L'Algérie et les Etats-Unis d'Amérique "prospèreront ensemble" et continueront d'œuvrer pour la paix et la protection des peuples    Des cadres de la DGSN en visite au ministère des Relations avec le Parlement    Energies et mines: M. Arkab reçoit une délégation parlementaire slovène    Ouverture du capital de la BDL : une opportunité de développement économique et de consolidation de la stabilité financière    ONU : Attaf s'entretient à New York avec le Secrétaire général de la Ligue arabe    La Télévision algérienne dévoile sa grille de programmes pour le mois de Ramadhan 2025    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 47.161 martyrs et 111.166 blessés    Larbaoui reçoit l'ancien Premier ministre de la République du Kenya    Education : le gouvernement examine les mesures proposées pour la révision des programmes scolaires    APN : le groupe chargé d'enrichir l'avant-projet de loi relatif aux associations auditionne des représentants de la société civile    Réunion du gouvernement: exposé sur les procédures de mise en œuvre du projet de réalisation du film sur l'Emir Abdelkader    Le président Tebboune salue l'opération de libération du ressortissant espagnol    Volleyball: les championnats d'Algérie connaitront un changement de formule de compétition en 2025-2026    Aïn Temouchent: commémoration du 13e anniversaire du décès du moudjahid Belhadj Bouchaïb, membre du groupe historique des 22    CNFE: plus de 6500 stagiaires formés en 2024    Skikda: 162 millions de dinars pour la réhabilitation des infrastructures devant accueillir une partie des Jeux scolaires africains    Union nord-africaine de football: "un intérêt croissant pour le football scolaire de la part de la CAF"    ONSC: lancement d'une consultation au profit des associations pour enrichir l'avant-projet de la loi sur les associations    Le Directeur général de la Protection civile en visite de travail et d'inspection dans la wilaya d'El Meghaier    Alliance Algérie-Europe pour l'hydrogène vert    L'Agence internationale de l'énergie (AIE) s'attend à des marchés tendus cette année    «L'épicentre du terrorisme mondial s'est déplacé vers la région du Sahel»    L'entité sioniste a perdu la guerre    Saâdaoui met en place la Commission nationale d'évaluation du niveau scolaire    Réhabilitation et mise en valeur des espaces verts    81 foyers raccordés au gaz naturel à Brabria    L'ADN de la classe politique ukrainienne (Partie III)    Le dialogue au lieu de la confrontation    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha reçoit le chef des Forces de défense populaire ougandaises    Générale de la pièce «Ech'Chabih»    Renforcement des mécanismes de financement, amélioration du cadre réglementaire et formation parmi les recommandations phares    Lancement de travaux d'aménagement de monuments historiques et de cimetières de chouhada    Muay thaï : L'Algérien Anane défie l'Ecossais Carrillo le 24 janvier    Du foot aux couleurs africaines    Tennis : Installation d'une commission d'homologation des infrastructures    Journée nationale de la Commune        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Que Fanny repose en paix dans cette terre pour laquelle elle avait une passion sans borne
Publié dans El Watan le 28 - 11 - 2014

Originaire de Constantine, Fanny, née Reynaud, a, dès sa prime jeunesse, rejeté le système colonial qui opprimait les autochtones avec qui elle a partagé les aspirations nationalistes. Elle faisait partie de la mouvance des catholiques progressistes, sensibles à la condition politique et sociale de ceux que l'administration coloniale appelait les Français musulmans. Cette mouvance était animée par André Mandouze, Pierre Chaulet, Pierre Colonna, qui deviendra son mari dans les années 1950. Ils militaient dans l'Association de la jeunesse algérienne pour l'action sociale (AJAAS) et écrivaient dans Consciences maghrébines qui était la revue où ils exprimaient leurs positions politiques et idéologiques. Ils étaient en contact permanent avec les nationalistes autochtones, dont Mahfoud Kaddache, historien et dirigeant des Scouts musulmans, et Salah Louanchi, membre de la direction centrale du MTLD, parti d'où sera issu le FLN qui lancera l'insurrection en 1954.
Fanny Colonna est représentative d'un courant d'opinion qui était attaché à l'idée d'une nation algérienne souveraine multiethnique, courant malheureusement minoritaire parmi les pieds-noirs. Ils étaient néanmoins plusieurs centaines à avoir épousé la cause du FLN, et beaucoup d'entre eux ont subi la répression, notamment Evelyne Lavalette, célèbre détenue politique. Il faut citer aussi dans ce courant l'abbé Alfred Bérenguer, qui a été durant la guerre le représentant du FLN en Amérique latine, et aussi les abbés Pierre Mamet, Jean Scotto, Jobic Kerlan…
Tous ces pieds-noirs, dont les arrières-grands-parents étaient nés en Algérie, se sentaient Algériens et avaient pris position contre la domination coloniale. Ils militaient pour un Etat algérien souverain où autochtones et pieds-noirs seraient des citoyens égaux. Leur attitude politique ne souffrait d'aucune ambiguïté, ce qui les a placés du côté des nationalistes contre la majorité des pieds-noirs acquis à l'Algérie française. Aux yeux de ces derniers, ils étaient des traîtres à la France, à la mère-patrie, alors que c'était des justes qui avaient une autre idée de la France et de son honneur. En 1955, un drame familial, conséquence de la guerre de Libération qui avait commencé un an plus tôt, a bouleversé la vie de Fanny. Son père, administrateur dans la commune de M'sila, a été tué par le FLN. Après un séjour d'un an à Nice avec sa mère pour faire son deuil, elle revient au pays, convaincue plus que jamais que l'Algérie a droit à l'indépendance.
A la fin de la guerre, elle opte pour la nationalité algérienne et renonce à la nationalité française, demeurant, avec son mari, à Alger où elle a fini ses études universitaires. Munie d'une licence en anthropologie, elle s'inscrit en thèse à Paris sous la direction de Pierre Bourdieu sur le thème des instituteurs algériens formés à Bouzaréah entre 1883 et 1939. La thèse a été publiée à la Fondation nationale de sciences politiques à Paris et à l'Office des publications universitaires à Alger en 1975. Pendant un temps, elle a été chercheur à Alger à l'Association algérienne pour la recherche et le développement économique et Social (AARDES), à l'origine fondée par Pierre Bourdieu à la fin des années 1950 et au Centre de recherche d'anthropologie, de préhistoire et d'ethnologie (CRAPE), avant d'obtenir un poste de chargée de recherche au CNRS à Paris.
Titulaire d'une carte de séjour au même titre que les travailleurs émigrés, elle réside à Paris et à Alger, et s'investit dans la collaboration entre enseignants français et algériens avec le but de renforcer la recherche universitaire en Algérie. Dès la fin des années 1970, ses travaux ont porté sur les changements religieux dans l'Algérie contemporaine, choisissant comme terrain d'investigation d'abord Timimoun et ensuite les Aurès qui l'ont inspirée dans la production de textes qui font autorité dans le domaine de l'anthropologie religieuse de l'Algérie.
Ses deux textes phares sont «Saints furieux et saints studieux, ou comment dans l'Aurès la religion vient aux tribus» (Annales, ESC, 1980) et Les Versets de l'invincibilité, ouvrage paru en 1995 aux Presses de Science Po Paris, traduit en arabe en 2005 au Caire par les éditions ‘Alam Ettalath sous le titre Ayat es sumud. Dans cet ouvrage, elle remet en cause le schéma binaire de Ernest Gellner qui postule que l'islam citadin et l'islam rural sont opposés et que le premier a vaincu le second. Elle montre de manière assez fine, à travers l'étude des zaouiates dans les Aurès, que les familles maraboutiques n'étaient pas hostiles à l'islah (le réformisme), et que ces familles envoyaient leurs enfants se former à Constantine dans les écoles de l'Association des oulémas de Abdelhamid Ben Badis, et revenaient au village pour propager la vision religieuse des réformistes citadins. Fanny Colonna était passionnée par son terrain et a écrit beaucoup d'articles et d'ouvrages, dont Timimoun, une civilisation citadine (éditions Mardaga, Bruxelles,1989), Entre insurrection et révolution (éditions Azur, Akbou, 2006), Le meunier, les moines et le bandit (Actes Sud-Sinbad, 2010).
Fanny Colonna a donné un long entretien à l'anthropologue J.P. Van Staëvel, paru dans la revue d'Etude des mondes musulmans et de la Méditerranée (juillet 2014, n° 135) dans lequel elle exprimait sa frustration face au désintérêt des chercheurs algériens pour l'anthropologie religieuse, et sa déception que les chercheurs français ne se soient pas encore émancipés du modèle durkheimien des religions. Elle laisse un vide parmi ceux qui l'ont connue et qui l'appréciaient pour son érudition de l'islam rural, et aussi pour sa spontanéité, sa franchise et son sourire désarmant. Elle a souhaité être enterrée dans sa ville natale, à côté de son père, dans le cimetière chrétien de Constantine. Malgré l'amour qu'elle avait pour son père, Fanny avait opté pour la justice, à la différence d'un autre pied-noir célèbre de Constantine. Qu'elle repose en paix dans cette terre pour laquelle elle avait une passion sans borne.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.