Réagissant à l'analyse plutôt pessimiste de la situation financière du pays, exposée il y a quelques jours par le gouverneur de la Banque d'Algérie dans une rencontre avec les responsables des banques publiques, son prédécesseur, Badreddine Nouioua, met en garde à son tour contre les répercussions très graves que pourrait avoir pour l'Algérie la chute des prix du pétrole, au cas où celle-ci s'inscrirait dans la durée. Choc externe Badreddine Nouioua prédit des conséquences très graves et un possible retour à l'endettement dans des conditions semblables, voire pires que celles endurées dans les années 1990, dans le sillage du choc pétrolier de 1986. Dans un entretien qu'il nous a accordé hier, il estime que si la chute des prix du pétrole se poursuit et si le gouvernement ne fait rien pour prendre les mesures en vue de maîtriser les dépenses publiques et de mieux encadrer le système de subventions, «les conséquences vont être très graves». Badreddine Nouioua relève aussi «la crainte de la Banque de l'Algérie quant aux répercussions sur la monnaie». «La dévaluation du dinar par rapport aux autres devises, qui nous sera imposée si rien n'est fait pour redresser la barre, aura des conséquences très graves, telles que nous l'avons déjà vécu dans les années 1990». Nous risquerions alors, selon M. Nouioua, de connaître une crise durable, rappelant qu'il a fallu «quinze ans pour dépasser la crise de 1986». Il souligne que les autorités ont «une marge de manœuvre limitée dans le temps» et doivent de ce fait agir efficacement, notamment sur les dépenses publiques et sur le soutien des prix : «Les responsables doivent agir sur les dépenses budgétaires d'une part et sur l'augmentation des recettes d'autre part en luttant notamment contre l'évasion fiscale.» Réagissant aux mises en garde du gouverneur de la Banque d'Algérie à propos du risque d'un choc externe pour le pays, Badreddine Nouioua estime que «ce choc externe est déjà là». Les importations toujours importantes Pour notre interlocuteur, «une chute des prix du pétrole durable aura des répercussions très importantes à la fois sur la balance de paiements qui sera pour la première fois déficitaire si le niveau des importations reste aussi important qu'aujourd'hui, ainsi que des répercussions sur les ressources budgétaires vu que la fiscalité pétrolière va diminuer considérablement». L'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie estime par ailleurs que dans la conjoncture actuelle, «les autorités tentent de ne pas être alarmistes et disent que l'on peut faire face à la situation parce qu'elles comptent sur les réserves de change qui sont toujours importantes et également sur le Fonds de régulation de recettes (FRR). De mon point de vue c'est un mauvais calcul, car si les dépenses restent au niveau actuel, les montants du FRR vont être absorbés au bout de deux ans». Pour Badreddine Nouioua, «la Banque centrale affiche des appréhensions car les autorités n'ont pas entamé une véritable politique de dépenses publiques» ; bien au contraire, «les autorités parlent encore d'assurer le soutien des prix, alors qu'il ne sert qu'à encourager le gaspillage et la contrebande». Après ce constat, l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie avertit une fois de plus : «Si malgré la poursuite de la baisse des prix du pétrole, les dispositions nécessaires ne sont pas prises pour mieux contrôler les dépenses publiques et mettre en place des normes strictes pour contrôler les importations, actuellement dominées par le bas de gamme et la contrefaçon et alimentent la contrebande vers les pays voisins, nous connaîtrons alors une situation catastrophique.»