Il y a quelque chose d'immoral, voire d'inhumain dans le traitement réservé par les autorités marocaines à la vaillante militante sahraouie des droits de l'homme, Aminatou Haïder. Et à tout seigneur tout (dés)honneur, c'est le roi du Maroc himself qui a montré au monde entier son incroyable détachement à jeter dans la rue une jeune femme. C'est sans doute dégradant pour l'image d'un souverain censé faire preuve de rectitude morale. Plus grave encore, Mohammed VI, qui s'autoproclame « commandeur des croyants » histoire de « sacraliser » son pouvoir, s'autorise de malmener aussi vulgairement une mère de famille et néanmoins musulmane ! Il a séparé Aminatou de ses deux enfants à contresens des préceptes du Saint Coran qui érige la famille quasiment en dogme. Son péché ? Son refus obstiné de reconnaître la marocanité de sa patrie, le Sahara occidental… C'est sans doute une première dans l'histoire du monde qu'un bout de femme désarmée arrive à secouer aussi brutalement un roi sur son trône. Sur ce plan, M VI a lamentablement perdu la bataille face à cette courageuse dame. Quelle gloire tirer, en effet, en expulsant une femme de son pays et en l'éloignant de sa famille et ses enfants ? Aucune. L'ignominie plutôt. A fortiori pour un souverain. Comble du paradoxe, le jeune roi a déroulé le tapis rouge à Tzipi Livni pour ses « loyaux services » à Ghaza : exterminer les Palestiniennes. L'autre jour à Tanger, l'ex-feu follet du Parti travailliste israélien a eu droit à tous les honneurs dus à une femme d'abord, puis à son rang. « Notre ami le roi » s'est découvert cette semaine une âme « d'humaniste » en accueillant à bras ouverts le chef de la junte guinéenne, Moussa Dadis Camara, pour se soigner. Question à un dirham : comment peut-on recevoir un sanguinaire qui a assassiné froidement une centaine de ses compatriotes au stade de Conakry et expulsé une militante pacifiste dont le monde entier salue la bravoure ? Même les Marocains eux-mêmes devraient se demander pourquoi leur roi a fait preuve « d'humanité » à l'endroit du boucher de Guinée et non pas envers la Gandhi du Sahara. De quelque côté que l'on prend la décision de Mohammed VI et de son makhzen, elle paraît regrettable, indéfendable et détestable. C'est une erreur monumentale qui dessert y compris ses prétentions sur le territoire sahraoui. Abstraction faite de ce contentieux, la déportation de Aminatou Haïder aux îles Canaries restera une tache indélébile du règne de M VI. Tout compte fait, il a rendu un immense service à la cause sahraouie. La voix de Aminatou a, au final, porté nettement au-delà du Maroc. A Bruxelles, à Washington, à Madrid et à Londres, on verra désormais autrement le « plan » de Sa Majesté. Moralité : il n'est jamais bon de s'en prendre à une femme de la trempe d'Aminatou Haïder. La cause est désormawis bien entendue.