Le massif du Djurdjura est naturellement destiné, par sa hauteur et sa proximité relative de la mer (45 à 50 km) à recevoir en hiver la masse principale des pluies de la région dont une partie tombe sous forme de neige. Mais depuis quelques années, l'on assiste à un dérèglement climatique sans précédent de Dame nature. Modification du régime des précipitations, réduction sensible du manteau neigeux, diminution des ressources en eau, baisse de la biodiversité, disparition d'espèces animales et végétales, difficultés agricoles, les premiers signes du réchauffement climatique sont désormais perceptibles en Kabylie. « Il n'y a plus de saisons. » Cette phrase revient telle une litanie dans les discussions « météorologiques » des villageois, notamment les personnes âgées, plus soucieuses de l'évolution des nouvelles du « ciel ». Les montagnards ont encore en mémoire les souvenirs lointains des portes de maisons bloquées par la neige au petit matin, les terres fertiles et nourricières, les essaims de toutes sortes d'oiseaux qui narguaient les paysans dans leurs champs, le gazouillis des ruisseaux en furie. Une autre époque. Aujourd'hui, la nature semble perdre graduellement ses saisons et sa raison. « Le nombre de jours de neige a diminué de 40% dans plusieurs régions d'Algérie telles Tlemcen, l'Ouarsenis et le Djurdjura. » Ces propos de Chérif Rahmani, ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Environnement et du Tourisme, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de l'environnement, viennent rappeler, si besoin est, que l'Algérie n'est pas à l'abri des conséquences néfastes du réchauffement climatique qui guette la planète. Plusieurs études menées par des experts à travers le territoire national ont démontré qu'à l'horizon 2050, la température gagnera 3 degrés Celsius supplémentaires. Cette augmentation est déjà jugée conséquente par les chercheurs, qui mettent en exergue les impacts réels du réchauffement climatique sur la santé des citoyens, les ressources en eau et l'agriculture. « Le changement climatique n'influe pas uniquement sur le cycle des saisons. Ses retombées touchent la santé (apparition des maladies contagieuses), l'agriculture, etc. », avait alerté M. Rahmani. Des projections faites par des experts pour la période 2020-2029 prévoient un accroissement des températures de 1 à 1,5° dans le nord du continent africain et une partie du Sud et de 0,5 à 1° pour le reste de l'Afrique. Pour la fin du siècle, cette hausse sera de plus de 4°. En Afrique du Nord, les précipitations risquent de baisser toute l'année alors que dans le Sud, elles ne devraient baisser que durant l'hiver, selon les mêmes prévisions. En Kabylie, comme ailleurs, cette sécheresse pourrait influer sur les ressources en eau. En effet, l'une des conséquences les plus redoutées est l'impact considérable sur les ressources hydriques. Une pénurie du précieux liquide est à craindre à l'avenir. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, outre les perturbations de la pluviométrie, c'est l'assèchement de la nappe phréatique de l'oued Sébaou en raison de l'extraction illicite et effrénée du sable qui inquiète les écologistes. La partie de l'oued la plus touchée est celle de Bordj Sébaou longeant la RN12, entre les localités de Draâ Ben Khedda et Tadmaït. Au rythme où va le massacre prémédité de la nature par l'homme, le pire est à craindre.