Mais, il est clair que ces accidents entraînent des pertes économiques considérables pour ceux qui en sont victimes, leur famille, et l'économie nationale dans son ensemble. Et pour cause, en plus des traitements coûteux et des enquêtes, il y a également une perte de productivité et aussi de revenus pour les victimes et leurs familles. Une situation aggravée par la non-souscription à l'assurance vie en Algérie puisque l'engouement des Algériens pour ce produit d'assurance reste faible. Il y a, en parallèle, les indemnisations supportées par les assureurs. A combien se chiffrent toutes ces pertes ? Un représentant de la sûreté urbaine relevant de la direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a avancé, en 2014, un coût allant jusqu'à 100 milliards de dinars annuellement, sans donner de détails. De son côté, le Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR) qui dresse annuellement les bilans de ces accidents en analysant les causes n'aborde pas toutefois les conséquences économiques d'un tel phénomène en raison de la difficulté d'amasser les données. Souvent, ces informations sont noyées parmi tant d'autres. Par exemple, la prise en charge des blessés, notamment ceux nécessitant un long processus de soins (opérations, rééducation, transfert à l'étranger…), les soins ne sont pas évalués, selon un expert contacté à cet effet. «Les blessés des accidents de la route sont intégrés parmi les hospitalisés. Leur prise en charge n'est pas évaluée de manière spécifique», nous dira-t-il. Ce que nous précisera par ailleurs Lamri Larbi, économiste de la santé. Tout en rappelant que l'accident de la route n'est pas un risque social et n'est pas couvert en tant que tel par la sécurité, il notera que la prise en charge médicale intervient de façon indirecte. «Les moyens dépassés par l'ampleur des sinistres» Une question qui commence à être étudiée du côté des économistes de la santé. «Ce n'est que récemment que les économistes algériens de la santé commencent à s'intéresser aux coûts économiques des accidents de la circulation», notera encore M. Lamri, pour qui les moyens financiers mis en place par l'Etat (infrastructures routières, infrastructures hospitalières, appareillages des handicapés…) sont insuffisants. Idem pour les structures hospitalières. Et pour cause, les moyens existants sont dépassés par l'ampleur des accidents dont le nombre augmente beaucoup plus vite que les moyens de la prise en charge des victimes. C'est le cas pour les victimes handicapées à vie. Dans ce cas, l'invalidité, les handicaps et les soins sont pris en charge par les caisses de l'assurance sociale pour les assurés sociaux et leurs ayants droit, selon M. Lamri qui ajoutera : «Pour les non assurés sociaux, ces dépenses viennent réduire leurs revenus et pour les ménages économiquement faibles et vulnérables elles affaiblissent leur épargne qui aurait pu servir à améliorer leur niveau de vie.» Comme conséquences, ces dépenses peuvent même générer un endettement qui peut maintenir ces familles dans la précarité. Pour cela, il n'est pas exclu, selon notre interlocuteur, que certains accidents provoquent l'appauvrissement de nombreux ménages dont le seul revenu peut disparaître lorsque il y a décès du chef de famille salarié ou que son handicap à vie ne lui permettant pas de générer des revenus pour subvenir aux besoins, même élémentaires, de sa famille comme la nourriture, l'habillement ou le logis. Préjudice économique difficile à quantifier Au final, combien coûtent réellement ces accidents ? Combien coûte la prise en charge sanitaire des accidentés ? Comment intervient l'assurance sociale ? Combien payent les assureurs ? Quel impact financier sur les familles des victimes ? Autant de questions qui restent sans réponses… Car ils sont nombreux les acteurs à intervenir dans la prise en charge des accidentés, allant des services de sécurité (pour les enquêtes sur le terrain) au ministère de la Santé (pour les soins), passant par les ministères des Transports, des Finances et enfin celui du Travail et la Sécurité sociale. Tout le monde s'accorde à dire d'ailleurs qu'un sinistre automobile n'est pas indemnisé à travers la seule assurance auto. Souvent l'Etat intervient pour prendre en charge les sinistrés. Dans de nombreux cas, les victimes font appel à la justice pour arracher leurs indemnisations. Cela pour dire que toute une chaîne intervient à des degrés différents pour faire face aux drames de la circulation, dont les préjudices économiques sont importants de l'avis des experts, mais difficiles à évaluer faute d'échanges entre ces secteurs. Et ce, d'autant que très peu d'études ont été menées dans ce cadre. La dernière en date remonte à 1999. Elle avait été conduite dans quatre wilayas sur un échantillon de 500 accidents, puis extrapolée sur le territoire national. Mais en seize ans, beaucoup de choses ont changé. Le parc automobile s'est considérablement renforcé. Idem pour le réseau routier et pour le nombre d'accidents. Ce dernier a connu une évolution exponentielle. Entre-temps, le nombre de morts sur les routes a fortement augmenté pour atteindre près de 4000 en 2014, pour plus de 24 000 accidents. Même à l'échelle mondiale, il existe peu d'estimations du coût des accidents de la route, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui précise qu'en 2000, ce coût s'élevait à 518 milliards de dollars environ. L'OMS rappelle par ailleurs que les accidents de la circulation coûteraient aux pays de 1% à 3% de leur Produit national brut. Dans le cas de l'Algérie, «il n'existe pas d'études exhaustives du coût des accidents de la circulation. Si on situe l'Algérie dans la moyenne de 2% et en fonction de son PIB pour les années 2011, 2012 et 2013, on peut estimer ce coût pour notre pays respectivement de 290, 322 et 331 milliards de DA», précisera M. Lamri qui poursuivra : «Ces montants exorbitants intègrent tous les coûts liés aux indemnisations des dommages corporels des victimes, des pensions d'invalidité, des prises en charge médicales et des journées de travail perdues. S'ils étaient évités, ces montants pourraient être investis dans des secteurs économiques et culturels pour le développement socio-économique du pays.»