Tunis De notre correspondant Cette annonce confirme les rumeurs, propagées depuis un certain temps, et régulièrement niées par la direction d'Ennahdha, sur cette intention de départ, et ce, depuis sa démission du gouvernement en février 2013, suite à l'assassinat de Chokri Belaïd. En parallèle avec sa démission du gouvernement, Hamadi Jebali avait proposé la formation d'un gouvernement de compétences indépendantes. Mais Ennahdha avait refusé une telle proposition et désigné Ali Laârayedh à la tête d'un gouvernement formé par la même troïka, en se limitant à nommer des indépendants à la tête des ministères de souveraineté (Extérieur, Défense, Justice et Intérieur). Jebali n'avait pas démissionné de ses fonctions au sein d'Ennahdha à ce moment-là. Pourquoi l'a-t-il fait maintenant ? Enjeux électoraux Déjà à son départ du gouvernement, des bruits ont couru sur l'éventuelle candidature de Hamadi Jebali à la présidence de la République, en tant que candidat consensuel. «Jebali s'est fait déjà précéder par cette image dissidente d'Ennahdha, lors de sa sortie du gouvernement. Il veut fructifier le potentiel positif obtenu suite à sa proposition de gouvernement de compétences indépendantes, qui avait été soutenue par l'opposition mais rejetée par Ennahdha», observe le politologue Hamadi Redissi. A une question sur l'éventuel retour à l'Etat par la porte du palais de Carthage, Hamadi Jebali avait répondu aux médias en mars 2013 : «Je n'ai pas encore pris ma décision, mais c'est possible… Et si je serais candidat, ce sera dans un esprit de consensus.» «Dans ses tournées à l'étranger depuis son départ de la présidence du gouvernement, Jebali a régulièrement essayé d'entretenir cette image de représentant du courant modéré au sein des islamistes d'Ennahdha, celui qui n'a cessé de défendre la gouvernance consensuelle», ajoute Hamadi Redissi, qui y voit une répartition de rôles chez les islamistes. «Alors que la direction d'Ennahdha a joué les durs en février 2013, Jebali a cultivé cette image de modéré pour la fructifier aujourd'hui en espérant être accepté comme candidat consensuel», explique le politologue. Mais, le porte-parole d'Ennahdha, Zied Ladhri, voit les choses autrement. «Loin de toute logique décelant des complots dans chaque fait, je peux vous assurer que rien n'a été décidé concernant le candidat d'Ennahdha pour la prochaine présidentielle. Toutes les alternatives sont encore ouvertes», souligne-t-il dans une déclaration à El Watan. Un référendum pour un congrès Cette démission de Jebali survient alors qu'Ennahdha se prépare à organiser un référendum sur le report (ou non) du congrès du parti en juillet prochain, comme cela a été décidé lors du 9e congrès de juillet 2012. Le conseil de la choura, le 4 mars dernier, a décidé la tenue de ce référendum car «aucune autorité dans le parti n'a la légitimité d'abroger la décision du congrès», remarque Zied Ladhari. «Ennahdha introduit ainsi une nouvelle culture, ancrée dans la démocratie, dans la prise de décision au sein de la vie politique», poursuit-il. Les observateurs voient dans ce référendum une revue d'effectifs d'Ennahdha dans la mesure où cette action va toucher tous les membres du parti. «La décision de report du congrès est déjà prise de fait», estime le politologue Hamadi Redissi. «A travers ce référendum, la direction d'Ennahdha veut établir une liste de ses militants, encore disponibles pour servir le parti, en prévision des prochaines élections», ajoute-t-il. Pour sa part, le porte-parole d'Ennahdha, Zied Ladhari, affirme que «suite à ce référendum et vu que plusieurs membres de la direction du parti ont quitté le gouvernement, un nouveau bureau politique sera normalement formé». Il est donc clair qu'au-delà de la démission de Hamadi Jebali, Ennahdha est en train de se préparer pour les prochaines échéances électorales. La démission de Jebali pourrait ouvrir la voie à l'un des scénarios probables.