Même durant l'Aïd, la population n'a pas échappé au rationnement strict de l'eau potable, et certains ont dû acheter des citernes afin de pallier à la pénurie. La résignation de la population à Batna n'a d'égal que l'incurie des services de l'ADE, incapables de gérer le réseau d'AEP, voire indifférents au confort mérité des habitants de la ville. La norme internationale voudrait que les citoyens aient droit à 1000 m3/an par habitant. La politique du gouvernement vise une alimentation en H24, et Batna semble appartenir à une autre planète. Pourtant, la capitale des Aurès, à l'instar des grandes villes du pays, a eu sa part d'infrastructures hydrauliques, réalisées à la faveur de l'aisance financière du Trésor algérien. Un grand barrage, Koudiet Lemdouar, et une station de pompage impressionnante réalisée par une société allemande près de Timgad sont en service. Le premier d'une capacité d'environ 75 millions de m3 et mis en service en 2005, la station, quant à elle, d'une capacité de 200 m3/j, en plus d'une série d'équipements annexes, forment le système qui devrait doper les capacités hydriques de toute la wilaya. Ces investissements compris dans les programmes quinquennaux de Bouteflika et d'ailleurs inaugurés par ses soins sous les feux de la rampe, demeurent sous-exploités. Et la cause principale en est la médiocrité de l'exploitation du réseau, confiée jusque-là à l'opérateur public ADE. Si les grandes villes telles Alger, Annaba et Constantine ont appelé à la rescousse la gestion déléguée confiée, entre autres, à des groupes français et espagnols, forts d'une expérience séculaire dans le domaine, Batna souffre encore de la faiblesse de son réseau et d'une gestion locale considérée à juste titre comme le maillon faible de la chaîne. Il ne s'agit pas de tirer sur l'ambulance, mais la coupe est pleine dans de nombreux quartiers exposés aux humeurs des agents qui tiennent les vannes, ainsi que chez les familles qui n'ont pas construit des bâches à eau. Il est vrai que les usagers ne sont pas nécessairement touchés de la même façon pour cause de desserte, mais des cités comme El Boustene, Bouzourane, 246 logements (la liste n'est pas exhaustive), souffrent le martyre. Le gâchis est incommensurable compte tenu des efforts consentis par l'Etat dans le développement des capacités hydriques et l'amélioration de l'alimentation en eau dans la région. Les robinets sont toujours avares, tributaires d'un rationnement irrégulier, et ce n'est certainement pas la faute de la politique centrale. Officiellement, on souligne une nette amélioration cette année de l'approvisionnement en eau potable à Batna depuis l'entrée en service du barrage de Koudiet Lemdouar, avec un taux de raccordement de 89%. Les projets de diagnostic et rénovation du réseau, jugé vétuste, sont engagés depuis 2003 et bénéficient d'enveloppes conséquentes. Les travaux sont en cours pour le remplacement des canalisations et devront logiquement apporter un plus. Ceci dit, la vétusté du réseau ne doit pas cacher la médiocrité de sa gestion. L'insuffisance de l'approvisionnement, ajoutée aux problèmes d'assainissement et d'environnement, pose le problème d'insécurité d'alimentation en eau potable. Selon une étude réalisée en 2004 par le laboratoire de recherche en hydraulique souterraine et de surface, « les causes qui affectent considérablement la vulnérabilité du système d'AEP à Batna sont dues à la malveillance, aux erreurs humaines, aux défaillances techniques, à la mauvaise gestion, la forte demande en période d'été, la concurrence au niveau de la prise d'eau (agriculteurs et industrielles), la sécheresse et la pollution diffuse. » L'élément humain est clairement mis à l'index dans ce diagnostic. De vieilles pratiques sont érigées en politique, ce qui doit inciter les autorités locales, à commencer par le wali, à mettre le doigt sur la plaie et veiller à ce que le droit du citoyen à l'eau soit respecté.