Les accidents de la circulation constituent, aujourd'hui, un problème de santé publique majeur. Toutes les institutions nationales s'attèlent depuis des années à mettre en place durablement des systèmes de prévention efficaces. D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), on estime que 1,2 million de personnes sont tuées et pas moins de 50 millions blessées chaque année dans le monde dans des accidents de la route. Selon les projections, ces chiffres augmenteront d'environ 65 % au cours des 20 prochaines années s'il n'y a pas un nouvel engagement en faveur de la prévention. Le rapport mondial sur la prévention des traumatismes dus aux accidents de la circulation est le premier grand rapport publié conjointement par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Banque mondiale sur ce sujet, à l'occasion de la journée mondiale de la santé, le 7 avril 2004. Il souligne leur préoccupation face à la gravité du préjudice que le manque de sécurité des systèmes de circulation routière entraîne pour la santé publique et le développement à l'échelle mondiale. Il conclut aussi que le niveau des accidents de la circulation est inacceptable et que ceux-ci seraient en grande partie évitables. Lors du dernier séminaire organisé par le ministère des Transports sur la prévention routière, les projections montrent que d'ici 2010 les chiffres augmenteront en Algérie avec 55 000 accidents corporels, 5500 tués et 81 000 blessés. Ce qui pourrait être une véritable hécatombe si des mesures urgentes ne sont pas réellement mises en œuvre. Il est important de rappeler que les accidents de la circulation engendrent annuellement 3500 handicapés à vie, soit 30% du nombre total des blessés, selon le ministère de Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Plus de 118 accidents se produisent quotidiennement sur les routes algériennes faisant 12 morts et 175 blessés dont 10 deviennent des handicapés moteurs à 100%. Ce constat amer est devenu un fait quotidien et de nombreuses victimes n'échappent pas aux graves traumatismes et à l'hospitalisation. Dans ce contexte, le coordinateur des activités paramédicales à l'hôpital de Ben Aknoun, Fatah Belkadi, a déclaré, le mois décembre dernier à l'APS, que « parmi 3342 cas de fractures reçus par le service des urgences de l'hôpital au cours de novembre 2004, 1500 cas sont dus à des accidents de la circulation ». M. Belkadi a ajouté que les blessés reçus au niveau de l'hôpital souffrent de « fractures au niveau de plusieurs organes du corps, de sections de la moelle épinière ou de fractures vertébrales qui engendrent une paralysie totale ou partielle », outre « les traumatismes cérébraux ». Handicapés à vie Sur six personnes reçues quotidiennement par l'hôpital suite à des accidents de la circulation « deux subissent un handicap total et une troisième souffre d'un traumatisme cérébral », explique le même responsable. La gravité des blessures nécessite généralement une hospitalisation d'une vingtaine de jours, soit pour recevoir des soins ou pour subir une intervention chirurgicale. L'implantation d'une broche au niveau de la colonne vertébrale coûte entre 5 et 12 millions de centimes. « Le coût de la broche utilisée pour fixer un os fracturé est de 7000 à 10 000 DA », ajoute la même source. Dans le cas d'une fracture du fémur, la plaque de 12 trous utilisée coûte entre 70 000 et 100 000 DA alors que celle à 12 vis coûte entre 4000 et 5000 DA. Selon un spécialiste du même hôpital, le séjour, l'acte chirurgical et les soins reviennent approximativement à 100 000 DA par malade. La prise en charge des victimes des accidents de la circulation coûte à l'Etat « des dépenses colossales estimées annuellement à 65 milliards de dinars, soit 1,5 à 2 % du PNB », signale M. Belkadi. Par ailleurs, les victimes des accidents de la route ne souffrent pas seulement de douleurs physiques, mais aussi « du sentiment de frustration et de désespoir dû généralement au refus des blessés d'accepter leur handicap qui change souvent le cours de leur vie », a déploré M. Belkadi. Ces cas nécessitent, selon le même responsable, l'intervention des psychologues. Pour le sous-directeur chargé de la communication sociale au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Djamel Oulmane, le taux de cas de décès dus aux accidents de la route en Algérie est supérieur à celui des maladies telles que le sida qui a coûté la vie au tiers des personnes atteintes de cette maladie au cours des vingt dernières années. « La réduction du taux des accidents de la route est de nature à permettre de consacrer les moyens matériels et humains, déployés en faveur des victimes des accidents de la route, à la prise en charge d'autres maladies. Si on arrivait à réduire le nombre de blessés de 50%, on pourrait sauver de nombreuses personnes souffrant de maladies chroniques », a ajouté M. Oulmane, indiquant que « la route n'est pas la principale cause des accidents, il y a l'inconscience des automobilistes et des piétons. » A noter que selon le Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR), 21 % des morts sont des enfants de moins de 14 ans et 29% des jeunes âgés entre 15 et 30 ans. Entre 1970 et 2003, selon la même source, on a enregistré 1 279 56 accidents qui ont fait 110 685 morts et 1 186 448 blessés. C'est pourquoi le CNPSR a initié des campagnes de sensibilisation à travers les médias audiovisuels et la presse écrite pour mettre l'accent sur l'importance de l'utilisation de la ceinture de sécurité et le respect du code de la route. Le centre prête également assistance aux différentes parties concernées par les handicapés en vue d'améliorer leur prise en charge à travers « la garantie d'un environnement favorable susceptible de faciliter leur insertion dans les différents centres en charge de cette frange de la société en matière de soins, de scolarisation et de formation professionnelle ». Sécurité routière La nécessité de renforcer le dispositif de la sécurité routière à travers sa dotation en équipements nécessaires en vue de prodiguer les soins au moment opportun, l'amélioration des prestations médicales et de secours au niveau des services d'urgences pour une bonne prise en charge des blessés a été recommandée. Pour leur part, les services de la Gendarmerie nationale chargés du contrôle de 80% du réseau routier national, soit 104 670 km, accordent un intérêt particulier à ce problème à travers l'élaboration de plans de développement visant à renforcer leurs unités et les doter en équipements de sécurité modernes, à l'effet de réduire les accidents routiers. Les parties chargées de la sécurité routière ont convenu, dans ce contexte, de la nécessité de mener des campagnes de sensibilisation sur les dangers de la route. A cet effet, des mesures urgentes s'imposent afin de réduire ces dangers telle l'introduction d'une matière spéciale sur la sécurité routière dans les programmes scolaires pour sensibiliser les enfants aux dangers de la route ainsi que des mesures répressives à l'encontre des contrevenants entrées en vigueur le 1er mars dernier.