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«Le secteur va vers une période de glaciation»
Publié dans El Watan le 27 - 04 - 2014

-La consommation énergétique interne ne cesse d'augmenter ces dernières années. Comment analysez-vous cette évolution ?
Le concept de consommation énergétique domestique recouvre en fait les produits pétroliers liquides, le gaz et l'électricité. Les produits pétroliers posent problème car depuis 2006, tout a changé : la croissance de la consommation, la déplétion pétrolière, la chute du prix du gaz, le décrochage de la parité gaz-pétrole, le prix du pétrole inférieur au «prix d'équilibre budgétaire algérien», soit 114 dollars/Bbl en 2014. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la consommation finale algérienne de produits énergétiques a atteint 27,7 millions de TEP (tonnes équivalent pétrole), dont environ 60% de produits pétroliers et 40% de gaz naturel. Cependant, ces chiffres cachent plusieurs invraisemblances algériennes citées par l'AIE (cf. IEA Sankey diagram 2011, les erreurs statistiques ou «statistical differences»).
La part des hydrocarbures liquides destinés au secteur des transports (véhicules légers et lourds essentiellement) était, en 2011, supérieure à 15 millions de TEP, soutenue par l'explosion du parc automobile, notamment les bus (120 000 km/an), les camions pick-up (50 000 km/an) d'où l'envolée exponentielle du diesel. Pour la part du gaz naturel (GN), sur 180 milliards mètres cubes de GN produits, 90 milliards de mètres cubes sont autoconsommés dans le Sud et 20 milliards inutilement sur-autoconsommés dans les usines de GNL. Ces 90 milliards de mètres cubes servent essentiellement à la récupération secondaire du pétrole et auraient pu être épargnés (grâce à la récupération tertiaire du pétrole) et réorientés vers l'industrie créatrice d'emplois…
-Les ménages algériens ne consomment que quelques malheureux 4 à 5 milliards de mètres cubes de gaz naturel, soit 2% de leur propriété gazière nationale ! L'électricité ne pose pas de problème, sauf pour la gestion. Mais pourquoi parler de subvention alors que le citoyen paie 4 cents/KWh (tranche B) une électricité qui coûte 2 cents/KWh grâce à la proximité du gaz, contre 6 cents/KWh en France (électricité nucléaire) ?
Pourquoi faire payer au citoyen algérien la contrepartie des surcoûts d'investissement dans les 4 dernières centrales électriques, achetées 3 milliards de dollars au lieu d'un milliard de dollars ? Y a-t-il un pilote dans l'avion Algérie ? Ceci montre la complexité du problème. Le citoyen, le peuple ont le droit de savoir, d'où l'importance du Parlement et d'être protégés contre la déprédation, d'où l'importance du Conseil national de l'énergie au niveau de la Présidence et des conseils d'analyse scientifique et économique au niveau des ministères.
Nous disions et redisons alerte avec les problèmes d'évolution de la consommation domestique de produits pétroliers et de la fin du pétrole en attendant de nouvelles découvertes pétrolières, mais qui ne pourront cependant produire qu'à partir de 2030, d'où une période de glaciation (zéro exportation de pétrole, zéro rentrée de dollars) entre 2018 et 2030.
-Au rythme actuel de l'évolution de sa consommation énergétique, l'Algérie est-elle en mesure de garantir à court et moyen termes la couverture de ses propres besoins internes ?
En 2018, même avec une consommation de 27 millions de tonnes/an, les exportations d'hydrocarbures liquides seront presque égales à zéro à cause de la baisse de la production pétrolière (déplétion) et du non-renouvellement des réserves (25% au lieu de 100% pour la reconstitution intégrale).On a menti à la population en lui faisant croire que les hydrocarbures liquides allaient subvenir ad vitam aeternam à 40% du PIB, 70% du budget de l'Etat et 98% des exportations. Néanmoins, il est encore possible de repousser ce scénario de glaciation, de trou noir et de misère matérielle et morale. Par un virage immédiat à 180° ! Ne dit-on pas que «le temps est l'essence de la vie» ?
-Une révision des prix domestiques de l'énergie est-elle une solution idoine pour rationaliser la consommation ?
La solution optimale doit concilier efficacité économique à travers l'élasticité prix-demande, mais aussi et surtout le nécessaire impératif national de la répartition qui doit obéir au souci d'équité. Les expériences internationalesmontrent qu'il faut une période de 5 à 10 ans pour réussir cette réduction des subventions tout en évitant un scénario à la chilienne (grève des transporteurs).
La révision des prix domestiques de l'énergie était et reste une nécessité. Mais sa mise en œuvre a été oubliée en ces moments d'ivresse dus à l'augmentation du prix du pétrole, depuis 2005. Pourtant, la baisse irrémédiable de la production pétrolière algérienne est constatée par nos responsables depuis 2006.
-Les programmes publics annoncés pour améliorer les capacités de production pourront-ils être à même de faire face à l'explosion de la demande énergétique interne ?
Ce problème de «déficit à l'horizon 2012» avait été identifié dès avril 1997 par Amar Mekhloufi, alors ministre en charge de ce secteur (cf. le rapport du groupe de réflexion du développement du raffinage, créé par décision n°119 du 20 novembre 1996, présidé par le docteur Ali Kefaifi).Ce groupe avait demandé la suppression de l'essence avec plomb (PTE) dès 2000 dans l'intérêt de la santé des enfants (effets nocifs du plomb). En 2014, seuls 3 pays dont le monde utilisent le PTE : la Corée du Nord, le Yémen et … l'Algérie ! Rappelons que le méthanol disponible à Arzew remplace parfaitement le PTE. Aussi, envisager de construire une ou cinq raffineries est économiquement suicidaire. Et qui paiera le pétrole importé ? Nos décideurs devraient rejeter les propositions versatiles de ces conseillers qui recommandaient en 2006 de transformer 50% du pétrole produit, puis en 2013 de construire 5 raffineries de même capacité sur le territoire national.
-Existe-t-il des solutions pour prévenir cette situation de crise énergétique qui guette l'Algérie ?
Oui, elles existent mais semblent inconnues à Alger. Il nous faut agir avec fermeté, dans les plus brefs délais, par un plan de sauvetage articulé ainsi : changement radical de vision, de politique et de comportement, mise en œuvre urgente d'un ensemble de solutions déjà utilisées dans le monde et suppression progressive des subventions, accompagnée par des mesures de répartition. Le tout ne pouvant fonctionner que dans un nouvel environnement véritablement démocratique et citoyen, seul garant de la réussite de ce programme risqué car tardif.


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