En 96 minutes, Belkacem Hadjadj a tenté de restituer l'histoire de la résistance de Lalla Fadhma n'Soumer et de Cherif Boubeghla en Kabylie contre l'occupant français au milieu du XIXe siècle. L'histoire de Fadhma n'Soumer, la résistante, est enfin portée au grand écran en Algérie. Belkacem Hadjadj a passé plus de quatre ans à faire des recherches, préparer le long métrage et écrire le scénario. Fadhma n'Soumer a été présenté hier en avant-première à la salle Ibn Zeydoun d'Alger. Le cinéaste a fait appel à la Franco-Libanaise Laëtitia Eido pour le rôle de Fadhma adulte et au Marocain Assad Bouab pour incarner le personnage de Cherif Boubeghla. Le film s'ouvre sur un conte-poème qui relate, en des vers courts et précis, l'histoire de la Kabylie, une région qui n'est pas tombée facilement entre les mains de l'armée française, après la conquête de 1830. Vers 1847, Fadhma n'Soumer est forcée au mariage. Elle refuse son mari la nuit de noces. Toute l'histoire démarre de là, de cette rébellion héritée de Si Ahmed, un grand-père fort, courageux et lettré. A l'époque, Cherif Boubeghla est en ébullition, en colère. Il veut mener bataille aux soldats français qui, par tous les moyens, essaient de dompter la Kabylie, après avoir envahi de vastes territoires du pays. Le film s'articule autour de ces deux personnages, suit leurs pas, leurs états d'âmes, leurs évolutions au fil des saisons... Fadhma et Cherif se croisent, comprennent leurs situations, expriment leur détermination, s'aiment ? Peut être. Anzar (Ali Amrane) voyage à travers le récit pour assurer une certaine continuité. Fil conducteur choisi par le cinéaste pour, d'une part, sortir du cadre serré de la narration historique, et de l'autre, rendre hommage à une certaine culture orale amazighe. Le film est bien servi par les images du Franco-Grec Yorgos Arvanitis, celui qui a longtemps travaillé avec le monstre du cinéma grec et mondial Théos Angelopoulos (L'éternité et un jour, Le voyage des comédiens) et avec Yannis Daliandis. Safy Boutella a su, à partir de l'héritage musical berbère, composer une bande originale assez expressive de la dramaturgie presque épique du film. Laëtitia Eido a appris le tamazight pour pouvoir incarner Lalla Fadhma n'Soumer. «J'ai passé six mois à faire du casting. J'ai commencé en Algérie, puis je suis partie ailleurs, au Maroc, en Tunisie et en France. En Algérie, je n'ai pas trouvé la comédienne qui pouvait répondre à l'idée que je me faisais du personnage de Lalla n'Soumer. J'ai fait le casting pour Laëtitia en français, c'était correcte. Mais, je lui ai dit que le tournage se fera en tamazight. Elle m'a répondu qu'elle allait apprendre cette langue surtout qu'elle avait interprété le rôle de Cléopatre en latin», a indiqué hier Belkacem Hadjadj lors de la projection presse. La comédienne a été coachée par Mohamed Benhamadouche qui a, également, assuré les dialogues en tamazight. Des phrases courtes et précises qui n'ont pas alourdi le récit. Belkacem Hadjadj a rendu hommage à son équipe qui a «cru au projet jusqu'au bout». Il n'a pas voulu s'étaler sur les difficultés du tournage. Le cinéaste a travaillé avec le scénariste français Marcel Beaulieu et avec l'appui d'un historien de l'université de Tizi Ouzou pour restituer les combats, les intrigues et les actes de trahison de l'époque. Adepte de la confrérie de la Rahmania, Fadhma n'Soumer, qui faisait de la méditation chez son frère Si Tahar (Farid Cherchari), s'est mêlée de la résistance au colonialisme français vers 1849. A la mort de Cherif Boubeghla, elle a pris le relais, malgré l'hésitation de certaines tribus en raison du blocus imposé par les troupes du maréchal Randon et du général Mac Mahon. Fadhma n'Soumer est un film co-produit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), le Centre national des études et recherches sur l'histoire du mouvement national (CNERMNR) et la société Machahou Production. Le long métrage a obtenu le soutien des ministères de la Culture et des Moudjahidine. Il sera sur les écrans à partir de la rentrée prochaine. Nous reviendrons plus en détails dans nos prochaines éditions sur ce nouveau film de Belkacem qui s'est remis derrière la caméra, dix ans après El Manara.