Le Dr Merad revient dans cet entretien sur les complications de la rétinopathie diabétique qui pose un sérieux problème de santé publique. Pour elle, le dépistage est le moyen efficace pour lutter contre cette maladie et éviter les complications qu'elle engendre, à savoir la cécité. Tout diabétique nécessite un examen régulier chez l'ophtalmologue, recommande-t-elle. Comment évaluez-vous la rétinopathie diabétique (RD) en Algérie, comment se fait le diagnostic et quel est le degré de sévérité ? Le diagnostic de la RD est facile à poser et ne nécessite pas d'appareils élaborés. Pour poser le diagnostic, il faut accéder et examiner le fond d'œil du patient diabétique. On peut utiliser un simple ophtalmoscope ou une lentille qui ont tous deux un pouvoir grossissant telle une loupe. Les lésions peuvent être plus ou moins graves, mais pour faciliter la compréhension à un large public, on peut dire qu'il existe deux grandes formes : la forme non proliférante qui est une forme sans néovaisseaux et la forme proliférante avec néovaisseaux. La présence de ces néovaisseaux est à redouter. Il s'agit de vaisseaux de calibres très fins, de très mauvaise qualité pouvant saigner à tout moment, n'ayant plus la fonction d'un vaisseau normal comme nourrir un organe. C'est cette forme (avec néovaisseaux) qui est à l'origine de graves complications oculaires aboutissant à la cécité. Quel est le traitement adapté pour prendre en charge la RD et sont-ce tous les diabétiques qui ont accès à ces soins ? on ne peut pas empêcher la survenue de la RD, en revanche, on peut empêcher le passage de la forme non proliférante à la forme proliférante, c'est-à-dire empêcher la survenue de complications et mettre ainsi le patient à l'abri de la cécité. C'est pourquoi le diagnostic doit être fait le plus précocement possible à un stade où la RD est encore maîtrisable. Notre objectif est de stabiliser les lésions que l'on a observées avant qu'elles ne se traduisent par une atteinte de la vision. Il ne faut pas que le patient attende « de ne pas voir » pour venir consulter. Ce traitement consiste en une photocoagulation au laser. C'est un traitement très bien codifié, utilisé dans les pays les plus riches. C'est le seul traitement actuellement reconnu et ayant fait la preuve de son efficacité. Les autres traitements que sont les injections intraoculaires, la chirurgie… sont réservés pour des formes très sévères. Quant à votre deuxième question concernant l'accès aux soins, c'est un traitement qui ne peut être réalisé que par des médecins spécialisés en ophtalmologie. Il faut que le nombre de lasers soient suffisants, car chaque patient nécessite plusieurs séances et une surveillance à vie. Ces lasers sont répartis entre les secteurs public et privé, et il est facile de déduire que le seul secteur public ne peut répondre à toute la demande. Il serait donc nécessaire que les patients soient aidés sous une forme ou une autre pour accéder à ce traitement trop coûteux quand il est payant. Le dépistage reste donc le moyen essentiel pour lutter contre la RD, qu'attendez-vous du projet Radar que vous pilotez ? Oui, le dépistage représente le moyen le plus efficace pour lutter contre la cécité induite par les complications de la RD. Si la RD est dépistée à des stades peu sévères, on peut stabiliser les lésions oculaires et le patient peut garder sa vision initiale sachant qu'on peut rarement l'améliorer. Nous attendons beaucoup de ce projet. C'est pour nous un véritable défi de lutte contre la cécité du diabétique. Beaucoup de nos patients arrivent tardivement à des stades compliqués en état de cécité pratique, et je rappelle qu'il s'agit le plus souvent de patients encore actifs socialement : soit une mère de famille ayant en charge l'éducation de plusieurs enfants, soit un père de famille qui va perdre son emploi… Ce projet est donc un espoir de voir le taux de cécité induite par les complications de la RD réduit ? Oui, ce projet représente un formidable espoir de lutter contre la cécité induite par la RD. Beaucoup de pays développés l'on déjà mis en place, à savoir l'Angleterre, le Canada, la France... Seul le dépistage massif et systématique permet de révéler le maximum de patients atteints de RD. D'ailleurs, il est fort possible que la prévalence algérienne de la RD publiée en 2008 (2,9%) soit réévaluée avec un taux plus élevé lorsque ce réseau sera mis en place. Le projet Radar est un moyen de diagnostic rapide, non invasif, ne nécessitant pas la présence sur place de l'ophtalmologiste. Ce projet a prévu d'équiper les maisons du diabète qui fonctionnent maintenant depuis quelques années avec des rétinographes et un équipement informatique. De notre côté, nous nous sommes engagés au CHU de Bab El Oued à tout faire pour encadrer et former les techniciens en place en tant que centre de référence pour l'interprétation des clichés pris à distance. Dans une deuxième phase, ce projet a l'ambition de s'étendre et de créer d'autres centres de référence par région géographique, couvrant ainsi progressivement l'ensemble du territoire. Pour résumer, on dira que pour dépister plus de cas de RD et le plus précocement possible, il faut introduire les rétinographes non mydriatiques grâce au projet Radar. Il a pour avantage de tenir compte de la réalité algérienne : zones éloignées, pallier au manque de médecins non spécialisés… et il permet la prise de photos du fond d'œil par un technicien ou un personnel médical hors-ophtalmo, lesquelles photos seront envoyées vers un centre de lecture via le réseau informatique. (*) Chef d'unité ophtalmologie-diabétologie à l'hôpital de Bab El Oued