La vie est rendue impossible par les fermetures des routes quasi quotidiennes dans la wilaya d'El Tarf. Il ne se passe pas un jour, en effet, où des citoyens prennent la décision intempestive d'entraver le passage aux automobilistes avec des objets hétéroclites jetés en travers de la chaussée. Pour des motifs récurrents, le manque d'eau, d'électricité, de voirie, d'éclairage public, la distribution de logements ou la pose d'un ralentisseur, la route est coupée et tant pis pour l'autre catégorie de citoyens qui, prise de court, doit prendre son mal en patience et souhaiter que les «envoyés du wali» arrivent vite sur les lieux, et négocient rapidement une réouverture de la voie ou, à défaut, chercher et prendre un itinéraire de contournement. Dans tous les cas, les désagréments et les contrariétés, pour ne pas dire de graves conséquences qui peuvent entraîner mort d'homme, sont aussi nombreux que les personnes qui restent bloquées des heures durant ou prennent un retard, qui peut-être déterminant pour leurs affaires ou fatal pour certains malades. La dernière coupure de route date de vendredi et elle s'est produite à hauteur de Berrihanne (Ben Mhidi), sur la RN 84A, qui relie El Kala et les postes frontaliers à l'aéroport et Annaba, hyper empruntée par les vacanciers et les poids lourds. Les coupeurs de route se sont montrés d'une rare intransigeance vis-à-vis des familles qui rôtissaient au soleil, dans l'attente d'une providentielle reprise de la circulation. Ces héros d'un jour, qui mettent des adolescents aux avant postes, tout en restant à l'ombre, disposant pour un moment du droit de vie et de mort sur leurs concitoyens qu'ils ont piégés, arboraient fière allure et leur refus hautain envers les concitoyens n'avait d'égal que leur condescendance vis-à-vis des autorités. «Ça commence à bien faire et il va falloir agir contre ces protestataires qui nous empoisonnent la vie», grogne-t-on. A force de tirer sur la corde et souvent pour des motifs insignifiants, les émeutiers ont fini par perdre le soutien et la sympathie de la population, pour qui ces insurgés faisaient figure d'opposition politique qui malmenait le pouvoir. Cela ne semble plus être le cas aujourd'hui où le cycle coupure de routes, intervention des autorités locales, ou des brigades anti-émeute, commissions d'enquête et promesses qui n'aboutissent pas puis retour à la case départ, inefficace, laisse indifférent, tant il a été banalisé et suscite plutôt de l'agacement, lorsque ce n'est pas le colère devant les routes barrées.