La sbeiba, cette danse folklorique ou ce rite festif spécifique à la ville de Djanet, n'a pas livré encore tous ses secrets. Quelle est l'origine de la sbeiba, pourquoi ce duel et cette concurrence entre les deux importantes tribus de la région ? Est-ce une fête pour exprimer une joie ou alors un combat pour s'affirmer ? Djanet De notre envoyée spéciale La célébration de la sbeiba débute, comme chaque année, le premier jour de Moharrem (premier jour du premier mois du calendrier de l'Hégire) et se poursuit jusqu'au dixième du même mois. Ce dimanche, lors de la célébration de ce rituel, les aïeux de la ville ont tenté de répondre à ces questions. De l'avis de Mokrane Salah, directeur de l'Office du parc national du Tassili, la sbeiba est célébrée comme étant un événement exprimant une expression de joie commémorant la victoire de moïse sur le pharaon. Aussi, le déroulement du rituel dans le lit de l'oued Edjriou, qui signifie la mer en tamazight, est le triomphe du bien. A cet effet, chaque année et dans une ambiance de fête guerrière inégalée, les tribus des ksour d'Elmizan et de Zellouaz se remémorent l'événement par un rituel où s'entremêlent la religion, la tradition et l'art. D'autres, par contre, pensent que la sbeiba est un rite relatif à l'Achoura, qui s'appuie sur les « thimoulalyne » (le pluriel de « thamuli ») et qui signifient louanges. Il s'agit de faire l'éloge des personnages historiques mais aussi des vieux, des jeunes et des jeunes filles de chaque tribu. Toutefois, les habitants des deux ksour racontent que la sbeiba permet tout simplement aux tribus locales de se retrouver le jour de l'Achoura de chaque année, pour célébrer un pacte de paix conclu par leurs aïeux, depuis des millénaires. Ce traité de paix, entre deux tribus, signifiait la fin de l'une des guerres fratricides les plus longues dans l'histoire des tribus Ajers, une guerre déclenchée autour de la problématique de l'eau. Le jour de l'Achoura, les habitants des deux tribus, Elmizan et Zellouaz, ont perpétué cette tradition. Ils sont descendus à l'oued pour célébrer leur mode de vie sédentaire, qui les différencie des nomades. La sbeiba commence toujours par un chant… une prière : « Ya Allah ya lillou », où les interprètes demandent à Dieu de leur prêter vie jusqu'au lendemain, afin qu'ils descendent chaque année à l'oued pour faire la fête. Chaque tribu fait l'éloge des siens : la force de ses jeunes, la beauté de ses jeunes filles et le courage de ses anciens, tout en critiquant l'autre tribu. D'aucuns s'accordent à dire qu'il s'agit là d'une concurrence loyale et artistique qui s'articule autour de plusieurs niveaux et domaines, entre autres, la danse, la poésie, l'habit traditionnel, le chant, les coiffures, les masques, les épées ou encore l'interprétation. Des danses sont exécutées sur le rythme envoutant des tambourins, tandis que les représentants des deux tribus, en grande splendeur, exhibent les étoffes sacrées qui rappellent leur origine tribale et leur unité face à l'ennemi. Les guerriers des deux camps sont vêtus de leurs costumes aux couleurs bigarrées et sur fond de youyous des femmes alignées tout au long de l'oued, ils lustrent leurs armes d'apparat et se toisent, se défient, se titillent et se provoquent sous les sons du bendir. Tard dans l'après-midi, la place est cédée à l'évaluation, les sages interviennent pour arrêter les parades guerrières des deux tribus et donner leurs appréciations sur le show des deux tribus. La fête s'est toutefois, prolongée dans la soirée où plusieurs artistes de la région et des autres villes de l'Algérie ont animé un gala organisé au centre de la ville. Hier, les habitants des deux ksour se sont donné rendez-vous pour l'année prochaine et ce, lors de la cérémonie de clôture de la fête de la sbeiba.