Au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, l'égalité des droits et la condition des femmes étaient reléguées à l'arrière-plan, eu égard à la question prioritaire de la construction nationale. Aujourd'hui, la violence faite aux femmes est considérée, par des réactionnaires estampillés élus (es) du peuple et siégeant à la plus haute assemblée nationale, comme accessoire au regard d'autres sujets et problématiques jugés autrement plus importants. Quand un responsable de parti politique, en l'occurrence Abdelmadjid Menasra, président du Front du changement (pour ne citer que lui), considère que «la violence contre les femmes nous éloigne des vrais débats» (El Watan Week-end du vendredi 6 mars 2015), que dit-il d'autre, sinon que la violence subie par les femmes n'est pas digne de retenir l'attention des politiques, voire que c'est de la diversion aux véritables enjeux sociétaux ? Le même responsable politique ne disait-il pas il y a quelques mois : «Je refuse toute égalité entre l'homme et la femme au sein de la famille. C'est un principe sur lequel nous serons intransigeants. Car la famille n'a rien à voir avec la politique du pays.» La notion de violences faites aux femmes est désormais consacrée par le code pénal. N'en déplaise aux islamistes. En faisant voter la loi criminalisant les violences faites aux femmes – malgré ses limites –, l'Etat est tout simplement dans son rôle de protection des citoyens. Il aura fallu, malgré tout, de longues années d'efforts et de mobilisation des militants des droits de l'homme pour que le projet de loi aboutisse. Selon une enquête de l'ONS (2011), 44,4% des salariés de sexe féminin avaient un niveau universitaire, contre 10,70% seulement pour les salariés masculins. Pourtant, les femmes n'accèdent que très difficilement, voire rarement à une évolution de carrière normale, à des postes-clés ou à responsabilité. N'est-ce pas là une autre forme de violence ? Le code de la famille n'est-il pas, lui aussi, une autre violence contre les femmes qui en conditionne tant d'autres. A quand son abolition définitive ? Les députés qui ont dénoncé un texte qui «menacerait la famille» sont dans la lignée de ceux qui, il y a trente ans, voyaient dans l'égalité des droits, quasiment mot pour mot, une «atteinte à la cohésion familiale et à la société algérienne». Les termes du débat au moment de l'adoption du code de la famille, en juin 1984, et celui de la toute récente loi sur les violences contre les femmes n'ont pas changé. A une différence d'importance près : hier, les opposants nommés «conservateurs» et «rétrogrades» n'avaient pas de visibilité publique officielle ; aujourd'hui ils dirigent des partis politiques. L'intégrisme a pignon sur rue, il est légal. Dans les années 1980, les jeunes filles qui portaient des jupes courtes étaient agressées à l'acide sur les jambes et le visage ; dans les années 1990, elles étaient assassinées parce que non voilées, aujourd'hui encore, les agressions qu'elles subissent sont mises sur le compte de leur dévoilement qualifié d'«impudique», de «provocateur» et d'«incitateur» à la convoitise masculine. L'habit fait-il la respectabilité de la femme ? Le hidjab prémunit-il les femmes contre les agressions sexuelles ? Certes, si les Algériennes continuent à se battre pour leur dignité d'être humain et pour le respect de leur intégrité physique, elles n'oublient pas que d'autres femmes à travers le monde sont victimes de ce fléau et en partagent le combat. D'autres femmes encore sont exposées à de multiples formes de violences liées aux conflits armés : enlèvements, viols, esclavage sexuel. Leur solidarité leur est toute acquise.