C'est dans une ambiance très conviviale que les hôtes de la cité des Hamadites ont emmené le public qui a brillé par une grande affluence dans une promenade littéraire. Il était question de théâtre et, bien sûr, de littérature. Hadj Miliani soulignera d'emblée la carence criante de la critique littéraire en Algérie. L'évocation du quatrième art a immédiatement fait surgir Bouziane Ben Achour qui, en fin connaisseur des planches, a rejeté toute idée de crise où aurait sombré le quatrième art en Algérie. « Mitraillé » de questions qui fusent des quatre coins de la salle, l'auteur du Théâtre algérien en mouvement apportera ses précisions qui se veulent certes rassurantes sans pour autant verser dans le triomphalisme stérile. Les jeunes étudiants présents dans la salle ont émis une profusion de questions autour de la littérature, voilà qui reflète un engouement des jeunes envers la lecture. Qui a dit que nos jeunes ne lisent pas ? Les clichés, il est vrai, ont la peau dure en Algérie. Bouziane Ben Achour répondra aussi aux questions ayant trait à son œuvre. Une œuvre polymorphe. Fidèle à une ligne de conduite, ce romancier tend à chaque récidive son fil conducteur pour coudre dix années de solitude, Sentinelle oubliée, Hogra, Fusil d'octobre ou encore Hell'aba. Son dernier roman, Mèdjnoun, est un livre dense, captivant, d'une grande finesse, écrit sans gras et qui sonde au plus profond les blessures d'êtres humbles. Un point commun ? Toutes les histoires narguent toute linéarité. L'écriture s'agrippe sur des penchants multiples, flirte avec une nuée de genres et mute sans relâche. Le rythme allie digressions et évolutions éparpillées. La configuration est « bourrée » à souhait de symboles, lait maternel, tombes, ancêtres… Des portraits qui se déclinent sous forme de tableaux discursifs occupant une courte temporalité qui s'étalent tout au long d'une œuvre comme l'on voit dans Mèdjnoun ou encore dans Hell'aba. Tous ses romans sont truffés de portraits de lieux réels ou imaginaires, de descriptions de personnages marginaux ainsi que de récits d'une stupéfiante beauté et d'une implacable lucidité. Les portraits que l'auteur brosse de ses personnages sont toujours émouvants, ce sont des cœurs défaits et des corps las que dépeint Bouziane dans une langue à l'élégance sèche. Ces romans ne tirent pas à la ligne, visent juste, se débarrassent du superflu pour saisir l'essentiel. Les noms des personnages ne sont pas de vains symboles, ils sont tous en mal de reconnaissance. Le style fluide et drôle de l'auteur et le propos grave ou léger des récits permettent au lecteur de lire avec distance les histoires tristes des personnages. L'intérêt ne faiblit pas. Entre compassion et affection, l'attitude du lecteur reste solidaire. Les romans de Bouziane exploitent une ruée de descriptions, aussi bien des cadres spatio-temporels que des portraits de personnages qu'il dépeint et des récits qui revèlent le talent de l'auteur. Les portraits en donnent une vision, parfois caricaturale ou satirique, qui ne vise pas seulement une description physique, mais aussi et surtout une description symbolique. Le tout cousu avec un hallucinant détachement et une déchirante ironie.