Sémantique préalable L'analyse du rapport de sens, entre les «Retraites chapeau» et les «Parachutes dorés», est nécessaire devant une confusion qui amplifie la polémique car, pour le commun des mortels, l'attention reste figée sur l'amplitude de la compensation rapportée à la personnalité du bénéficiaire et surtout à l'état de crise de l'entreprise employeur. La retraite chapeau est un régime de retraite qui prend la forme d'une rente – généralement mensuelle – dont le montant est fixé à l'avance et qui est versée aux bénéficiaires, en plus de leur retraite dite des régimes obligatoires. Ce revenu contractuel, additionnel aux pensions de retraite est souvent convenu avec des cadres dirigeants ou cadres supérieurs, qui de par leur position vont se soumettre à une clause de non-concurrence, les empêchant de la sorte à ne pas servir, durant leur retraite, d'autres entreprises. La retraite chapeau rentre souvent dans la catégorie du régime dit des prestations définies, sous lequel l'entreprise s'engage sur un montant de retraite déterminé à l'avance en fonction de la rémunération du salarié et de son ancienneté, faisant de cette retraite sa charge directe. Cette entente contractuelle est souvent désignée comme un régime additif, lorsque le montant de cette pension est indépendant du montant des autres pensions, mais il existe des régimes dérivés comme celui des régimes différentiels par lequel l'employeur s'engage à verser la différence avec le niveau de retraite garanti par les régimes obligatoires et complémentaires. Le parachute doré est l'expression péjorative, en raison de l'importance de son montant, qui désigne la prime de départ qui résulte d'une clause contractuelle entre un dirigeant de société et son employeur. Elle n'a pas forcément vocation à être une compensation pour services rendus à l'occasion d'un départ en retraite ou d'un départ programmé. Elle est souvent prévue pour parer à l'éviction en cas de licenciement, d'une restructuration ou d'une fusion avec une autre société. Cette prime de départ purement contractuelle qui n'est pas à confondre avec l'indemnité de départ en retraite s'ajoute aux indemnités servies en application de dispositions légales ou conventionnelles. L'absence de législation dédiée est souvent à l'origine de la polémique Le prochain départ du PDG de GDF Suez, Gérard Mestrallet, prévu pour mai 2016, a relancé la polémique à laquelle les syndicats se mêlent pour l'attiser. Ces derniers espèrent qu'en pareille circonstance, le PDG de GDF- Suez renoncera à ses avantages comme certains patrons se sont rétractés dans le passé. Le groupe GDF Suez assure que son PDG ne bénéficie «d'aucun avantage de retraite accordé à titre individuel». Pour mettre un terme à la polémique, un communiqué du groupe précise que la somme de 21 millions d'euros, dont il est question, ne sera pas payée directement au PDG sortant, mais qu'il s'agit d'une provision sur une provision globale de 103 millions d'euros qui concerne 27 membres du comité exécutif. Si les professionnels peuvent comprendre qu'une provision est dans l'esprit des normes comptables, le cumul des droits acquis en conformité avec les normes comptables et qu'elle n'est en aucun cas un chèque émis ou à émettre, l'amalgame est vite atteint par les personnes non initiées. L'absence de législation ne facilite pas la situation qui tient d'une limite constitutionnelle. Preuve en est : les tentatives de légiférer n'ont pas manqué à chaque occasion où les projecteurs étaient braqués, médias aidant, sur les rémunérations versées à l'occasion de départs de patrons des sociétés cotées au CAC 40. Les campagnes présidentielles ont même prôné la mise en place de législation dédiée, telle la campagne de l'ancien président Nicolas Sarkozy qui avait promis d'interdire, par la loi, les retraites chapeau et les parachutes dorés. Difficile de tenir un tel engagement quand il s'agit d'encadrer des pratiques contractuelles dès lors qu'une telle loi servirait plutôt à éviter les abus plutôt qu'à limiter des droits. Devant cette conjugaison de débats politiques, mais également de lobbies par presse interposée, de nombreux cadres dirigeants ont renoncé à ces compensations. Il faut préciser que les associations patronales comme l'AFEP(1) et le MEDEF(2) ont largement contribué au débat, au point de faire reconnaître leur code de conduite comme un cadre d'autorégulation. Les codes de gouvernance sont pour l'instant les seuls référentiels des bonnes pratiques En règle générale, les associations patronales reconnaissent la nécessité d'une rémunération différenciée des dirigeants et mandataires sociaux. Même le code algérien de gouvernance d'entreprise, tout en rappelant que «la rémunération des administrateurs est fixée par l'Assemblée générale, dans ses montants et sa structure», suggère «qu'elle doit être suffisamment élevée pour attirer, retenir et motiver les administrateurs qui répondent au profil souhaité». Par ailleurs, il est important de garantir l'indépendance du conseil d'administration et de son président, dont les décisions ne doivent pas être influencées par les intérêts particuliers de la direction générale, mais de les indexer à la rentabilité et à l'amélioration de la valeur de l'entreprise.C'est pour ces raisons qu'il a été considéré, dans un contexte de crise, que les patrons qui n'avaient pas réussi à prévenir des faillites ou en situation d'échec ne devraient pas bénéficier de parachute doré. C'est du moins ce que, face à la menace du régulateur, le patronat français a formulé dans un code de gouvernance pour limiter l'attribution de parachutes dorés, d'autant qu'un ancrage existe au code de commerce français qui précise que lorsqu'une société se réfère volontairement à un code de gouvernement d'entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises, son rapport présente à l'assemblée générale les principes et les règles arrêtés par le conseil d'administration pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux. Le code «AFEP-MEDEF»(3) recommande de limiter le montant des retraites supplémentaires à 45% du salaire de référence et son guide d'application suggère, sur le sujet des systèmes de retraites provisionnés, de préciser dans les rapports annuels l'existence de tels dispositifs et leurs caractéristiques. De même qu'il recommande d'étendre pour les régimes à prestations définies les bénéficiaires à un groupe plus large que celui des mandataires sociaux, de fixer la condition minimum d'ancienneté de deux ans pour en bénéficier et de limiter la progressivité des droits en fonction de l'ancienneté limitée à 5% de la rémunération du bénéficiaire. Même si le nombre et la structure des comités dépendent de chaque conseil d'administration, le MEDEF recommande également que la politique des rémunérations et des «stock options» fasse l'objet d'un travail préparatoire par un comitéspécialisé du conseil d'administration. Toujours selon le MEDEF, le statut de mandataire social révocable n'est pas compatible avec une indemnité de départ préalablement déterminée quelle que soit la performance du dirigeant, garantie même en cas d'échec. Cela signifie que le cumul d'un mandat social comme celui de Président directeur général ou Président de Directoire avec un contrat de travail serait susceptible d'entraîner un cumul d'indemnités de départ, objets de la controverse. Ces préoccupations sont encore plus accentuées lorsqu'il s'agit d'entreprises dans lesquelles l'Etat détient des participations, créant de la sorte un plus fort sentiment d'injustice, rajouté à celui de l'écart entre le niveau des pensions de retraite des salariés et de celui des cadres dirigeants Notes : 1) Association française des entreprises privées 2) Mouvement des entreprises de France 3) Code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées