L'Unesco tient à jour deux listes qui sont actualisées chaque année : la Liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente et la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Cette dernière ressemble à un long poème surréaliste qui aurait été imprégné par l'esprit des Mille et Une Nuits. On y découvre l'infinie richesse de l'histoire humaine et sa diversité toujours plus incroyable qu'on ne pouvait le penser. Qu'on en juge à l'énonciation de quelques éléments : la société secrète des Kôrêdugaw (Mali) ; le Fado, chant urbain du Portugal ; le savoir-faire traditionnel du violon à Crémone ; le musée vivant du Fandango au Brésil ; le théâtre d'ombres chinois ; la pêche aux crevettes à cheval à Oostduinkerke (Belgique) ; la culture et la tradition du café turc ; la tradition du tracé dans la charpente française ; les chants et danses populaires Kalbelia (Rajasthan) ; la danse des ciseaux au Pérou ; la marche des sonneurs de cloches du carnaval de Kastav (Croatie) ; le tango d'Argentine ; la cuisine traditionnelle mexicaine, etc. Si la liste représentative du patrimoine culturel immatériel ne servait qu'à évoquer la légende de la planète, ce serait déjà une contribution appréciable. Elle pourrait être l'antidote moral de ce qui pousse les hommes, les communautés, les peuples ou les nations à s'affronter. Une sorte de talisman moderne contre l'intolérance et la violence. Car, que nous montre-t-elle cette liste prise dans son expression abrégée (car derrière chaque énoncé se trouvent des archives considérables) ? Rien de moins que l'extraordinaire inventivité des hommes au cours des siècles, créant des savoir-faire, établissant des traditions, multipliant les formes d'expression et donnant à tout cela des noms tous plus originaux et merveilleux les uns que les autres. Bref, elle nous apprend que pour nous différencier, nous n'avons pas trouvé mieux que de nous ressembler. Aujourd'hui, 282 éléments composent cette liste. Si nous nous intéressons aux vingt-deux pays de la Ligue Arabe, on peut constater que seuls neuf pays ont inscrit des éléments dans cette liste : Algérie, Egypte, Emirats arabes unis, Irak, Jordanie, Maroc, Oman, Palestine et Yémen. Les plus actifs en la matière appartiennent au Maghreb, bien que la Tunisie, en dépit de son potentiel en la matière, demeure aujourd'hui absente de la liste. Le Maroc est présent avec trois éléments nationaux (le Moussem de Tan-Tan, l'Espace culturel de la place Jemaâ el-Fna, le Festival des cerises de Sefrou) et trois transnationaux (La fauconnerie, un patrimoine humain vivant, avec 12 autres pays du monde arabe, d'Europe, et d'Asie et la Diète méditerranéenne avec 6 autres pays). L'Algérie est présente avec trois éléments nationaux (l'Ahellil du Gourara, les Rites et savoir-faire artisanaux associés à la tradition du costume nuptial de Tlemcen, le Pèlerinage annuel au mausolée de Sidi Abd el-Qader Ben Mohammed dit Sidi Cheikh) et un premier transnational (pratiques et savoirs liés à l'Imzad des communautés touarègues de l'Algérie, du Mali et du Niger). Les autres pays arabes présents sur la liste représentative du patrimoine immatériel n'ont inscrit qu'un seul élément soit individuellement (Egypte, Irak, Jordanie, Yémen), soit collectivement (Arabie Saoudite, Emirats arabes unis). Oman est présent avec un élément de chaque type. Il est symbolique enfin que la Palestine ait réussi à inscrire un élément, la Hikaye palestinienne, son art du conte féminin. Les légendes ont toujours forgé les résistances.