'instauration du classement des wilayas dans les résultats du bac, la triche s'est accentuée. Chaque wilaya tente d'éviter le purgatoire, et pour y arriver, tous les moyens sont bons. De nombreux pédagogues ont souhaité la suppression de ces classements qui ouvrent la voie à de nombreux dépassements. On pourrait se limiter au classement des trois premières wilayas à l'échelle nationale et du même nombre d'établissements dans chaque wilaya. Le règne de la médiocrité a atteint son apogée au sein de l'école algérienne. Du rachat des fraudeurs au bac au pardon pour les tricheurs, c'est tout le moral des enseignants qui est atteint. Les vidéos du copiage filmée cette année par une élève et diffusées sur Internet ont été consultées par plus de sept millions d'internautes dans le monde. Ces vidéos ont même été enregistrées, comme pièce à convictions, par les services de l'Unesco, selon un journal français. Quels sont les arguments à faire valoir par les responsables algériens devant cette prestigieuse institution du savoir. Mustapha Lacheraf, l'ancien ministre de l'Education, lui qui voulait donner un bon coup de pied dans la fourmilière, avant de se faire désigner comme ambassadeur en Argentine, devrait se retourner dans sa tombe devant tant de gâchis. Tous les syndicats sont unanimes pour critiquer la politique éducative du gouvernement quand bien même tous les candidats tricheurs ne méritent même pas une chance de redoublement à vie. Des leçons qui vont servir notre école et qui vont concourir au relèvement du niveau des élèves et de la crédibilité de l'école algérienne.