Chaque année, les habitants de Djanet fêtent dans une ambiance particulière la sbeiba. Un rituel où s'enchevêtrent majestueusement l'art, la tradition et la religion. Djanet De notre envoyée spéciale La sbeiba permet aux tribus locales de se retrouver le jour de l'Achoura pour se remémorer et célébrer, comme le rapporte la tradition orale, la victoire de Moïse sur le pharaon. Cette fête, dont les préparatifs ont débuté il y a 9 jours, est une autre opportunité, pour les autorités de cette région importante du Tassili, d'organiser des rencontres et séminaires sur divers thèmes ayant trait au riche patrimoine du Sahara. Hier, à la veille de la sbeiba, le commissariat du festival culturel local a organisé une journée d'étude sur l'importance du patrimoine immatériel maghrébin dans la consolidation de l'identité culturelle du Grand Maghreb. Des anthropologues, des scientifiques et des enseignants d'Algérie, de Tunisie et de Libye ont pris part à cette rencontre. D'emblée, les intervenants se sont accordés à dire que le patrimoine immatériel demeure incontestablement le ciment et le lien qui contribue à la cohésion sociale. Seulement, les participants ont regretté que ce patrimoine, avec toute sa diversité, a été très peu considéré, voire complètement occulté par le passé alors qu'il mérite d'être enregistré et valorisé. « Nos enfants ignorent tout du patrimoine immatériel de leur pays, il n'est enseigné ni à l'école ni dans nos universités. Les collégiens ne connaissent rien des poètes maghrébins. Comment faut-il se comporter avec notre patrimoine immatériel lorsqu'on est face à des contraintes de sa transcription et de son enregistrement ? », a relevé un chercheur du Crasc. Abondant dans le même sens, M. Khanoussi, directeur de recherche à l'Institut national de recherche en Tunisie, a parlé des ressemblances et similitudes existant entre les pays du Maghreb en matière de patrimoine. Il citera à cet effet la ville de Mokhola qui est, selon l'histoire, la première capitale amazighe. Toutefois, l'intervenant pense que le citoyen maghrébin n'a pas encore pris conscience de l'importance que revêtent les sites archéologiques auxquels les touristes étrangers accordent une grande curiosité. En évoquant la question des rituels et des traditions, M. Khanoussi a expliqué que de multiples fêtes populaires continuent d'être célébrées, chaque année, alors que le souvenir de leur institution ou les raisons qui ont présidé à leur création sont soit complètement oubliés, soit largement estompés. « La conscience collective n'a retenu, en effet, que le rôle de ces fêtes pour la cohésion sociale. Or, des études récentes viennent de révéler que certaines de ces fêtes ont des origines très lointaines qui remontent à l'Antiquité », a-t-il précisé. Pour leur part, des enseignants de l'université de Blida, Mme Necissa et M. Sidhoum, ont abordé la question du patrimoine comme un outil de développement durable. Pour ces deux intervenants, le patrimoine culturel et naturel fait partie des biens inestimables et irremplaçables non seulement de chaque nation, mais de l'humanité tout entière. Cependant, la perte, la dégradation ou la disparition pure et simple de ces biens éminemment précieux, constituent un appauvrissement du patrimoine de tous les peuples du monde. « On peut reconnaître, en raison de leurs remarquables qualités, une valeur universelle exceptionnelle à certains des éléments de ce patrimoine. Ces derniers représentent alors des ressources, au même titre que les matières premières, l'industrie ou les services, ils sont autant de potentialités de développement économique, historique et culturel », ont noté les intervenants. L'idée de recourir au patrimoine comme outil de développement est apparu dans les années 1980 en Europe. Différents rapports suggèrent, selon les universitaires, que la valorisation du patrimoine pourrait contribuer au développement du territoire et, quelques années plus tard, la dimension culturelle de l'aménagement du territoire prend réellement sa place. Pour aujourd'hui, il est prévu un concert animé par de nombreux artistes de la région alors que la fête, où les différentes tribus exhibent leurs plus beaux atours, est programmée pour toute la journée.