La campagne médiatique égyptienne aurait pu faire très mal à la société algérienne parce qu'elle a pris appui sur les dizaines de chaînes satellitaires que compte le pays, publiques et privées, puissamment dotées en moyens humains et techniques. Mais en raison de ses outrances verbaux et son manque de professionnalisme, elle n'a eu aucun impact négatif sur la population algérienne. Mais force est de relever que face à cet arsenal audiovisuel, l'Algérie n'a pu mobiliser que son unique ENTV qui, dès le premier jour, rata le coche en se gardant de diffuser instantanément l'agression contre les Fennecs et en privilégiant les commentaires maladroits de Hachemi Djiar, ministre de la Jeunesse et des Sports qui s'est fourvoyé dans une douteuse « amitié algéro-égyptienne ». En dépit de la gravité de la situation, l'ENTV n'a pas eu la capacité de bousculer ses réflexes bureaucratiques et il a fallu l'apport diversifié et professionnel de diverses chaînes satellitaires européennes et maghrébines et le concours d'Internet et des portables pour que le battage politico-médiatique égyptien soit contrecarré. La presse écrite algérienne a pesé de tout son poids mais son impact a été forcément réduit du fait de la faiblesse de sa pénétration au sein de la population et dans les sociétés arabes d'une manière générale davantage portées sur l'oral et l'image. Le moment est donc venu aujourd'hui de tirer les leçons de cette épreuve, la première étant de doter l'Algérie d'un réseau dense de chaînes audiovisuelles libérées de toute tutelle publique et politique. Des chaînes indépendantes en mesure de parler vrai aux Algériens, de se faire l'écho de leurs joies et peines et de les mobiliser lorsqu'il y a menace par un danger quelconque, surtout extérieur. C'est une exigence sécuritaire autant que démocratique. Interpellé sur cette question, il y a quelque temps, le président Bouteflika avait rétorqué que « la société algérienne n'est pas encore mûre pour l'ouverture de l'audiovisuel ». Le formidable élan patriotique de ces derniers jours est une réponse cinglante à cette fausse appréciation du chef de l'Etat : les Algériens n'ont aucun déficit en dignité et responsabilité, y compris les plus jeunes qui savent devenir patriotes lorsque leur pays est menacé mais qui n'hésitent pas, lorsque leur dignité est bafouée à verser dans la révolte. Et c'est parce qu'elle a été négligée, voire diabolisée, que la jeunesse a souvent pris des chemins hasardeux, notamment celui de la « harga » (fuite clandestine à l'étranger). C'est une jeunesse qui mérite pourtant que l'on s'occupe d'elle avec sérieux et de toute urgence à travers une politique audacieuse et ambitieuse d'emplois, de logements et de loisirs. Une jeunesse comprise et équilibrée, dans une ambiance de libertés plurielles, voilà le socle de l'Algérie de demain. C'est le message le plus profond de ces moments historiques de liesse liés à la qualification des Verts au Mondial 2010. Le message a-il été compris ainsi, en haut lieu du pouvoir ?