-Fadhma N'Soumer a été oubliée par les historiens algériens. Il existe peu d'écrits et de documents sur elle. Vous avez pris le risque de réaliser un film sur cette femme qui a résisté aux traditions sociales et auxFrançais. Pourquoi ce choix ? Il est important de faire un film sur une femme de cette dimension, surtout dans le contexte actuel de régression de nos sociétés, magistralement révélée par «le printemps arabe». Tout le monde s'attendait à ce que ce «printemps» nous mène vers davantage de progrès. Or, les islamistes sont en force et la régression s'est exprimée par les coups de boutoir contre le statut de la femme. Il a fallu que les femmes ressortent en Tunisie et en Egypte… Fadhma N'Soumer était une femme de transgression, elle avait défié l'ordre établi pour faire ce qu'elle a pu au XIXe siècle. Elle avait été enfermée dans le moule de la sainte pour dire aux femmes qu'elle n'était pas comme les autres, n'était donc plus une femme, mais une sainte. Dans le film, nous avons essayé de montrer qu'elle était une femme. -La sainte qui médite était présente également… Le mythe est construit là-dessus. On ne peut pas l'ignorer. Je ne peux pas raconter une autre Fadhma N'Soumer que celle qui est dans l'imaginaire des gens. Une des équations à résoudre dans ce film était celle-là : comment faire un film à portée «moderne» avec une femme qui se bat, qui va au devant des choses, tout en respectant le mythe. Nous avons tout fait pour ne pas tomber dans le mysticisme stupide et béat. -Oui, mais il y a aussi la Fadhma guérisseuse dans le film… Une femme demande à Fadhma de la guérir. Elle lui touche le ventre et lui dit qu'il faut demander à son mari où se situe le problème. Elle ne voulait pas lui demander de partir. Il fallait montrer une Fadhma tels que les gens l'imaginaient sans tomber dans les histoires de miracles. Il fallait donc trouver de l'équilibre de ce point de vue là. C'est un film sur le XIXe siècle en Algérie. A ma connaissance, il y a peu de films sur cette période. Dans le débat sur la colonisation, il est important de rappeler que les Français n'ont jamais été invités à venir chez nous, qu'ils étaient entrés par force avec un degré de cruauté et de sauvagerie qu'il nous est difficile d'imaginer de nos jours. Dans tous les débats que j'ai vus dans les télévisions de l'autre côté de la Méditerranée, et même en Algérie, on ne parle que du 8 Mai 1945 et des événements d'après. Comme si les Français étaient dans leur pays auparavant ! La colonisation a commencé en 1830. On ne peut pas comprendre ce qui s'est passé le 8 Mai 1945 si on ne comprend pas ce qui a été fait auparavant. Le mythe de Fadhma N'Soumer est un produit de l'oralité par excellence. Cela me posait un certain nombre de questions qu'il fallait résoudre avec le personnage d'Azar et avec la manière dont nous avons construit le personnage de Fadhma… -Quel est donc le secret de la cape rouge que Fadhma porte dans le film ? Il n'y pas de mystère. Dans un film, on met parfois des éléments symboliques qui aident à la lecture des choses. Le premier acte deFadhma à l'arrivée au village est de se rapprocher du pestiféré. C'est un acte de transgression transformé en acte surnaturel. Le pestiféré était chassé par tout le village, y compris le frère de Fadhma, Si Tahar, autorité spirituelle. Pour elle, le pestiféré était un être humain. Elle est allée vers lui, lui a donné à manger. Après, on a commencé à parler de la femme qui guérit. Le mythe est né à ce moment-là. Les êtres d'exception donnent naissance au mythe. -Le rapport deFadhma N'Soumer avec la zaouiaRahmania n'est pas visible dans le film. Je ne voulais pas m'étaler sur cet aspect. On savait qu'elle était issue d'une famille de marabouts affiliée à la Rahmania. Pas plus. Il y avait des événements datés et avérés que nous devions exploiter ou pas. A l'intérieur du vide, on s'est donné une certaine liberté, mais avec quand même des repères pour ne pas raconter n'importe quoi ou être en contradiction avec des faits historiques établis. On a voulu montrer des personnages de cinéma qui, à un moment donné, décident de se battre. La zaouiaRahmania aurait été intéressante pour le réseau qu'elle représente. -Le film ne suit pas Fadhma N'Soumer après 1857, lorsqu'elle part à Tablat. Pourquoi ? Cela aurait été un autre film. Beaucoup de choses se sont passées après. Au premier montage, le film faisait trois heures. Il nous fallait sacrifier des tas de scènes qui ont coûté beaucoup d'argent et d'énergie. La chef monteuse, Isabelle Devinck, m'a aidé à me libérer de mon emprisonnement de réalisateur -Dans le film, le personnage du Chérif Boubeghla paraît très présent, au point de faire de l'ombre à Fadhma N'Soumer. N'y a-t-il pas un problème d'équilibre des personnages ? Cela faisait partie des difficultés de l'écriture du film. Il n'y avait presque rien d'écrit sur Fadhma N'Soumer. Nous avons évité de tomber dans la non-vérité historique. Par exemple, Fadhma N'Soumer n'a jamais pris les armes. Donc, comment faire vivre un personnage d'une manière cinématographique sans le mettre dans l'action de la bataille ? La force de Fadhma était spirituelle. Des centaines de pages racontent l'histoire de Boubeghla dans le détail. Des généraux français ont rapporté ses faits militaires. Il n'y avait qu'à reconstituer et tourner ces faits. Avec le scénariste, Marcel Beaulieu, on s'est entendus pour évoquer Boubeghla en tant qu'homme. Un homme qui aura quelque chose avec Fadhma. On s'est dit comment les faire rencontrer ? Ce n'était pas évident. Il y a avait des séquences qui devaient préparer cette rencontre que j'ai enlevées au montage. On voulait montrer la guerre, la férocité des choses. Et, la guerre, la confrontation avec l'ennemi, passaient obligatoirement parBoubeghla. Du coup, on lui a donné du temps à l'image. Cela lui donne une force réelle dans le film alors que Fadhma est recluse. Malgré cela, on l'a fait bouger sans exagérer, pour ne pas faire des choses qui ne soient pas crédibles. -L'histoire d'amour s'est-elle imposée au fil du récit? Etait-elle essentielle dans le film ? Boubeghla, selon la mémoire collective, aurait demandé la main de Fadhma. Sans doute qu'à l'époque, les chefs demandaient la main d'une femme pour des raisons stratégiques, gagner l'alliance de telle ou telle tribu. Boubeghla ne s'est pas marié avecFadhma en raison du refus du premier époux de la libérer, en raison de la tradition. Nous avons cogité et créé cette relation faite d'amour, d'admiration et de respect entre les deux. On ne pouvait pas faire une histoire d'amour à l'eau de rose entre ces deux êtres d'exception. Il y avait de la fascination mutuelle. Elle, par rapport au guerrier qui n'est pas moche, qui résiste. Et lui, par rapport à une femme qui n'est pas non plus moche et dont l'aura plane sur toute la Kabylie. -Boubeghla est en colère lorsqu'il apprend que le premier mari de Fadhma ne veut pas la libérer. Il exprime sa rage dans les combats. Se bat-il pour la patrie ou par chagrin d'amour? Durant cette période de rage, il commet des erreurs. Auparavant, il avait attaqué des convois et des campements français, attaqué Chérif Benali, un allié des Français, aussi. Cette séquence explique le désarroi de Boubeghla. A un moment donné, il dérapait… -La scène de l'égorgement au moment où Boubeghla s'apprêtait à célébrer son mariage suscite déjà des commentaires… C'est de la fiction ! Les choses ne sont pas comme voudrait les présenter la propagande idéologique. Si l'Emir Abdelkader n'a pas pu venir à bout des Français, c'était en raison de l'impossibilité de compter sur toutes les tribus. Chaque tribu voyait son intérêt au bout de sa porte. L'idée de la nation n'existait pas encore. En Kabylie, c'était la même chose. Les Français achetaient les gens, faisaient pression sur les tribus. Les gens ne voulaient plus suivre Boubeghela. Nous avons donc essayé de monter cela dans le film. Sur le plan dramatique, cela nous intéressait dans la mesure où l'intervention de Fadhma dans l'assemblée était facilitée. Donc, plus nous montrions que les tribus étaient sur le point de se soumettre, plus forte sera l'intervention de Fadhma pour les ramener dans la lutte contre l'occupant. -La trahison durant la période coloniale est encore un sujet difficileau cinéma algérien. En évoquant cette réalité, n'avez-vous pas l'impression d'évoluer dans un terrain miné dans un pays où «la légitimité historique» est érigée en dogme? Il faut justement casser les tabous. Faire un film sur une époque donnée est une lourde responsabilité. Donc, nous devions rester fidèles à la vérité historique. Hors de question pour nous de revoir l'histoire du XIXe siècle avec la vision idéologique d'aujourd'hui. Vision que je ne partage pas, mais qui a ses raisons d'être. Il est grand temps de sortir d'une fausseté qui ne tient plus la route. Ceux qui font la guerre, mènent la résistance sont des êtres humains, faits de chair et de sang, de peur, d'émotion, de courage et de faiblesse. C'est cela la vérité. Nous ne devons plus montrer à la jeune génération des héros qui ressemblent à des robots hors de la réalité. Il va falloir apprendre à parler vrai de notre Histoire. Surtout dans le contexte actuel où les images viennent de partout. Le cinéma, d'une manière générale, est dans cette dynamique de la vérité. Nous ne devions pas aller à contresens, sinon nos films n'auront aucune crédibilité et feront rire les jeunes ! -La «bienpensance» dominante est-elle prête à accepter de voir des héros de la lutte contre l'occupation française sous des traits plus réels? Si on veut glorifier la lutte les héros de la guerre, les martyrs, il faut les présenter dans leur vérité. A défaut, ils deviendront des icônes sans âme. Ce qui fait grandir un être humain est de réussir malgré ses faiblesses, ses limites. Donc, il ne sert à rien de montrer dans un film ce héros invincible, le Zorro. Le plus important est de mettre en avant sa lutte, même contre sa propre personne. Le militantisme, c'est le sacrifice. Il n'est pas donné à tout le monde de faire un sacrifice. Nous ne portons pas le gène de la résistance et de l'héroïsme. Un héros se construit en lui même d'abord, il glisse une ou deux fois, puis il y va. Et plus il avance, plus il a de l'énergie… -Dans la scène de l'arrestation en 1857, Fadhma N'Soumer, installée sur un rocher, est bien habillée et porte des bijoux. On peut s'interroger sur cette posture alors qu'elle venait de perdre… Oui, elle a perdu la bataille. Mais, elle ne voulait pas venir en tant que femme défaite. Il fallait qu'elle soit encore plus belle qu'avant pour narguer les Français. -Les rares écrits sur Fadhma N'Soumer évoquent une femme assez grosse. Or, l'actrice Laetitia Eido est élancée. Pourquoi le choix de cette actrice franco-libanaise? C'est un film de fiction sur un personnage aussi lointain sur lequel il n'existe pas de photos ou d'écrits détaillés. Donc, j'ai créé un personnage fictionnel qui devait dégager des choses, exploiter toutes les composantes de la production du sens du cinéma pour atteindre les objectifs du film. Je ne prends en compte des personnages réels que les éléments qui peuvent être importants…Il faut donner un maximum de choses aux spectateurs pour qu'ils s'identifient aux personnages des fictions. Les héroïnes s'imposent aussi par leur présence physique à l'écran. Le repère, pour moi, lors du casting, était Irène Papas (actrice grecque dont le dernier rôle au cinéma remonte à 2003 avec le cinéaste portugais Manuel De Oliveira, Un film parlé). J'ai cherché partout en Algérie une comédienne sur ce modèle, je n'ai pas trouvé. Après élargissement du casting, j'ai reçu une photo de LaïtitiaEido, j'ai dit tout suite que c'était la comédienne qu'il me fallait…Elle voulait camper le personnage de Fadhma N'Soumer. Cette détermination était capitale pour moi. Elle a appris le tamazight, amélioré son accent. Nous avons pris le risque avec Mohamed Benhamadouche (auteur des dialogues) et décidé de coacher Laëtitia. Je ne regrette pas d'avoir fait ce choix. -Et pour Assad Bouab? C'est pareil. J'ai cherché le comédien pouvant incarner le rôle de Boubeghla en Algérie. A un moment, je devais confier le rôle à Lyes Salem. Lui aussi aurait pu jouer le rôle de Boubeghela mais d'une manière différente avec sa fougue. Malheureusement, il était engagé sur un tournage. Après casting, j'ai choisi Assad Bouab, car il dégageait quelque chose qui m'intéressait. Lui aussi a appris le tamazight pour les besoins du film. Comme il est marocain, l'apprentissage était plus facile pour lui. Le choix de Ali Amrane relève du hasard. Il me fallait un personnage comme Anzar dans le film. Je ne connaissais pas Ali Amrane en tant que chanteur. Un jour, j'étais chez Lounis Aït Menguellet, je lui ai parlé du film et de ce personnage d'Anzar. Il m'a orienté vers Ali Amrane, me conseillant d'écouter ses chansons. J'avais besoin de quelqu'un qui n'est pas uniquement une voix, mais qui écrit… Le personnage d'Anzar s'est «fabriqué» avec lui. Il est fait de verbe, de chant, je ne pouvais pas l'imaginer entièrement. Ali Amrane a lui même écrit et composé les chants -Le conteur-poète Anzar est le fil conducteur du film. Est-ce une manière de célébrer l'art de la parole qui marquent également la culture berbère? L'une des raisons qui m'ont poussé à réaliser un film sur Fadhma N'Soumer est le fait que ce soit lié à une matière orale. Tout mythe est une matière orale. Confronté à cette matière, je n'allais tout de même pas en parler comme l'aurait fait un cinéaste américain. J'ai essayé d'investir le film avec des composantes qui nous renvoient à l'oralité. D'où ce personnage qui est à la fois réel et fictif. Je voulais que le verbe traverse le film. Azar est le vecteur de ce verbe. Comme c'est du cinéma, il a fallu «fabriquer» un personnage tout en mettant les ingrédients montrant son caractère irréel. .. -Comment s'est fait le travail avec SafyBoutella pour la musique ? Dès le départ, j'ai pensé à lui. Je ne voyais personne d'autre. C'est un film qui avait besoin de souffle musical. Seul Safyétait susceptible de ramener cela. Nous en avons discuté, on se connaît depuis longtemps, on se comprend. Safy a bien saisi ce que je voulais. Dès la livraison des musiques, on y était. Seules deux ou trois petites choses ont été changées. -Et quel a été l'apport du scénariste canadien Marcel Beaulieu ? Marcel Beaulieu est un scénariste dont la spécialité est la structure. Comme je suis également producteur du film, je savais que je n'avais pas suffisamment de temps. Je ne pouvais pas me retirer pendant quatre mois pour m'occuper uniquement du scénario. Il me fallait quelqu'un. Ensuite, je voulais, autant que possible, donner une dimension universelle au film. Pour ce faire, il fallait un scénariste qui avait de la distance par rapport à l'Histoire. Car, moi, j'aurais pu m'enfermer dans l'algéro-algérien qui, à la limite, n'intéresse pas l'Australien. De ce point de vue-là, Marcel Beaulieu a été très précieux. Nous avons travaillé avec un historien et un historien anthropologue avec qui nous avons beaucoup discuté. Nous avons «avalé» toute la Revueafricaine, tout ce qui a été écrit sur cette période. J'ai donc rassemblé une matière dans laquelle j'ai mis de l'ordre. Nous avons commencé à dessiner les personnages. Marcel rédigeait, mettait en structure la matière sur laquelle on discutait, m'envoyait le texte, je retravaillais dessus…ainsi de suite. Les choses se sont bien passées. -Il est vrai que le cinéma n'écrit pas l'histoire. Quelle est donc pour vous la difficulté de raconter l'histoire dans un film en gardant une marge pour la fiction ? L'historien est obligé d'avoir une démarche scientifique parce qu'il a la responsabilité de la vérité. Un film historique est fait pour sensibiliser le public à quelque chose qu'il ne connaît pas, pour l'amener à plonger dans les livres d'histoire et en savoir plus. On est donc obligés de raconter l'histoire qui séduit ce public. Je parle de la fiction. Le documentaire, c'est autre chose. On s'est donné l'entière liberté de créer par rapport à une préoccupation d'écriture d'une fiction, sans être en porteàfaux avec des événements historiques établis. -Le directeur photo,YorgosArvanitis, s'est plaint sur internet des conditions de tournage. Comment avez-vous travaillé avec lui ? Yorgos est un être merveilleux. Il a 70 ans, n'a plus rien à prouver. Il a lu le projet, s'est engagé dessus jusqu'au bout. Le projet lui tenait à cœur. Mais, il était loin de s'imaginer les conditions dans lesquelles nous allions travailler. Ce n'était pas facile, surtout qu'il a une santé fragile. Il a été hospitalisé à deux reprises. Vers la fin du tournage, tout le monde était épuisé. Yorgos fait partie des gens qui respirent la profession. A un moment donné, l'armée nous a interdit certains décors comme à la Qalaâ des Beni Abbes. Je devais tourner pendant quatre semaines dans ce lieu. Les militaires ont refusé et m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas assurer la sécurité. J'ai insisté. Les militaires ont accepté à condition que les membres étrangers de l'équipe restent à la Qalaâ et dorment sur place. Vous pouvez imaginer les conditions de séjour, sans chauffage ni eau chaude, en plein hiver…Cela veut dire que les gens ont cru au projet. -Le fait de cumuler production et réalisation ne doit pas être de tout repos? C'est de la démence ! Mais, je ne fais pas cela par choix. J'aurais été heureux de trouver un producteur qui s'occupe de tous les aspects de la production et me consacrer entièrement à la réalisation. Cela demande d'énormes sacrifices et des engagements, sinon on ne peut pas aller au bout. Avant d'entamer le projet, j'ai pesé le pour et le contre et j'ai foncé en sachant que c'est une grosse aventure. J'avais une boule d'angoisse permanente, parce que tout tenait à un fil. Dès le premier jour du tournage, nous avons eu un mort. Un jeune homme est tombé dans un précipice. Je me suis dit c'est fini, le film va s'arrêter. Et si le film s'était arrêté, nous n'aurions jamais pu reprendre le tournage…La boule d'angoisse m'a suivi jusqu'à l'avant-première du film, les 11 et 12 mai 2014. (…) -Et pour l'avenir, d'autres projets en vue ? J'ai déjà un projet de film en préparation, retenu par la commission de lecture du ministère de la Culture. Un film complètement différent de Fadhma N'Soumer. Une histoire plus contemporaine, plus maîtrisable.