-Comment expliquer le nombre important d'enlèvements en 2013 ? La recrudescence des cas d'enlèvement en Algérie était prévisible. Il y a cinq ans, nous avons tiré la sonnette d'alarme sur un phénomène qui, aujourd'hui, touche toutes les classes sociales, avec une nette prédominance en zones rurales. Les mutations profondes qu'a connues la société, résultat direct de près de 15 années de violence terroriste, ont accru les atteintes aux droits des enfants. Il n'y a pas que les enlèvements, d'autres formes de violence ont pris des proportions inquiétantes à la suite de ces mutations : le travail forcé, la mendicité, les agressions sexuelles contre les enfants… -Pourquoi les zones rurales sont-elles plus exposées à ce phénomène ? En zone rurale, l'enfant est une proie facile en raison de la faiblesse de la couverture sécuritaire et d'un manque de vigilance de la part des parents. Aghilès Hadjou, un écolier de 8 ans, séquestré, violé, puis assassiné le 20 novembre 2013 dans la localité d'El Kouif, dans la wilaya de Tébessa, en est l'exemple parfait. Il a été enlevé deux jours avant, devant son domicile, au moment où se déroulait la rencontre de football qualificative à la Coupe du monde entre l'Algérie et le Burkina Faso. Aghilès est sorti du domicile familial pour se retrouver seul dans la rue, sans surveillance, avec le risque de faire de mauvaises rencontres…. -Quelle est la motivation principale des auteurs d'enlèvement ? Il s'agit, dans la plupart des cas, de règlements de comptes entre membres d'une m-ême famille. Rares sont les cas de vengeance extrafamiliale ou de demande de rançon en 2013, où une moyenne de 15 enlèvements et tentatives d'enlèvement par mois a été enregistrée. Les agressions sexuelles commises contre des enfants kidnappés visent, en général, à faire diversion et à brouiller les enquêtes judiciaires. Souvent, le mobile du crime n'est pas sexuel. La véritable motivation relève d'un règlement de comptes familial. -Existe-t-il en Algérie une véritable politique de lutte contre les enlèvements ? Pas vraiment. Les pouvoirs publics adoptent plutôt une approche sécuritaire face à ce phénomène. Celle-ci demeure inefficace. Le réseau Nada, en collaboration avec une centaine d'associations réparties à travers 35 willayas du pays, s'efforce d'apporter une alternative en consolidant le mouvement associatif pour la défense des droits des enfants. C'est une urgence. Chaque année, entre 8000 et 11 000 enfants comparaissent devant les tribunaux pour divers délits. Qu'en est-il alors du nombre d'enfants victimes de violence ? Plus inquiétant, quelque 13 millions d'enfants sont potentiellement exposés aux violences du fait d'un système éducatif reproduisant sans cesse l'échec et l'éclatement de la cellule familiale. -Les nouvelles dispositions du code pénal feront-elles reculer le nombre d'enlèvements ? Pas tout à fait. La nouvelle loi prévoit la peine capitale seulement s'il y a un acte d'enlèvement, suivi de viol et d'assassinat, tout en sachant que la peine de mort n'est plus appliquée depuis 1994 en Algérie. Pour réduire le nombre d'enlèvements, il est nécessaire de réactualiser l'arsenal juridique relatif à la protection de l'enfance. L'adoption du projet de loi sur l'enfance et celui sur les mécanismes de signalement et d'alerte en cas d'enlèvement constituera un pas important en ce sens. Ceci dit, l'accentuation de la violence contre les enfants n'est que le reflet d'une société qui a du mal à retrouver ses repères.