Cette rencontre, organisée à l'occasion du 58e anniversaire de la disparition de ce chahid et de ses compagnons, par la direction du Musée régional du moudjahid et la famille du martyr, a permis de jeter un faisceau de lumière sur le lieutenant Si El Hakim lui-même et sur plusieurs de ses compagnons d'armes, tombés au champ d'honneur durant la guerre de Libération nationale, tels que l'aspirant Iratni Mohamed (infirmier), Farès Ferhat, Hamoudi Tahar, Lazri Mohamed, Hadjel Mohand-Ouamar… tous originaires de la région de Larbaâ Nath Irathen, mais longtemps oubliés pour des raisons diverses. Cette lumière a été apportée par des témoignages de nombreux moudjahidine recueillis dans un film documentaire réalisé par la direction du musée en collaboration avec les organisations des moudjahidine et des enfants de chouhada (ONM, Onec) et la famille du glorieux martyr. Avant la projection du documentaire, le nouveau directeur du musée, Chabane Hamcha, a exprimé sa joie quant à la présence d'un si nombreux public, composé de moudjahidine et moudjahidate, de filles, de veuves et de fils de chouhada, du président de l'Association de wilaya des grands invalides de guerre, des fils des colonels Amirouche Aït Hamouda, Ali Mellah, et du commandant Ali Bennour, de l'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Aziz Derouaz, de l'écrivain et ancien maquisard, Hadj Mekacher Salah…. Dans le documentaire, plusieurs témoins moudjahidine et moudjahidate, tels que Lechani Tassadit, Larkach Akli, Osmani Belkacem, Lounis Mohamed, Guezout Louiza… ont apporté un éclairage sur le parcours de ce nationaliste qui a adhéré au PPA dès 1940, alors qu'il était employé à l'hôpital d'El Kettar (Alger), avant d'intégrer la rédaction d'Alger Républicain pour y exercer comme correspondant dans la capitale. En 1947, Hadni Saïd deviendra membre de l'OS (Organisation spéciale), branche paramilitaire lancée par le PPA/MTLD en février de la même année. Il reviendra alors dans sa région natale pour mener avec l'une des figures de proue du nationalisme algérien, Amar Aït Cheikh, une campagne de recrutement de militants pour le Mouvement national. Il s'opposera violemment en octobre 1947 à l'interdiction par l'administration coloniale aux militants du PPA/MTLD (légal), d'assister à la surveillance des élections auxquelles son parti participait à Larbaâ Nath Irathen (Fort national), puis d'accéder au bureau de vote. Saïd Hadni, âgé alors de 30 ans, déclenchera une bagarre et sera arrêté et emprisonné pendant une semaine. L'année suivante (avril 1948), lors des élections à l'Assemblée algérienne, toujours dans sa région natale et pour les mêmes raisons, il s'adonnera à la destruction des urnes dans le bureau de vote, avant d'être arrêté et emprisonné pendant huit mois. Au lendemain de la scission du PPA-MTLD, avec notamment la crise berbériste (1949), Hadni Saïd émigre en France où il y resta jusqu'au déclenchement de la lutte armée du 1er Novembre 1954. Il revient alors dans sa patrie natale pour retrouver ses amis et sera vite remarqué par notamment Mohamedi Saïd, dit Si Nacer, une de ses connaissances en raison des relations familiales qu'avait le futur colonel de l'ALN, originaire du village Aït Frah, dans celui de Hadni Saïd, Boudjellil, commune d'Irdjen. Ayant la confiance de la majorité de la population de la région de l'ex-Fort National, avec sa façon de régler dans la droiture tous les problèmes litigieux entre les villageois, d'où son surnom de Si El Hakim, Hadni Saïd sera vite remarqué non seulement par Abane Ramdane et Ahcène Mahiouz, qu'il connaissait déjà, mais aussi par Krim Belkacem. Il deviendra commissaire politique et sera chargé particulièrement de la collecte des cotisations auprès des commerçants. Il fera également partie de l'escorte de Abane Ramdane en partance vers Ifri Ouzelaguene, à la veille du Congrès de la Soummam. Pendant le ratissage et la bataille d'Agouni Ouzidoud (Ath Jennad), qui avait duré plusieurs jours, engagés par l'armée coloniale après s'être rendue compte de sa méprise concernant la supercherie de l'opération «Oiseau Bleu» (ou Force K) dont elle a été roulée, le lieutenant Hadni Saïd sera instruit par ses chefs, dont Mohamedi Saïd, de multiplier les harcèlements contre des camps militaires français par des accrochages dans la Zone III (Ath Irathen) pour diminuer la pression de l'arsenal militaire engagé en Kabylie maritime (Tigzirt, Iflissen, Mizrana, Azeffoun, Ath Jennad, Tamgout…) contre des centaines de moudjahidine de «l'Oiseau bleu», opération conduite, sur ordre de Krim Belkacem, par Ahmed Zaïdat, dit Hand Ouzaïd et Saïd Mahlal d'Azazga, Makhlouf Mohamed d'Aït Ouaneche… Si Smaïl Ouguemoun, Mohand Ouramdane Hachour, Si M'hand Iakouren et surtout Hadj Salah Mekacher, tous anciens maquisards et responsables dans la Wilaya III historique, apporteront leur riche témoignage sur le lieutenant Si El Hakim. Visiblement fatigué, l'ancien secrétaire du PC de la Wilaya III et auteur de Fureurs dans les djebels, finit par consentir aux sollicitations des organisateurs à apporter son témoignage. Il apprendra ainsi à l'assistance que «la literie et les couvertures nécessaires pour les congressistes de la Soummam, à la veille du 20 Août 1956, ainsi que beaucoup d'argent, une somme estimée à un million de francs de l'époque, montant qui dépasserait, je pense, aujourd'hui les 10 milliards de centimes collectés chez Hadjal Mohand-Ouamar, l'ami intime de Hadni Saïd, étaient partis de Boudjellil, acheminés par les soins du lieutenant Si El Hakim», précisera, très ému, Hadj Salah Mekacher. Aziz Derouaz, l'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports et ancien handballeur, tout en remerciant ceux qui l'ont invité, appellera l'assistance à ne pas oublier nos valeureux libérateurs : «Que chacun de nous fasse ce qu'il peut pour le salut de cette patrie. Pendant que j'étais ministre, j'avais fait tout ce que je pouvais pour mon pays. Il faut faire aimer notre patrie à nos enfants, et dans ce contexte je n'ai pas hésité à venir avec mon fils pour l'imprégner des valeurs morales de nos aînés.» Né en 1917, mais porté à l'état civil en 1919, Saïd Hadni est tombé, les armes à la main, avec plusieurs de ses compagnons d'armes, dont l'aspirant infirmier Iratni Mohamed, le 2 février 1957, près du village Arous, dans l'actuelle commune d'Aït Oumalou, dans une embuscade tendue par l'armée coloniale.