Le style est sobre, mais les mots sont tranchants. Liamine Zeroual est direct, c'est un militaire de carrière qui parle. Son analyse de la situation générale du pays est implacable, sans faux-fuyant. Même s'il ne se prononce pas ouvertement, comme d'autres personnalités nationales d'envergure, contre un quatrième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, il recommande toutefois «un renouveau» avec un «mandat transitoire», comme la «première étape minime d'un saut qualitatif». Il prend ses responsabilités en indiquant que c'est le mandat de l'ultime chance. Il prône avec insistance et des arguments imparables que la candidature de Abdelaziz Bouteflika est un danger pour le pays. La réprobation générale de cet acte politique insensé lui donne raison. L'ancien président de la République jouit d'une popularité exceptionnelle auprès de la très grande majorité des Algériens, en raison de son implacable engagement contre le terrorisme, la limitation de l'exercice présidentiel à deux mandats, la volonté de bâtir une économie forte, même si le prix du pétrole ne dépassait guère les 20 dollars le baril, alors qu'avec Abdelaziz Bouteflika, il a connu une hausse vertigineuse, atteignant les 130 dollars, avec des recettes exceptionnelles, mais qui n'ont pas servi à grand-chose au pays, sauf à nourrir la corruption. L'homme est aimé parce qu'il a préservé sa personne des tentations du monde de l'argent. Il vit sobrement, aime les choses simples de la vie. Il n'a rien d'un intrigant. Avec Liamine Zeroual, on est tenté d'écrire qu'ils ne sont pas tous pourris. Il sort ses griffes lorsqu'il évoque l'ANP et les services de sécurité, même si ses rapports avec le DRS étaient difficiles, ne leur pardonnant pas d'avoir négocié à son insu avec l'Armée islamique du salut (AIS). L'ancien ministre de la Défense est féroce contre tous ceux qui ont cherché à «fragiliser» son corps d'origine, son autorité morale lui confère le droit de plaider pour «la cohésion des rangs de l'ANP». Il prône l'alternance, l'émergence de contre-pouvoirs, une économie transparente, le patriotisme, un dessein national, le respect de la voix exprimée par le citoyen… Tout le contraire de la politique suivie par Abdelaziz Bouteflika, qui s'accroche pathétiquement au pouvoir. Cette déclaration fera date et fait renaître de l'espoir dans le cœur des Algériens, dans leur farouche résistance aux forces mafieuses qui gangrènent l'Etat algérien.