Sans l'ombre d'un doute, H. Nourredine, 42 ans, jouit d'un pouvoir de séduction, qui attire les femmes esseulées, d'un certain âge notamment, comme l'aimant attire les épingles. Vraisemblablement, il aurait décidé un jour d'utiliser ce don à des fins perverses, et la drague est devenue ainsi, pour lui, un jeu dont il se délecte. Bien bâti, d'une taille au dessus de la moyenne, ce quadragénaire, vêtu avec recherche, donne l'impression de n'être nullement impressionné par l'austérité de la salle d'audience du tribunal criminel. Il comparaissait la veille de cette nouvelle année 2010 sous les principaux chefs d'accusation d'enlèvement, viol et vol. Les résultats de l'enquête de police indiquent que ses antécédents judiciaires font état d'affaires similaires. Condamné dans une autre affaire de viol, par ce même tribunal autrement constitué, il n'a été libéré qu'en 2006. Selon l'arrêt de renvoi, en mars 2008, il a attiré une femme, I. F. Zohra, âgée de 45 ans, dans un endroit boisé près du bourg d'El Hassi, à la sortie ouest de la ville d'Oran où il l'a sodomisée, (les résultats de l'expertise médicale ont confirmé l'acte bestial) avant de la dépouiller de ses biens. Janvier 2009, il récidive en abordant une quinquagénaire, K. Badéaâ, une ex-sage-femme, à la sortie du siège du centre de paiement de la caisse de retraite, sis au quartier Maraval, à Oran. Il lui fait la cour et parvient à la convaincre de le suivre jusqu'à un lieu isolé situé sur le territoire de la commune d'Es Sénia où il lui fait subir le même sort. Considéré comme un dangereux Casanova par les enquêteurs de la police, H. Nourredine aurait à son actif un nombre indéterminé de victimes. Pour des raisons que l'on devine aisément, elles ont refusé de porter plainte. Seule K. Badéaâ a brisé les tabous en se présentant devant les membres du tribunal criminel, drapée dans une djellaba ample aux couleurs chatoyantes et la tête recouverte d'un foulard, laissant apparaître sa chevelure d'une coloration de vieil acajou. « Il a souillé mon honneur monsieur le juge », glapit-elle en refoulant ses larmes. « Je reconnais le vol mais pas le viol », ergote l'accusé d'un air canaille avant d'ironiser, sans sourciller : « D'abord, ce n'est pas mon genre ! » La quinquagénaire manifeste ostentatoirement sa désapprobation, tout en s'escrimant nerveusement avec les sangles de son sac à main. Quelque peu décontenancé, le président du tribunal invite la victime à regagner sa place, dans l'intention manifeste de calmer les esprits. « Si cela s'avère nécessaire, on vous sollicitera tout à l'heure madame », lui fait remarquer le magistrat. Le représentant du ministère public a mis en évidence le traumatisme causé aux victimes avant de requérir 20 ans de réclusion criminelle à son l'encontre de l'accusé. Son défenseur a axé sa plaidoirie sur la concupiscence de son mandant en insistant sur le fait qu' « il souffrait d'une maladie probablement héréditaire et ne pouvait être condamné pour cela », avant de demander aux jurés de prendre en considération sa requête relative au bénéfice des circonstances atténuantes. Au terme des délibérations, le tribunal a accordé la demande de l'avocat de la défense et a condamné l'accusé à une peine de huit ans de réclusion. A l'annonce du verdict, K. Badéaâ s'est évanouie devant le regard inexpressif de H. Nourredine, qui semblait vivre dans un brouillard d'hébétude.