En tant que membre actif de la société civile, nous nous faisons l'écho d'une profonde anxiété de nos concitoyens qui redoutent une répétition de la crise de 1962 que rien ne justifie. Le socle sociologique de notre société ne comporte pas une telle menace, l'Algérie n'étant ni le Liban des communautés aux haines ancestrales ni la Syrie où la hiérarchie militaire est dominée par une minorité religieuse. Issu d'un mouvement populaire de libération, l'ANP est le produit de la conscience nationale, forgé par plusieurs générations de nationalistes qui ont sacrifié leur vie dans le combat anticolonial. Elle est née pour défendre la nation et garantir son unité. Quelles que soient les divergences politiques du moment, les officiers du commandement militaire ont le devoir impérieux de maintenir intacte l'unité de l'armée, précieux acquis de la révolution de 1954. Si les vicissitudes historiques l'ont amenée à incarner la souveraineté nationale au nom d'une mission historique à réaliser, les officiers supérieurs doivent faire preuve d'intelligence pour refuser que les divisions politiques et idéologiques de la société ne se reflètent dans leurs rangs. S'il est dans l'ordre des choses que les députés de l'Assemblée nationale, appartenant à des courants différents, soient divisés publiquement et polémiquent entre eux dans l'enceinte de leur institution, il est dangereux que les officiers se politisent et s'impliquent dans le choix des hommes qui auront à diriger l'Etat. La construction de l'Etat de droit est un chemin difficile et tortueux, où les intérêts matériels des individus et l'appétit de pouvoir et de puissance des groupes sont des tendances inscrites dans la nature de l'être humain. La seule manière de les surmonter est la mise en place de contrepouvoirs institutionnels pour faire respecter les lois de l'Etat de droit au-dessus de tous. Dans un environnement régional et international devenu plus agressif depuis les révoltes arabes, l'Algérie ne peut se permettre d'avoir une armée à l'image des autres institutions défaillantes de l'Etat. L'impérialisme occidental, sous les traits du mondialisme d'aujourd'hui, a la mémoire et ne pardonne pas à l'ALN d'avoir arraché l'indépendance par la lutte révolutionnaire. Les civils que nous sommes, par devoir patriotique, appelons les officiers supérieurs à avoir aussi la mémoire et à garder intacte en eux l'éthique de l'ALN en renforçant l'unité du commandement pour préserver l'ANP des divisions politiques et idéologiques, gérables dans la société mais ingérables dans l'armée. Il y a urgence à engager le pays dans la voie de la transition démocratique. La responsabilité de l'armée est, à cet égard, historique. Les conditions sont aujourd'hui favorables pour une transition pacifique. Il n'en sera pas de même demain. Le 4e mandat va approfondir les fractures et déposséder l'Algérie de tous ses atouts. La baisse imminente des revenus des hydrocarbures va alors précipiter le pays dans une crise sans aucune issue. Sauf à vouloir brader nos richesses et abdiquer notre souveraineté. Le résultat est somme toute le même. Aussi, nous appelons les officiers des différents appareils de l'armée à ne pas céder à une tentation aventureuse. Cela exposerait le pays à un drame de trop. La décision doit désormais revenir aux citoyennes et aux citoyens qui doivent se prononcer en toute liberté. Les erreurs du passé appartiennent à l'histoire et l'avenir aux générations futures. L'élection du 17 avril n'est qu'un épisode de l'histoire du pays, qu'il faut mettre à l'abri de cassures irréversibles. Gloire à nos martyrs.