Après une nouvelle hospitalisation de quatre jours, Abdelaziz Bouteflika est rentré jeudi au pays. La présidence de la République, qui a rendu publique l'information, a tenu à préciser que le chef de l'Etat «rentre 24 heures avant le délai prévu». Car, initialement, Abdelaziz Bouteflika devait revenir hier. Ce retour au bercail du Président ne règle pourtant pas tout. Malgré la convocation du corps électoral, qui ouvre la voie à une meilleure lisibilité du calendrier de l'élection présidentielle, le mystère reste entier et le pays demeure étrangement suspendu à l'attitude d'un seul homme. Et la situation risque de demeurer ainsi, d'autant plus que la communication officielle est toujours verrouillée. La moindre information concernant le chef de l'Etat est ainsi épiée, analysée et souvent soumise à des lectures les plus fantaisistes. L'absence d'un véritable bulletin de santé du chef de l'Etat en rajoute une couche à l'incertitude ambiante. Car, en même temps qu'elles ne sont guère rassurantes, les alertes de santé de Abdelaziz Bouteflika plongent le pays dans une sempiternelle léthargie. Et le silence du chef de l'Etat ne fait qu'appesantir cette situation. Réalité ou illusion ? Le flou entretenu, par défaut ou à dessein, ne permet ni une élection crédible ni une stabilité à un pays qui n'est pas définitivement sorti de la zone de turbulences malgré les assurances des autorités. Des candidats à la candidature, à l'image de Soufiane Djilali, ont d'ores et déjà assuré que si le chef de l'Etat se porterait candidat, ils se retireraient. Ces derniers estiment que si Bouteflika se lance dans la bataille, cela signifie que les dés sont jetés et que le scrutin est fermé. C'est également l'avis de Abdallah Djaballah qui demande aux autres candidats de «laisser le candidat du système» concourir seul. Pour beaucoup d'observateurs, le retour de Abdelaziz Bouteflika, qui va recevoir dimanche le président malien, relance le débat sur la possibilité de le voir postuler encore une fois à la présidence de la République. Nonobstant une dégradation brutale de son état de santé, l'actuel chef de l'Etat ne semble pas renoncer à l'ambition de rester en poste pour un nouveau mandat de cinq ans. Ses partisans, qui agissent en public ou dans les coulisses des salons algérois, ne cachent plus leurs vœux. A l'image de Amar Saadani ou, tout récemment, de Abdelmadjid Sidi Saïd, les appels du pied à un quatrième mandat se font de manière régulière, même si à un moment donné, tout ce monde commençait à douter. Les déclarations tonitruantes de Amar Saadani, les interminables louanges du secrétaire général de l'UGTA et les promesses de Abdelmalek Sellal ne laissent aucun doute sur la volonté de Bouteflika et de son entourage. Réelle perspective ou intox destinée à nourrir l'illusion ? La réponse dépend de l'avenir. Il est pourtant difficile d'admettre cette hypothèse en l'état actuel des choses. Les images d'un président dubitatif et tremblant lors de la signature de la loi de finances à la fin de l'année 2013 hanteront pour longtemps le clan présidentiel qui s'efforcera de montrer un Président plus jovial lors d'une prochaine sortie médiatique. Voulant maintenir le suspense jusqu'au bout, Abdelaziz Bouteflika se donne le temps. Pour ne rien laisser transparaître, le chef de l'Etat joue sur la légalité : la loi lui donne le temps de se déclarer candidat ou pas jusqu'au 3 mars, date limite du dépôt des candidatures au niveau du Conseil constitutionnel. Une attente qui s'éternise Pendant ce temps, les adversaires du chef de l'Etat restent en stand-by. Une bonne partie de la classe politique demeure accrochée à une hypothétique décision du chef de l'Etat. Certains candidats potentiels attendent que Abdelaziz Bouteflika se détermine. Ils sont presque certains qu'ils n'ont aucune chance, si ce dernier se porte candidat. D'autres figures de l'opposition, à l'image de Saïd Sadi, Abderrezak Makri ou Abdallah Djaballah sont sur le point d'adopter la même position. Indifférent à la décision de l'actuel chef de l'Etat, Ali Benflis, lui, a décidé de se lancer dans la bataille. C'est la première «grosse» pointure qui va se décider à tenter sa chance. L'ancien Premier ministre va annoncer, publiquement, sa candidature lors d'une conférence de presse qu'il donnera demain à Alger. Les anciens Premiers ministres, notamment Abdelaziz Belkhadem, Ahmed Ouyahia et, à un degré moindre, Mouloud Hamrouche et Abdelmalek Sellal attendent tous deux un signal de Abdelaziz Bouteflika. A l'exception de Mouloud Hamrouche qui n'a consenti aucune déclaration publique depuis plusieurs années, ces candidats potentiels ont tous annoncé qu'ils ne concourront pas tant que le Président sera en course. Une preuve supplémentaire que tout dépend des gestes et faits de Abdelaziz Bouteflika. Et cela n'a pas l'air de se terminer.