-L'Université est censée être la locomotive de toute nation qui aspire au progrès et au développement. Qu'en est-il de l'Université algérienne ? L'Université est censée transmettre et produire du savoir et du savoir-faire permettant de trouver des solutions concrètes aux problèmes posés à la société. C'est pourquoi l'on parle de l'enseignement et de la recherche scientifique ; l'enseignement est dispensé pour éveiller et affûter les futurs esprits critiques et créateurs de nouvelles pistes ; ensuite la recherche est là pour permettre à ces esprits formés d'approfondir cette pensée. Dans ce sens, l'Université est effectivement la locomotive de la société. Elle est là pour aiguiller les esprits libres, contrairement à l'idéologie populiste, généralement prônée par les dominants, qui conforte la société dans ses archaïsmes. L'université de Béjaïa a été espérée par ceux qui l'ont revendiquée dans ce sens un certain 19 mai 1981. Cet événement a un sens politique profond : il s'agissait d'avoir une université au service de la population. Un porte-missile pour lancer les idées de modernité sur le reste du pays. Cependant, cette université, comme le reste des universités algériennes, est prise en étau ; d'un côté, elle recèle d'énormes potentialités, mais d'un autre celles-ci se trouvent étouffées par la mainmise de l'administration et de l'ingérence politique. Laquelle ingérence se manifeste à travers le système de nomination des responsables, qui obéit non seulement aux critères politiques, appartenances aux partis du régime, mais aussi et surtout à l'avis des services de sécurité. -En tant qu'enseignant universitaire, pensez-vous que le communauté universitaire s'implique suffisamment dans la vie politique du pays ? On constate effectivement le recul du mouvement revendicatif estudiantin et celui de la famille universitaire en général. Ceci s'explique par plusieurs facteurs : l'Université ne peut pas échapper au rouleau compresseur oppressif du pouvoir en place. Il n'y a que la nature qui crée des oasis dans le désert. Par ailleurs, les rentes de situations dont ont bénéficié plusieurs membres de la communauté, les augmentations de salaires, les distributions de logements, le domptage des syndicats des enseignants et ceux des étudiants sont, en outre, les moyens dont use le pouvoir politique pour normaliser et assujettir l'Université à ses desseins. -Selon vous, comment va l'Université algérienne aujourd'hui ? Quels sont les défis qu'elle doit relever ? L'Université doit aujourd'hui s'affirmer. Elle doit revendiquer son autonomie ; enseignants, étudiants et travailleurs ainsi que les parents d'étudiants doivent s'unir pour imposer la démocratisation de leur institution. -Y a-t-il une réelle volonté politique pour démocratiser l'Université ? Soyons clair, il n'y a aucune volonté politique de démocratiser l'Université en particulier, et le pays en général. La preuve est que le régime en place refuse toujours l'élection des responsables. Il continue de refuser l'agrément aux organisations estudiantines autonomes ainsi que celle des enseignants. Il faut savoir que les comités et conseils scientifiques n'ont qu'un statut consultatif ; or, ils sont les seuls organes élus. L'Université algérienne est étouffée par les prérogatives exagérées de l'administration.