«L'état de la critique est l'équivalent de la production culturelle et comment elle fonctionne en réalité dans notre pays», dira, à juste titre, un des intervenants... Comme le cinéma, le théâtre en Algérie manque de bons critiques. Si le 7e art connaît, aujourd'hui, ses adeptes qui commencent à activer pour lui, le 4e art reste peu ou prou traité et analysé dans les colonnes des journaux. Le théâtre en Algérie dont l'existence est relativement récente, a-t-il engendré une critique dramatique au sens plein du terme? C'est autour de cette question importante que s'est articulée, hier, la journée d'étude, tenue au Théâtre de verdure d'Alger sur initiative de l'établissement Arts et Culture. Une journée dont l'objectif, nous a-t-on affirmé, est de mettre en relief la naissance et l'évolution des différentes expériences critiques ayant caractérisé le champ de la représentation théâtrale. Cette journée a eu comme intervenant Miliani Hadj, professeur à l'université de Mostaganem et auteur de plusieurs livres sur la culture, Ahmed Cheniki, professeur à l'université de Annaba et auteur aussi de plusieurs ouvrages sur le théâtre et la culture, Bouziane Benachour, auteur et critique au journal El Watan et Jamila Mostefa Ezegaï de l'université d'Oran. La presse, miroir et tribune pour toutes les critiques a eu la part belle lors de cette journée à laquelle ont assisté quelques dramaturges, metteurs en scène et comédiens comme Ziani Chérif-Ayad et la comédienne Aïda Guechoud. Ainsi, le rôle de la critique dans le façonnement du 4e art, étudié dans les universités et souvent assimilé à celui des études universitaires, a été évoqué sous toutes ses formes. Cette méconnaissance du fonctionnement spécifique de la représentation théâtrale a provoqué de multiples malentendus au niveau ontologique et méthodologique, nous affirme-t-on. Peut-on définir la critique? Existe-t-il une critique spécialement théâtrale? La presse en Algérie a-t-elle contribué ainsi à entretenir une sorte de communication entre le théâtre et les différents publics? L'université est-elle bien outillée pour prendre en charge de sérieuses recherches sur le théâtre, en dehors des lecteurs spécifiques. La réponse est non. Elle est confirmée par nos spécialistes présents lors de cette matinée qui le crieront haut et fort car il n'y a pas eu éclosion d'un nouveau discours critique, plutôt une reproduction de discours sans création. «L'université n'a rien apporté au théâtre ni à la littérature», signale-t-on. Pour M.Benachour, le journaliste fait un compte rendu souvent informatif et non pas démonstratif. La critique, selon lui, ne s'accompagne pas de courants théâtraux. Le journaliste, en l'absence de bagages et d'outils adéquats d'analyse théorique approfondie, se veut «inopérant», «moralisateur», et fait souvent appel aux clichés et aux stéréotypes galvaudés, parfois venus d'ailleurs. Pour M.Miliani, qui évoque le plaisir du texte selon Roland Barthes, la critique de presse a joué un rôle important, notamment avant l'Indépendance, célébrant le théâtre comme un art original et naissant. Beaucoup a été dit sur la presse et le manque de profondeur des articles des journalistes qui cumulent les rubriques comme on irait au charbon. Le théâtre est marginalisé. On donne pour preuve les écrits et pièces de théâtre signés par nos grands écrivains comme Kateb Yacine et qui restent méconnus. M.Benachour souligne le manque d'expérience et l'envie de s'améliorer pour atteindre une certaine spécialisation mais cela reste des généralités. Ahmed Cheniki, quant à lui, relève le côté subjectif dans l'écriture. Et Benachour de lâcher: «On nous a clochardisés. On est devenus des porte-plumes», pour répondre à une des journalistes qui hurlait son malaise, son désarroi et sa difficulté de bien faire son travail quant à la médiocrité qui règne aujourd'hui dans ce milieu de la presse. Comme partout...Pour madame Mostefa Ezegaï, parler de critique équivaut à maîtriser d'abords les outils à même d'être appliqués après, sur n'importe quel texte. Selon elle, il faut s'armer d'un bon bagage théorique avant de prétendre l'appliquer sur le terrain. «Il faut le toucher, l'incorporer ou le digérer puis le matérialiser sur le texte à analyser.» «L'état de la critique est l'équivalent de la production culturelle et comment elle fonctionne en réalité dans notre pays», fait-on remarquer à juste titre. Comment, en effet, mesurer l'impact de la critique sur le public, si la matière culturelle est elle-même dénigrée dans notre pays où seule la marchandise prime l'esprit. Quelle place occupera ainsi la critique ou n'importe quel article culturel quand des statistiques font remarquer que la page culturelle est la moins lue des pages d'un journal. Une presse jeune qui, elle-même peine à trouver sa place dans cette jungle médiatique, froissée de tout bord. Cela, on pourra dire, ne nous empêche pas de faire correctement notre travail pour notre propre satisfaction personnelle. Finalement, cette journée aura servi, en fait, à quoi?