L'élection présidentielle d'avril 2014 ne sera pas qu'une simple formalité, comme le prétendent «certains décideurs». C'est inédit dans l'histoire algérienne, où le peuple et son élite manifestent clairement leur opposition à la réélection de l'actuel Président, même au sein de ceux qui affichent leur adhésion au quatrième mandat publiquement, en privé ils sont, selon certaines sources, hostiles ! Pour une fois, l'ensemble des composantes de la société algérienne sont unanimes à reconnaître l'incapacité de l'actuel Président à gérer le pays et la nécessité de transmettre le pouvoir à une autre génération. Désormais, l'instabilité et le glissement vers la violence ne seraient plus du côté du peuple, mais plus du côté de ceux qui insistent et persistent pour le quatrième mandat de l'actuel Président ! Certes, le débat devrait se concentrer sur le bilan des trois derniers mandats, mais également sur le projet du quatrième mandat, qui semble inexistant, car la campagne électorale s'est focalisée uniquement sur les acquis et les réalisations inachevées de l'actuel Président ! Nous savons que dans notre pays il y a une démocratie de façade, et faire comme si nous y étions est une hypocrisie politique et sociale ! La réalité est une autre chose, car la Constitution algérienne est pleine de lois, qui respectent les conventions internationales, mais au fond ces mêmes lois ont été vidées de leur substance par d'autres décrets et arrêtés qui contredisent les lois de la Constitution algérienne ! De plus, les lois en Algérie s'appliquent selon l'interlocuteur ! Car le pouvoir juridique reste prisonnier du pouvoir exécutif et la séparation des pouvoirs n'est qu'une idée utopique. L'Etat de droit est l'arbre qui cache la forêt en Algérie ! Le non-respect de la loi par les gens d'en haut fragilise forcément l'Etat lui-même ; ainsi, les institutions de l'Etat sont devenues à l'image de certains de leurs responsables, on peut trouver un dictateur avec des réactions excessives, comme on peut trouver un compétent impotent et désarmé de toute décision importante. Ainsi, aux arguments liés à son état de santé et au non-respect de la Constitution, s'ajoute celui du conflit de générations. «Nous avons dépassé les quatre-vingt ans, qu'attendez-vous de nous ?» s'interrogea Ahmed Taleb El Ibrahimi. Cette interrogation vient d'un ancien ministre et ex-candidat à l'élection présidentielle. Que pensent les jeunes générations algériennes ? En lisant quelques témoignages, mais également en écoutant et en discutant avec eux, étant moi-même de cette génération, l'opinion publique, avec toute sa diversité politique, sociale et régionale, pour ne pas dire ethnique, partage la même opinion sur la question ! La deuxième République s'impose, d'une part par la fin biologique de la famille révolutionnaire, et d'autre part par le projet de société qui s'impose. Nous ne sommes plus dans un projet de société qui s'appuie sur les notions comme le nationalisme, les valeurs révolutionnaires ou authentiques, et parfois l'absence d'un projet social et politique est en corrélation avec l'instabilité institutionnelle renforcée par les changements consécutifs des Constitutions par chaque Président. La stabilité institutionnelle ne peut venir que d'institutions fortes et indépendantes du pouvoir exécutif, mais aussi d'une opposition et d'une société civile active. Ainsi, la deuxième République s'inscrit dans la démarche de renforcer les valeurs citoyennes, l'indépendance et la stabilité des institutions, en donnant aux citoyens l'autonomie de choisir, d'être responsables de leur Etat et non pas des sujets de dirigeants oligarchiques. Au fond, la révolution des oligarques algériens n'est pas de transmettre le pouvoir à la nouvelle génération, mais sa révolution est dans le maintien du statu quo ! L'intérêt n'est pas pour la nation et l'avenir des générations futures, mais bel et bien dans «la maladie du pouvoir», avec tous ses symptômes (la corruption, le népotisme, l'incompétence, etc.). Les lettres interposées adressées au peuple algérien et celles adressées aux Présidents et ex-dirigeants, le mouvement Barakat et les appels au boycott peuvent-ils changer la donne ? Vont-ils secouer quelques esprits imbus ? L'Histoire est en marche, il est trop tôt pour en parler, car actuellement on la vit.
* Dernière publication : Algérie en attente, Paris 2009