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Les interactions public/privé dans le système de santé algérien

Aujourd'hui, plus de 300 cliniques sont opérationnelles, dont un tiers sont dédiées à l'hémodialyse. L'apport du secteur privé en lits d'hospitalisation croît, mais reste modeste comparativement au secteur public. En outre, il affiche un taux d'équipements en imagerie médicale assez appréciable. Sa dynamique s'opère dans un contexte de transition plurielle : une transition économique qui reste encore inachevée, une transition sociologique avec une forte urbanisation, une rapide transition démographique avec une modification à l'avenir de la pyramide des âges, une transition épidémiologique toujours en cours (le poids croissant des maladies chroniques) et une transition politique toujours en suspens.
L'ouverture du secteur de la santé au privé est perçue par certains analystes comme une marchandisation de la santé, institue une médecine à deux vitesses et participe à l'accentuation des inégalités d'accès aux soins. Pour d'autres, elle est souhaitable, vu l'état de délabrement que vit le secteur public et les dysfonctionnements le caractérisant. Quant aux fondateurs des cliniques, ils pensent qu'il est urgent d'intégrer la dynamique des cliniques dans la politique nationale de santé, le secteur public à lui seul étant incapable de répondre à une demande de soins de plus en plus croissante. Le secteur privé, plus souple et réactif, devrait être accepté comme un acteur complémentaire. Leur souci majeur est l'extension de la contractualisation des prestations avec les organismes de sécurité sociale en rendant solvable un marché bien plus large.
Dans cette contribution, nous nous focaliserons sur les interactions public/privé dans le système de soins algérien à travers la double activité des médecins du secteur public. Cette dernière permet aux médecins de combiner une pratique médicale dans le secteur public avec une activité médicale dans le secteur privé. Cette pratique est largement observée dans les systèmes de santé des pays en développement, y compris dans les pays où cette pratique est prohibée. Lorsqu'elle est autorisée, les gouvernements mettent en place des dispositifs réglementaires pour permettre aux professionnels de santé d'exercer un autre emploi tout en régulant souvent la nature et la durée du «deuxième» emploi. Dans certains contextes, la double activité peut alors être même considérée comme une solution possible pour les problèmes de financement des systèmes de santé quand les ressources financières allouées au secteur de la santé sont insuffisantes pour permettre une rémunération satisfaisante des professionnels de santé.
En Algérie, la double activité est officiellement reconnue depuis 1999. Plus précisément, la double activité des médecins du secteur public est régie par deux dispositifs législatifs. Le premier est connu sous le terme d'activité complémentaire. Il permet, sous certaines conditions, aux médecins spécialistes hospitalo-universitaires et de santé publique, jouissant de cinq années d'ancienneté dans le secteur public, d'exercer en parallèle dans le secteur privé (cliniques privées et/ou cabinets médicaux) ou dans le secteur parapublic à raison d'une journée par semaine. Le deuxième dispositif, désigné par le terme activité lucrative, mis en place à partir de 2010, autorise les praticiens hospitalo-universitaires et les praticiens spécialistes de santé publique (y compris ceux occupant les postes de chef de service et de chef d'unité) à exercer dans les structures privées une activité lucrative les week-ends et les jours fériés. Les fonctions de chef de service et de chef d'unité n'ouvrent droit qu'à l'activité lucrative.
Plusieurs études concluent que dans les pays en développement, c'est le niveau d'attractivité du secteur privé des soins et le coût social net de la double activité qui rendent plus ou moins nécessaires des politiques de régulation sur l'articulation secteur public/secteur privé. Le coût social net de la double activité est le différentiel entre l'évaluation des effets négatifs (déviation des patients de l'hôpital vers le privé, diminution du niveau de la qualité des soins dans le secteur public, l'absentéisme,…) et l'évaluation de ses effets positifs (prise en charge plus rapide dans le privé, désengorgement des structures publiques…). Plus le coût social net est élevé, plus des politiques de régulation restrictives pour la double activité doivent être mises en œuvre, mais le niveau d'attractivité du secteur privé est aussi déterminant.
Quand le secteur privé n'est pas attractif, le risque de perte de médecins est faible et la meilleure politique est de bannir la double activité (si le coût associé à la double activité est élevé) ou la tolérer sans limitation (si le coût de la double activité est très faible ou négatif). Quand le secteur privé est très attractif, le gouvernement dispose de deux possibilités, soit ne jamais intervenir, laisser faire, laisser aller.
En effet, dans ce cas, restreindre les possibilités de la double activité conduit les compétences médicales à abandonner plus fortement le secteur public, les autorités sanitaires risquent d'être confrontées à de fortes difficultés de personnel médical dans le secteur public. Sinon bannir la double activité, mais à condition de relever les salaires dans le secteur public. Dans ce cas, les médecins animés essentiellement par des motivations financières auront à arbitrer entre le salaire réel dans le secteur public et les gains potentiels dans le secteur privé pour se décider dans le choix d'exercice entre les deux secteurs. Dans la situation où le secteur privé est moyennement attractif, trop attractif pour bannir la double activité et pas assez attractif pour conduire un nombre significatif de médecins loin du secteur public, alors des politiques limitatives de la double activité devraient émerger comme instrument optimal des politiques de régulation.
En Algérie, le différentiel de revenus existant aujourd'hui entre les deux secteurs participe sans aucun doute de l'attractivité du secteur privé des soins. Le Dr Mebtoul (2004) considère que l'ouverture au privé peut être vue comme une manière pour les pouvoirs publics de ne pas répondre favorablement aux revendications salariales des professionnels de santé. Toutefois, la double activité a été instituée à une période où le budget de l'Etat ne permettait pas de rémunérer correctement les médecins. Les faibles salaires dans le secteur public comparativement au secteur privé étaient la raison majeure qui a laissé les médecins exercer dans le secteur privé, la double activité était tout à fait justifiée. Aujourd'hui, la donne a changé, la double activité est devenue une source substantielle de revenus pour de nombreux médecins, même si les salaires dans le secteur public ont connu des revalorisations conséquentes. Les médecins seraient plutôt dans des stratégies d'optimisation de revenu ou d'atteinte d'un revenu cible que d'une modalité qui permette de compenser les faibles salaires à l'hôpital.
L'ouverture du secteur privé aux médecins du secteur public a donc renforcé son attractivité et a modifié les comportements des médecins dans leur stratégie d'offre de travail en lien avec des motivations essentiellement financières. La sensibilité des médecins aux incitations financières est très forte, la rémunération à l'acte prévalant dans le secteur privé laisse les médecins dans des stratégies de recherche d'activités pour augmenter leurs revenus. Dans ce contexte, l'éthique et la déontologie médicales peuvent reculer pour laisser place à des stratégies purement utilitaristes. Ces stratégies peuvent s'exercer au préjudice du secteur public : conflits d'intérêt entre secteur public et privé, induction de la demande dans le sens des intérêts des médecins, adressage intéressé de patients,… favorisées par un contexte où le système de régulation est faible, voire inexistant. Aujourd'hui, le semblant d'encadrement de l'activité des médecins s'avère insuffisant pour l'emporter sur les motivations et incitations du ressort des comportements individuels des professionnels de santé sur le marché du travail. Le manque de supervision de la double activité par les pouvoirs publics a induit sa quasi généralisation.
Le secteur privé semble se nourrir des dysfonctionnements du secteur public et des stratégies des médecins en double activité qui reportent sur le secteur privé une demande de soins de plus en plus importante. Ces nouveaux facteurs d'offre et de demande de soins ont largement contribué à l'expansion de l'offre privée de soins.
Rappelons que les tarifs des prestations médicales dans le secteur privé en Algérie ne sont encadrés par aucune nomenclature, les médecins disposent d'une grande marge de manœuvre dans la fixation des tarifs des prestations. Cette absence d'une grille de tarification a laissé une grande place à une diversité des prix pour une même prestation. Le secteur libéral en Algérie peut être assimilé au secteur II en France, dit à honoraires libres, où le médecin n'est pas encadré par un quelconque tarif conventionnel. Le prix devient un levier pour faire face à la concurrence dans un contexte d'un marché limité, marqué par l'absence d'une prise en charge collective des dépenses occasionnées dans le privé. Paradoxalement, nous observons une adhésion collective des médecins à un dispositif tarifaire (une entente tacite) sans pour autant sacrifier la liberté de fixer leur propre tarification suivant une stratégie de différenciation.
Malgré l'attractivité financière du secteur privé, les médecins algériens s'accrochent à leur emploi dans le secteur public. La recherche de gains est certes un motif important dans l'élaboration de leur stratégie, néanmoins l'emploi à l'hôpital garantit un revenu, assure une stabilité de l'emploi et contribue à la réalisation des aspirations professionnelles des médecins. En présence d'un secteur privé plus rémunérateur, l'offre de travail des médecins va obéir à des stratégies de façonnage des activités en arbitrant entre un secteur public contraint par une quantité de travail connue et fixe et un secteur privé où l'offre de travail est très élastique. L'arbitrage entre ces deux emplois va déterminer la quantité de travail effectuée et, partant, les revenus des médecins en double activité.
En Algérie, l'attrait du secteur public est un contrepoint qui reste encore efficace. Il s'agit alors non pas d'interdire ou de laisser libre la double activité, mais de l'encadrer. S'il est démontré qu'il y a abus, ce qu'il faut encore prouver, un contrôle plus strict de l'activité publique à assurer peut être un élément de régulation. Même si le différentiel de rémunération est un moteur essentiel de la double activité, aligner les salaires des médecins de l'hôpital avec ceux du privé semble être une solution difficile à mettre en œuvre aujourd'hui dans le contexte algérien. Certes, les motivations financières des médecins sont fortes, mais d'autres arguments peuvent peser pour un fonctionnement plus efficace et équitable du secteur public. Le niveau des équipements techniques peut en être un : il est peut-être alors plus réalisable et pertinent d'améliorer les plateaux techniques publics plutôt que d'augmenter les salaires des médecins publics. Quant au développement d'un système de santé à deux vitesses principalement assis sur un écrémage financier ou social, il est un risque important lié au fonctionnement actuel de la double activité.
Il est impératif de mieux connaître la double activité afin de mettre en place des politiques de régulation adéquates : collecter des données objectives sur le temps de travail public et privé des médecins, sur les caractéristiques socioéconomiques des patients du secteur privé, conduire des enquêtes qualitatives sur les motivations des médecins publics qu'ils soient ou pas en double activité.
Nous ne minimisons pas la difficulté de telles études dans un système de santé où les données disponibles sur l'activité médicale ne sont pas bien fournies. Une meilleure connaissance de la double activité nous semble pourtant de toute importance à l'heure où le pan privé du système de santé se développe et où des politiques pertinentes seraient à mettre en œuvre pour maintenir un service public de qualité et accessible.


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