Après un parcours artistique de plus d'une quarantaine d'années, le ministère de la Culture a tenu à rendre hommage à l'artiste Salah Hioun dont les œuvres convient le spectateur à apprécier une trentaine de compositions qui mettent en valeur un langage graphique et une expression de formes révélant les doux tumultes de l'enfant de Collo. Utilisant la technique du collage, de la gravure en creux (sèche, manière noire, burin, plomb gravé, gaufrage sur papier) et la gravure en à-plat (sérigraphie et lithographie), l'artiste tient à se réapproprier le patrimoine ancestral, selon une vision qui se veut contemporaine. Evitant l'image d'Epinal et refusant de faire dans le factice, les œuvres présentes transportent le visiteur dans le dédale de la peinture expressionniste, discrète et non moins chargée de mystères. « Je suis, tout le temps, préoccupé par des procédés nouveaux et par la recherche de matériaux diversifiés pour en faire des compositions susceptibles d'ouvrir des perspectives plurielles », dira l'artiste, à l'écart des modes et écoles de son temps et en perpétuelle quête de « sa propre vérité ». Singulièrement charpentée, la silhouette humaine est omniprésente dans nombre de ses tableaux. Le visage de la femme est balayé par une aura monacale, au même titre que d'autres réalisations dont le trait sobre laisse émerger une atmosphère de solennité. Mémoire bâillonnée, Femmes fabuleuses, la Veuve, Détresse, le Nord et le Sud et d'autres esquisses « sans titre » sont autant de peintures en bichromie ou « multichromie », dont l'image métaphorique invite à une halte. Les gravures, monogravures et lithographies déclinent les strates d'un temps difficilement saisissable, sinon la fibre profonde puisée du substrat de l'africanité que l'artiste revendique à l'envi, à l'instar de l'œuvre dédiée au Panaf 2009, manifestation à laquelle les organisateurs n'avaient pas jugé bon de le convier à y participer. On décèle dans son travail quelque symbolique de dévotion, à travers ses œuvres Autel de l'aurore et Epitaphe, dont la technique du plomb gravé déroule un récit pictural labyrinthique qu'il tient à ranger dans L'Entre deux mondes. Il utilise, à ce titre, le procédé du collage qui engonce ses réalisations dans une matière pénétrée d'une triple propension : discrétion, originalité et sagesse. En clair, l'artiste Hioun, dont la vigueur de la touche se veut au service de l'intensité expressive, se résume dans cette symbiose de formes nourries aux sources de la mémoire et pétries dans le moule de la création. Ce qui tient à cœur le plus au remarquable graveur c'est, d'une part, la récupération des machines de lithographie, l'utilisation du support qu'est le zinc grainé disponible qui peut remplacer la pierre d'impression pour réaliser les œuvres, et, d'autre part, la mise en place d'un atelier d'art graphique afin, dit-il, d'initier les jeunes dans une démarche didactique aux notions graphiques.