Motif : les étudiants refusent d'adhérer aux revendications relevant de la politique. Ils ont considéré jusque-là que leur mouvement de protestation ne vise que l'amélioration des conditions socio-pédagogiques. Certains étudiants se sont carrément retirés des rassemblements tenus devant le ministère de l'Enseignement supérieur après avoir jugé que le contenu de certains slogans véhiculait des messages politiques. Une simple analyse de la liste des revendications des étudiants autonomes rend compte clairement de l'aspect politique de celle-ci. Mais le terme politique effraie les étudiants. Le délégué de l'Ecole nationale d'informatique estime que les doléances des grandes écoles sont pédagogiques. Elles ne revêtent aucun caractère politique. De leur côté, les délégués de Boumerdès estiment que les étudiants n'ont pas besoin de déclencher une grève pour faire de la politique. Le porte-parole du Collectif des médecins résidents, contacté le lendemain du discours du président de la République à la nation, a déclaré que le collectif qu'il représente a décidé de ne pas faire de commentaires d'ordre politique. Autrefois, l'université algérienne était à l'avant-garde de la société. On ne décidait d'aucune action sans que les étudiants donnent leur avis et agissent sur le cours des événements. Refus des déclarations politiques
En 2011, les étudiants refusent toute déclaration ayant trait à la politique «pour protéger leur mouvement de la récupération». Les futurs cadres de l'Algérie sont-ils si faciles à récupérer, ou bien boudent-ils les actions politiques qu'ils trouvent vidées de leur sens ? «Il y a un discrédit de la chose politique par l'Etat et la perte de confiance des masses envers les partis politiques», explique Farid Lhadj Mohand, membre de la Coordination nationale autonome des étudiants (CNAE). A chaque fois qu'on veut étouffer une protestation, on la taxe de politique. L'action politique est-elle devenue un sujet tabou ? Le mouvement des étudiants a été déclenché pour faire face à la politique du gouvernement dans le secteur de l'enseignement supérieur, à savoir les réformes adoptées. Ces dernières ont suscité l'inquiétude de toute la communauté universitaire. Des lettres ouvertes ont été envoyées au président de la République. Des rassemblements et des marches ont été organisés par les étudiants qui veulent faire entendre leur voix. Bien que les marches soient toujours interdites à Alger, les étudiants ont gagé sur cette alternative comme ultime recours. La marche du 12 avril dernier a, pour rappel, été réprimée violemment par les forces de l'ordre. Malgré tous ces développements sur le terrain, les étudiants continuent à qualifier leur mouvement d'apolitique. De l'avis de Kamel Khellas, étudiant en 4e année en économie et gestion de l'entreprise à l'université de Tizi Ouzou, le mouvement estudiantin est apolitique, dans le sens où il n'est pas chapeauté par un parti politique donné. Mais les étudiants ne sont pas désintéressés de la chose politique. Le mouvement estudiantin compte des militants des différents partis politiques. Mais la mise à l'écart des courants et des programmes des partis politiques est une condition préalable pour adhérer au mouvement autonome. Autonomie par rapport aux partis politiques Ce mouvement est autonome par rapport aux programmes des partis politiques, toutes tendances confondues. Les membres de l'organisation autonome réagissent indépendamment de toutes les tendances politiques auxquelles ils appartiennent. «Nous n'avons pas de complexe vis-à-vis de l'activité politique. Mais le mouvement autonome a pour objectif de défendre les intérêts moraux et matériels des étudiants», soutient Kamel Khellas. L'exclusion des tendances politiques permet l'autonomie de réflexion. D'après Farid Hadj Mohand, les revendications sont socio-pédagogiques. Néanmoins, la formulation de ces revendications revêt un caractère politique. Ce militant du Parti socialiste des travailleurs (PST), qui insiste sur la séparation des engagements politiques des étudiants et leur lutte au sein du mouvement estudiantin, souligne que la manière de faire pression et le résultat qui en découle peuvent être qualifiés de politiques. La question de la représentativité des étudiants et l'exigence de leur participation aux décisions les concernant sont des visions politiques. De plus, «la démocratisation de l'université, l'évaluation des états généraux des deux systèmes (classique et LMD) sont éminemment politiques», analyse Khoudir Madani, secrétaire général du Front des forces socialistes (FFS), précisant que «ce ne sont pas les étudiants qui cachent l'aspect politique de leurs revendications. C'est le pouvoir qui veut donner une image apolitique de ce mouvement». Et de poursuivre : «Dès les premiers moments du mouvement, la télévision algérienne et les politiques de la coalition présidentielle voulaient mettre en avant leurs organisations estudiantines que les étudiants rejettent. C'est pour faire barrage à ces organisations et à la coalition présidentielle que les étudiants ont opté pour ce choix.» «Etre autonome, c'est unifier les étudiants», conclut Kamel Khellas.