Dans les rues d'Alger, autour de certaines institutions publiques, il est une vocation qui a toujours pignon sur rue et dont on parle peu, voire très peu. Une prestation qui, depuis des lustres, vole au secours des petites gens. Plus, elle prend de l'ampleur pour venir en aide aux vieux, vieilles et ceux qui, nécessité administrative ou sociale oblige, ne maîtrisent pas l'écrit. Le scribe ou le copiste, appelé communément «écrivain public» installe son «cabinet» à ciel ouvert et tente de tirer quelques dividendes de sa compétence. A l'image des revendeurs d'anciennes cartes postales du vieil Alger, des bouquinistes et des philatélistes, les écrivains publics, ces acteurs sociaux qui constituent le trait d'union entre l'administré et l'administration, occupent certains lieux publics. Ils investissent tôt le matin des endroits attitrés pour rédiger des correspondances pour ceux et celles auxquels l'écrit (dans la langue de Voltaire et celle d'El Jahîdh) fait défaut. Une dizaine d'écrivains publics sont installés du côté de l'avenue du 1er Novembre, sur le parvis de la Cnas. Ils sont là à pianoter sur le clavier de leur machine mécanographique Olivetti pour écrire tous types de textes à caractère privé, administratif ou professionnel. Faisant preuve d'écoute et d'empathie, ces acteurs sociaux qui n'ont ni statut professionnel, et ne sont pas regroupés dans une corporation, proposent un large éventail de services rédactionnels aux particuliers (courrier administratif, document personnel…). La durée de la prestation peut osciller entre une demi-heure et une heure, moyennant une prestation de 500 à 600 dinars, voire plus. C'est selon l'effort fourni que suggère la complexité de l'objet à traiter. Bien qu'ils assurent un service public, ces scribes qui répondent à une demande d'aide à l'écriture pour les «nécessiteux», exercent un métier non reconnu. Il y a quelques années, l'administration postale fermait les yeux sur l'activité de ces écrivains publics qui exerçaient de manière informelle au sein-même de ses agences. Depuis, ils ont été priés de débarrasser le plancher des locaux d'Algérie Poste. Cela ne les empêche pas de continuer à mettre leur valeur ajoutée au service du public. Aux abords des Chèques postaux de la place des Martyrs ou à l'entrée du bureau de poste de Bab El Oued, ils sont omniprésents. Un parasol, un tabouret en guise de table, un stylo et le tour est joué pour satisfaire la demande (chèques et mandats à remplir, lettres à rédiger…) des particuliers. Si les écrivains publics font de l'écrit une source de gain salvatrice, la clientèle, elle, ne trouve pas moins son compte dans un métier en résurgence.