Évolution de l'environnement international Les cartes politiques des empires et des Etats ont toujours changé au cours des siècles au gré de la puissance et de l'union des uns, de la faiblesse et de la division des autres. Le monde a toujours évolué et évoluera toujours selon les mêmes principes qui sauvegardent les intérêts des puissants aux dépens des faibles. L'enjeu principal reste l'accès aux ressources, qui confèrent la puissance et la richesse, mais les enjeux peuvent parfois être le résultat d'antagonismes idéologiques ou de civilisations. Depuis son «indépendance» et jusqu'en 1990, l'Algérie a connu un monde en équilibre avec deux blocs opposés : l'Alliance atlantique à l'ouest et le Pacte de Varsovie à l'est. C'était l'époque de la guerre froide, qui donnait aux pays sous-développés une certaine marge de manœuvre pour préserver leurs intérêts soit dans le cadre du Mouvement des non-alignés, soit en entrant dans le jeu des alliances. A la disparition du bloc de l'Est et de l'URSS, un nouvel ordre mondial s'est constitué autour d'un pôle unique, «le bloc occidental», dominé par l'ultralibéralisme, vainqueur de la guerre froide. Et avec ce nouvel ordre conquérant, qui entend disposer des richesses de la planète comme d'un butin de guerre, de nouveaux concepts et modes d'action sont apparus : – La «communauté internationale» essentiellement constituée par le cercle restreint des pays riches et puissants, solidarisés par les intérêts réciproques. – L'«interventionnisme humanitaire» qui s'exprime par la mise en œuvre de moyens militaires disproportionnés. En effet, si jusqu'à 1990, les opérations militaires avaient tendance à évoluer en intensité en préservant au maximum le point de non-retour dans l'application du niveau de violence, depuis cette date, les opérations menées contre des pays faibles commencent directement par une guerre totale avec la destruction massive des infrastructures et des dommages collatéraux qui font rapidement oublier les motifs humanitaires de l'intervention. Et ces destructions s'opèrent d'autant plus rapidement et à une plus grande échelle que le pays visé est grand et possède de plus grandes richesses naturelles. C'est alors l'expérimentation grandeur nature de la stratégie du désastre qui déstructure la société et plonge les populations dans un état de choc collectif pour affaiblir leur résistance et accélérer le processus de mainmise sur les richesses. – Le «Tribunal pénal international», destiné essentiellement à mettre la pression sur les gouvernants des pays sous-développés, coupables d'un manque de docilité aux intérêts du nouvel ordre mondial et de l'ultralibéralisme. Ceux-ci sont d'ailleurs d'autant plus fragiles qu'ils manquent souvent de légitimité et l'ordre mondial a besoin de ce manque de légitimité pour imposer son ordre ou justifier ses interventions, le moment opportun, quand ses intérêts le dictent. – Le nouveau statut des prisonniers appelés désormais «combattants ennemis» pour pouvoir leur appliquer le choc et la régression individuelle, contournant ainsi les lois internationales et les droits de l'homme. A tous ces concepts s'ajoute une véritable stratégie de corruption pratiquée depuis des décennies, mais mise au point et organisée depuis 2001. Les pays — même ceux dont la gestion des finances publiques est très rigoureuse — ont mis en place des structures visant à faciliter les ristournes pour les marchés obtenus avec un certain nombre de pays, dont le nôtre, et cela jusqu'à un taux de 20 à 30% du montant du marché. Cela se fait officieusement pour permettre aux entreprises du pays exportateur de biens et de services de faire face à la concurrence rendue ainsi déloyale. Mais le but principal poursuivi est de disposer d'un fichier complet des cadres corrompus du pays visé pour les mettre sous chantage le moment voulu et bénéficier de leur docilité. C'est une véritable organisation transnationale avec une répartition des tâches selon les zones d'influence. Les dossiers de corruption, quand il s'agit de cadres importants, sont classés secret-défense ; ces cadres ne sont jamais inquiétés tant qu'ils restent dociles. Les scandales qui éclatent çà et là dans les pays développés ne concernent essentiellement que les rétrocommissions reversées au profit de leurs ressortissants responsables d'entreprises exportatrices. L'ordre mondial sait qu'un pays miné par la corruption est dévitalisé et est beaucoup plus facile à déstabiliser et à mettre en situation de régression collective. – Enfin, la «hausse arbitraire des taux d'intérêt» dans les années 1980 a placé quelques années plus tard les pays sous-développés dans une véritable spirale d'endettement ; la Banque mondiale et le FMI, d'abord noyautés puis phagocytés par l'ultralibéralisme, ont servi d'outils pour asservir des pays entiers en leur imposant le programme de réajustement structurel qui n'est pas un programme de lutte contre la pauvreté, mais une véritable guerre contre les pauvres, lesquels assistent, sous le choc de la dette, à la vente de leur pays par parties. Évolution de l'environnement national : Le laboratoire algérien «L'Algérie est un pays beau et riche», disait un officier de l'armée coloniale à la veille de l'indépendance. En 1962, après une rude et éprouvante guerre de libération qui a mis fin à une longue nuit coloniale qui a emporté les meilleurs de ses enfants, le peuple algérien était sorti uni par la victoire et solidaire. Il était debout et fier et prêt à engager d'autres sacrifices pour relever le défi du développement national et pour monter en puissance. Il croyait à l'émergence et l'espoir était général. De 1962 jusqu'à 2014, une suite d'épreuves l'a fondamentalement changé : – La première action, qui a porté un préjudice profond à son enthousiasme, à la cohésion nationale et surtout à la confiance que le peuple avait en ses dirigeants, est relative à la course au pouvoir au lendemain de l'indépendance, laquelle s'est soldée par des centaines de moudjahidine, symboles du patriotisme et du sacrifice suprême, survivants de la Guerre de libération, tués par leurs propres frères d'armes dans des combats fratricides. – La dévitalisation du peuple s'est poursuivie dans les années 1980 quand le peuple a découvert que le pays dépendait entièrement d'une seule ressource non renouvelable, les hydrocarbures, dont les prix sont fixés ailleurs en fonction des besoins stratégiques et des intérêts des puissances engagées dans la guerre froide, et au moment où les actions de restructuration de l'économie, suggérées par des laboratoires étrangers, se sont soldées par la paupérisation des masses et la mise à genoux du tissu industriel, auparavant mis sur pied au prix de grands sacrifices. Cette dévitalisation a provoqué la perte de l'espoir de vivre dans une Algérie forte et émergente. – Mais la véritable stratégie de choc dont a été victime le peuple algérien est ce drame d'apparence idéologique qui a emporté plusieurs dizaines de milliers de ses enfants dans les années 1990. S'agissait-il d'un champ d'expérimentation pour provoquer un état de choc collectif qui allait désorienter les masses pour faire, le moment venu, contre leur gré, des concessions au pouvoir en place lorsque celui-ci sera en phase avec l'ordre mondial et ses sous-traitants ? Tout semble l'indiquer… Pourrait-on croire encore que des personnalités comme Liabès, Boukhobza, Merbah (pour ne citer que ceux-là parmi des centaines d'autres) ont été éliminées pour des questions idéologiques et non parce qu'ils avaient sous la main un début de solution aux problèmes du pays et à son émergence ? Des solutions qui échapperaient aux tenants de l'ordre mondial. N'étaient-ils pas des obstacles à l'émergence de ses sous-traitants ? Ces actions ne relèvent-elles pas d'une logique froide et rationnelle, s'inscrivant dans un programme planifié depuis longtemps visant à maintenir l'Algérie avec «un genou à terre» en attendant la solution finale ? Ce drame a, dans tous les cas, été un grand traumatisme pour le peuple ; il a favorisé la division, parfois même à l'intérieur des cellules familiales et l'individualisme a grandement contribué à l'effritement de la nation. – Enfin, la déstructuration du pays est passée au niveau supérieur dans les années 2000 par l'application dans le domaine économique de ce qui ressemble étrangement à ce qui s'est passé au Chili dans les «années Pinochet» : privatisation à outrance ; ouverture aux multinationales et aux entreprises étrangères de domaines aussi stratégiques que la construction, les communications, les banques, l'énergie, l'eau… ; décisions et confection de lois affaiblissant la souveraineté de l'Etat sur les ressources stratégiques et même sur une partie de son territoire (loi sur les hydrocarbures, projet d'exploitation du gaz de schiste, cessions à des pseudo-entreprises étrangères d'unités de fabrication de matériaux de construction au moment où l'Etat lance un vaste programme de construction de millions de logements)… En plus de cela, ces dernières années, après avoir tout fait pour neutraliser les services et institutions chargés de la lutte contre la corruption, on va même jusqu'à envisager des lois protégeant les corrompus : une dérive sans précédent fait dire que notre pays est devenu une zone de libre corruption. C'est le naufrage du patriotisme et l'effritement de l'Etat. Tout cela ne s'explique que parce que le pouvoir en place est enfin en phase avec l'ordre mondial et l'ultralibéralisme et qu'ils poursuivent les mêmes objectifs. Evidemment, cela explique aussi beaucoup d'autres choses, comme cette précipitation contre tout entendement à exploiter chez nous le gaz de schiste, au moment ou la plupart des pays les plus avancés l'ont interdit chez eux pour les risques de pollution des eaux souterraines. Le Grand Sud algérien possède la plus grande nappe d'eau douce souterraine de la planète ; la polluer constituerait un crime contre le peuple algérien et les peuples des pays frontaliers et contre l'humanité. Evolution de l'environnement régional : l'accélération de l'histoire «Autour de la région du Hoggar, riche en matières premières, nous avons l'impression que des forces veulent vider cette zone stratégique pour nous imposer des solutions à nos dépens» (interview à El Watan, avril 2012). Le chaos n'est pas, pour l'ordre mondial, un problème à régler, mais une occasion sinon à provoquer du moins à saisir. Un projet initié à la fermeture du canal de Suez, lors de la guerre du Moyen-Orient de juin 1967 et mûri dans les années 1980 consistait à créer un couloir de «souveraineté limitée» depuis la Corne de l'Afrique jusqu'à la Mauritanie en traversant les zones les moins peuplées et autant que possible les plus riches en matières premières. Le Grand Sud algérien se trouve en plein dans ce parcours et répond parfaitement à ces deux conditions. Ne doit-on pas établir une relation entre ce projet et ce qui se passe depuis 30 ans dans les pays du Sahel ? La Somalie, l'Erythrée, le Soudan, le Tchad, la Libye, le Mali et… l'Algérie. Par ailleurs, à quelle stratégie interne des groupes terroristes correspond le redéploiement de l'insécurité au nord du pays vers le Sud algérien ? De toute évidence, il y a une véritable convergence entre, d'une part, l'évolution de l'environnement international et les convoitises du nouvel ordre mondial et, d'autre part, l'évolution de l'environnement national. Ce point de convergence consiste en l'effritement de l'Algérie et de la nation algérienne. Le hasard n'y est pour rien ; cela procède d'une planification rigoureuse avec des réévaluations successives qui tiennent compte des nouveaux contextes. Pourquoi spécialement l'Algérie ? Parce que : – L'Algérie est le plus grand territoire d'Afrique, d'Europe, du Moyen-Orient jusqu'aux confins de la chaîne himalayenne. – L'Algérie possède l'essentiel des ressources nécessaires pour son développement : l'énergie, les matières premières et d'immenses espaces pour le développement de l'agriculture pouvant lui redonner le statut et la position de leader mondial en la matière. – Mais surtout, l'Algérie est assise sur des ressources minières immenses dont les Algériens sont peut être les seuls à ignorer le potentiel et la valeur et qui sont susceptibles de conférer à notre pays une position de puissance et une situation de prospérité de premier rang dans quelques décennies. Comme pour les hydrocarbures au XXe siècle, dans une trentaine d'années et peut-être même avant, ce sera l'accès à ces ressources qui fera la différence entre les pays riches, puissants et prospères et les pays pauvres, sous-développés et faibles. Par ailleurs : – C'est le peuple algérien qui, au prix d'un énorme sacrifice, a mis fin à l'ordre colonial au milieu du siècle dernier ; il y a deux générations, il a donné une leçon au monde, qui lui vaut aujourd'hui encore, l'animosité des «empires» dont des responsables ont toujours veillé à ce que notre pays garde «un genou à terre». Situation interne Aujourd'hui, notre histoire s'accélère, toutes nos frontières terrestres sont en état d'alerte. Le pays est encerclé par les conflits qui menacent de le contaminer et le livrer à la haine et au chaos. Mais le front intérieur n'est pas en meilleure situation. En effet, les populations sont en ébullition face à la déliquescence de l'Etat, la dilapidation éhontée de nos ressources, l'incapacité des gouvernants à trouver le chemin d'un développement digne de ce nom. Et le vide politique actuel, caractéristique d'un non-Etat, plonge le pays dans l'incertitude la plus totale. Le bilan du pouvoir en place est édifiant. Des centaines de milliards de dollars ont été dilapidés pour affaiblir davantage notre pays au moment où il a le plus besoin d'être fort pour faire face à l'adversité et au moment où il a entre les mains la possibilité d'engager un processus de développement ambitieux et d'échapper définitivement à l'économie de la rente. En effet, notre économie est plus que jamais dépendante de la rente pétrolière, qui ne profite finalement qu'au système politico-maffieux qui a prospéré et dont les ramifications vont bien au-delà de nos frontières. Ce système se nourrit du désordre social et de la corruption généralisée qu'il a lui-même organisée pour régner sans partage et de manière durable sur le pays, au détriment du peuple.Nous importons l'essentiel de nos denrées alimentaires, alors que nous avons un immense potentiel agricole. De puissance agricole depuis l'Antiquité, nous sommes devenus les premiers importateurs de produits alimentaires du monde au prorata du nombre d'habitants. Et ce commerce est livré aux spéculateurs de tous bords, qui étouffent le consommateur et ceux qui travaillent la terre. Le pouvoir d'achat est laminé. La plupart des familles éprouvent les plus grandes difficultés pour se loger, se soigner, nourrir leurs enfants, les habiller, acheter leurs fournitures scolaires. Mais, compte tenu des tendances d'évolution, ce qui nous attend est encore pire que ce que nous vivons : un chômage massif, la précarité, la misère et la pauvreté pour les uns, pendant que les autres iront rejoindre leurs comptes bancaires garnis à l'étranger avec l'argent du Trésor public. Notre système d'éducation est sinistré. Jamais notre système de santé n'a été aussi défaillant que ces dernières années. La justice a été ligotée, c'est désormais l'impunité qui règne pour les corrompus et l'injustice de l'arbitraire bureaucratique, administratif et judiciaire pour les simples citoyens. Les libertés fondamentales, individuelles et collectives, des citoyens sont bafouées, au moment où le pays est plongé dans le désordre. Ce système fondamentalement inégalitaire a torpillé ce qui restait de la cohésion de notre peuple et poussé notre jeunesse désemparée au désespoir. Il met gravement en péril le devenir même de notre nation, parce qu'il a creusé un immense fossé entre le pouvoir et le peuple, parce qu'il a entretenu la division et la haine, la haine de l'autre et même la haine du pays. Le résultat de la déstructuration entamée depuis 2000 est là et le pays est sur la pente qui lui vaudra, si rien n'est entrepris, la perte de sa souveraineté et son morcellement. Quand on observe ce qui se passe et comment cela se passe, il y a lieu d'affirmer que, contrairement à ce qu'avait dit le général Giap en 1976 à Alger, ce n'est pas l'impérialisme qui est un mauvais élève, mais c'est le «colonisable» qui l'est en confiant son destin à des gouvernants beaucoup plus soucieux de leur pérennité et de leur bien- être que de celui de leur peuple… Comme en 1830. La solution : la citoyenneté «En prenant du recul, je me rends compte qu'en 1962, nous avons acquis la nationalité mais pas la citoyenneté» (M'hamed Yazid). A la stratégie du choc la réponse est une thérapie de choc. Mais il ne faut pas que cette thérapie nous vienne de l'extérieur, c'est à dire du nouvel ordre mondial triomphant et prêt à faire main basse sur nos richesses comme un butin de guerre. Cette thérapie de choc doit émaner de l'énergie de notre peuple et de ses élites, c'est vers lui qu'il faut se tourner pour construire un autre avenir, une 2e République et permettre aux forces patriotiques qui existent partout, même à l'intérieur du système, ce sursaut salvateur. Notre peuple a toujours payé le prix le plus fort, c'est vers lui qu'il faut se retourner pour qu'il trouve les ressorts lui permettant de vaincre sa division, son fatalisme et de se remettre à espérer d'une Algérie forte et prospère. Qu'il reprenne l'état d'esprit qui était le sien en 1962 pour relever le défi du droit au développement, Qu'il reprenne, s'il le faut, l'état d'esprit qu'il avait en 1954 pour relever le défi du droit à l'existence, droit largement compromis 52 années plus tard. La solution est la citoyenneté parce que le peuple est extrêmement divisé et a perdu toutes ses valeurs. «La citoyenneté est le système idoine qui permet de faire barrage aux excès des idéologies et d'éviter les conflits politiques, parce qu'elle est basée sur ce qui rassemble le peuple. Elle s'érige sur la base d'un dénominateur commun défini dans un pacte national de citoyenneté qui fixe les grands principes de l'identité commune et les valeurs pérennes de la nation, lequel constitue le 1er acte fondateur de la 2e République» (Manifeste du 19 mars 2012). «La citoyenneté traduit la relation sociale entre l'individu et l'Etat, elle évolue dans l'univers des droits et devoirs. Elle constitue le fondement de base de la sécurité des individus et de la nation. La citoyenneté cristallise ainsi l'unité nationale par le rejet de tout ce qui divise le peuple, instaure la tolérance et la fraternité et annihile toute forme de racisme religieux, doctrinaire ou ethnique» (Appel de Ouargla, janvier 2014). Nombreux sont ceux qui pensent que la citoyenneté est d'essence occidentale, donc empruntée. Les précisions ci-après sont nécessaires pour replacer le contexte : – Il est vrai que les premières références sur la citoyenneté remontent à l'empire grec, avec une organisation politique et sociale basée sur ce qui s'appelait déjà la citoyenneté. Mais à Athènes, sur une population de l'ordre de 300 000 habitants, 25 000 à 30 000 seulement avaient alors le statut de citoyen, soit moins de 10%, le reste étant des serviteurs ou des esclaves. – Le repère important pour notre projet est constitué par le premier gouvernement musulman de Médine, mis en place par le Prophète Lui-même et organisé par un pacte qui permet à tous les citoyens de Médine, quelles que soient leur religion et leurs convictions, de participer activement à la vie de la cité. Ce pacte est considéré comme le premier de la citoyenneté de l'histoire de l'humanité. – Le second repère est national et est constitué par l'organisation de la société au Maghreb central, c'est-à-dire essentiellement l'Algérie. Pendant des siècles et jusqu'à un passé très récent, l'organisation traditionnelle à travers les associations locales dirigées par des représentants choisis parmi ceux qui avaient le plus de savoir, de charisme ou de sagesse. Cette organisation s'apparente plus à la citoyenneté moderne, avec une parfaite égalité en termes de droits et de devoirs, qu'aux organisations féodales de l'époque ou celles qui ont suivi. Les sociologues coloniaux le savent bien, eux qui, dès le début de l'occupation, ont décodé et emprunté une multitude de nos mécanismes pour les appliquer chez eux. Même Karl Marx est venu chez nous pour s'inspirer de notre organisation sociale. – La citoyenneté moderne fait appel à l'organisation associative locale, qui est en parfaite harmonie avec notre organisation traditionnelle et notre civilisation dans toutes ses dimensions, y compris la dimension spirituelle. Elle s'inscrit dans le prolongement des traditions algériennes du vivre-ensemble, avec la nécessité absolue d'introduire les éléments que le XXIe siècle impose pour construire un Etat fort, capable d'assurer la sécurité des citoyens et de faire face aux enjeux internationaux, mais avec un pouvoir légitime, d'autant plus fort et crédible qu'il est l'émanation de la souveraineté du peuple, un système judiciaire indépendant du pouvoir, une opposition crédible, présente, ayant un rôle important à jouer pour l'équilibre de la gouvernance et qui constitue une force prête pour l'exercice de l'alternance, une presse écoutée et prise en compte comme un véritable miroir de la gouvernance, un système de veille et de contrôle rigoureux et fiable et enfin une société civile participative. Un tel Etat ne peut présenter de brèches à la médiocrité, au mensonge et à la cupidité, ni laisser le pays en proie aux convoitises. S'agissant d'un programme de rupture et de changement radical, un période de transition est nécessaire. Les contours, les objectifs, les définitions et les axes d'efforts de cette transition feront l'objet d'une autre contribution.