Constantine regorge de vestiges oubliés pour ne pas dire occultés, qui fait d'elle, sous d'autres cieux, la Cité témoin par excellence qui traversa les siècles et qui désormais s'inscrit honorablement dans la toile historique de l'humanité. Observant depuis quelques années son périple majestueux à travers le temps. J'ai amèrement constaté des agissements pour le moins peu orthodoxes, qui la condamnent à une décrépitude sans lendemain si aucune mesure énergique n'est instaurée. Dernièrement, je me suis rendu sur un lieu occulté, voire méconnu par les Constantinois, qui pourtant érige indubitablement l'importance de Constantine dans l'histoire de l'humanité. A mon arrivée sur les lieux en compagnie d'un ami, je l'ai invité à un périple historique à travers la célèbre histoire de Marien et Jacques, afin de lui exprimer mon profond désarroi quant à la décrépitude flagrante des valeurs, qui jadis ont fait rayonner la Cité que fût notre Constantine. Après les travaux titanesques du viaduc «Salah Bey», qui désormais s'érige avec fierté comme huitième pont de la ville, un non moins gigantesque témoignage de ce qu'a vécu Constantine au IIIe siècle après Jésus-Christ (AS), fût enseveli par les tonnes de décombres nécessitant ces travaux d'Hercule ! Doit-on au nom de la nouvelle ère du progrès éradiquer l'histoire fulgurante de ce que fût la Cité, où par ignorance coupable effacer l'âme identitaire de la spécificité constantinoise ? A quelques mètres du pont du diable, marquant l'entrée majestueuse du canyon sur la rive droite du Rhumel, un rocher d'une vingtaine de mètres célèbre dans l'histoire, mais méconnu de la majorité des Constantinois, s'élève tout en défiant les siècles de par son intitulé «Rocher des Martyrs». Là, à cet endroit qui provoque des sensations venues d'une autre époque, la pierre se dresse avec une face abrupte comme pour contempler l'ouest et le coucher du levant pour l'éternité. Le rocher des martyrs En sa partie basse, une inscription a été gravée aux alentours de l'an 260 après Jésus-Christ (AS). «Le quatre des nones de septembre, passion des martyrs d'Hortensia, Marien et Jacques, Datus, Japinus, Rusticus, Crispus, Tatus, Metunus, Victor, Silvain, Egyptus. Souvenez-vous en présence du Seigneur, de ceux dont celui qui a fait (cela) sait les noms. Indications XV.» (Vars Ch. Cirta ses monuments, son administration et ses magistrats. E. Thorin Ed./A. Braham Ed.Imp. Paris/Constantine. 1895. pp. 99-100.) Cette dernière témoigne avec force de la terrible persécution des chrétiens d'Afrique. Elle évoque le martyre de deux grandes figures célèbres de l'église chrétienne : Marien et Jacques et leurs compagnons. Marien et Jacques, exilés de leur patrie (Hortensia), se réfugiaient dans la localité du nom de Muguas, (Les historiens identifient cette localité à Sidi Mabrouk). Valérien, empereur romain de l'époque, proclame un édit (Loi émanant d'un Roi) contre les chrétiens. Marien et Jacques sont torturés à Cirta sur ce Rocher en application à cette loi, avant d'être conduits à Lambèse pour leur mise à mort. De cette histoire naquît l'œuvre du témoin anonyme La Passion de Marien et Jacques, afin d'immortaliser toute la souffrance éprouvée, précédant leur mort sans reniement de leur inébranlable foi en Dieu. Le texte sculpté à la base de ce Rocher célèbre est une inscription faite selon la volonté des persécutés, exécutée par celui qui fût le témoin direct de leur pénible torture. Solennellement gravé sur la face abrupte de ce Rocher, qui s'érige dans un paysage jadis verdoyant et dans lequel coulait un fleuve limpide de par sa pureté, baptisé Rhumel. Marien et Jacques furent sacralisés par l'Eglise, et aujourd'hui les reliques de Saint-Marien et Saint-Jacques sont vénérées dans la cathédrale qui leur est dédiée à Gubbio en Ombrie (Italie). Ce Rocher des Martyrs est un témoignage incommensurable de l'importance de Constantine dans l'histoire de l'Humanité. L'ignorer peut être normal, mais l'ensevelir même par ignorance est une faillite absolue de l'élite intellectuelle, quant à le détruire en sachant ce qu'il représente, n'est autre qu'un inqualifiable crime. Ne serait-il pas plus constructif d'ériger cette stèle chrétienne, de surcroît millénaire, en la dotant d'un espace de verdure, mettant en valeur l'immensité de l'entrée des gorges du Rhumel, surplombé par le nouveau viaduc «Salah Bey» ? La mise en valeur de ce trésor provoquerais sans aucun doute l'admiration de nos frères adeptes chrétiens désirant vénérer leurs Saints, et je vous laisse imaginer l'incommensurable portée internationale de cette initiative lors de l'Année de la culture arabe, qui érigera sans aucun doute ce site en un lieu de pèlerinage.