Timorée et gênée pour certains, intelligente et calculée pour d'autres. La réaction algérienne à la guerre politico-militaire déclenchée par les « Al Moubarak » aura révélé le grand décalage entre l'Algérie d'en-haut et celle d'en-bas. Il suffit de plonger dans l'univers du Net pour y puiser matière à remettre entre guillemets le « succès » diplomatique de l'Algérie dans la gestion des passes d'armes entre Alger et Le Caire. Depuis l'ouverture des hostilités le 14 novembre dernier quand le bus de l'équipe nationale fut cueilli à froid à sa sortie de l'aéroport du Caire, l'Algérie officielle a choisi son camp. En décrétant un black-out sur les images du guet-apens, qui ont vite fait le tour du monde, la diplomatie de Bouteflika a décidé d'encaisser les coups égyptiens en toute sportivité !Il ne fallait surtout pas que cela sorte du cadre sportif, s'empressaient les très envoyés spéciaux du Président à nous signifier. Après tout, « une pierre jetée par un ami équivaut à une pomme », comme le dit si bien l'adage de chez nous…Chez nous, cet accueil des « Verts » par les bras armés du régime de Moubarak est vécu comme une humiliation. Les jeunes Algériens voulaient à juste titre laver l'affront. Et faute de pouvoir aller « corriger » ces Egyptiens inhospitaliers, ils ont noyé leur chagrin dans la Toile du Net notamment dans les réseaux sociaux. Côté officiel, le silence radio et l'écran noir furent de mise. Suprême injure à ce peuple agressé dans son amour-propre – l'équipe nationale à fédéré l'Algérie – la Télévision nationale servait des images vraiment décalées de l'ambassadeur algérien Hadjar et le ministre de la Jeunesse et des Sports se prélasser dans les salons avec les officiels égyptiens. Ils s'échangeaient même des cadeaux comme si de rien n'était ! Pendant ce temps, le visage ensanglanté de Halliche a choqué le monde entier. Pas nos officiels qui voulaient manifestement sauver « l'ami » Moubarak quitte à se mettre à dos tout le peuple algérien. L'Algérie d'en-haut et celle d'en-bas Ce fut insupportable. Et ça l'est à ce jour. Les autorités, le peuple, et les médias égyptiens continuent de déverser leur fiel sur notre pays, ses symboles sans que l'Etat algérien réagisse. « Il n y a pas de crise diplomatique ! » répètent à l'envi nos responsables pendant que leurs homologues se permettent en des termes à peines voilés de nous dire tout le bien qu'ils pensent de l'Algérie. Tout se passe comme si l'Algérie devait perdre un allié stratégique sans lequel ce pays d'hommes libres serait voué à disparaître… Les Egyptiens qui nous ont déjà exclus dans la gestion de la géopolitique du monde arabe, ont réclamé qu'on nous chasse de la « Ouma El Arabia ». Le message a, semble-t-il, fait mouche chez nos dirigeants. Et c'est moins une voix au chapitre que réclame la diplomatie de Bouteflika que ce souci de rester amarré idéologiquement à un monde arabe qui sert depuis 1962 de matrice au régime. C'est pourquoi la « riposte » officielle à l'agression égyptienne a été organisée autour de la société civile et la presse. Bouteflika et son staff ne voulaient pas « mouiller » le maillot national après que ce dernier eut été tacheté de sang. Ce sont donc les journaux privés et les Algériens d'en-bas qui ont servi à leur corps défendant une cause noble, celle de défendre le pays, ses couleurs et ses symboles. L'Egypte, ce n'est pas la France ! Cette diplomatie du profil bas est telle que même ce qu'on appelle la famille révolutionnaire n'a pas jugé utile d'honorer et défendre la mémoire de nos chouhada piétinée par les médias et les acteurs de pacotille égyptiens. Ces organisations si promptes à répliquer vertement à un éternuement d'un responsable français dès qu'il évoque la colonisation, se sont curieusement tues. Ont-elles reçu l'ordre ? On a toutes les raisons du monde à le croire tant leur silence s'inscrit dans la stratégie de gestion de cette crise adoptée depuis ce 14 novembre. Après tout, l'arabo-bâathisme constitue le carburant politique et idéologique de l'ONM, l'ONEC et toutes autres organisations qui sont dépositaires de jure de notre histoire et de notre mémoire. N'a-t-on pas d'ailleurs entendu un responsable débiter une leçon d'histoire sur un prétendu sang égyptien qui aurait coulé en Algérie durant la Révolution ! Or, c'est le contraire qui est tellement vrai. Mais le mot d'ordre officiel dans cette crise est sans appel : « Tabaân Ya fandi ! ». Pour le reste, les réactions indignées de tous les Algériens s'apparentent, au mieux à un chahut, au pire à un défoulement national destiné aussi à oublier le reste. Tout le reste. Chakib Khelil vient d'ailleurs de siffler à sa manière la fin de la « récré » en convoquant le mariage de Juba II avec Cléopâtre pour (re)cimenter l'union sacrée.