Quand on parle de Sonatrach, on pense indubitablement à Chakib Khelil. Le ministre de l'Energie et des Mines a en effet réussi au fil des années à s'ériger en un véritable manager de cette entreprise, la plus grande du pays et la plus importante en Afrique. De l'avis de ceux qui suivent le secteur, rien ne se fait sans que le ministre ne soit mis au courant. Certains iront jusqu'à dire que c'est lui qui décide de tout. Vrai ou faux ? Difficile de parier. Mais dans les deux cas de figure, la responsabilité du ministre est engagée, car statutairement la société nationale Sonatrach dépend de son département ministériel. Il est donc censé veiller sur sa gestion pour éviter une « banqueroute », synonyme de faillite de l'économie nationale. Aujourd'hui qu'un grand scandale éclabousse les premiers responsables de cette société, nombre d'observateurs s'interrogent sur le « rôle et le poids » du ministre de l'Energie et des Mines dans les « orientations » et les « décisions » de cette entreprise. Mohamed Meziane, PDG du groupe auquel M. Khelil a toujours fait de l'ombre, se trouve aujourd'hui au centre d'une affaire de malversations impliquant neuf autres cadres de l'entreprise. M Meziane et les autres membres du conseil d'administration sont-ils les seuls maîtres à bord de cette entreprise qui représente 98% des exportations du pays ? Une entreprise qui fait nourrir les Algériens. Car, sans Sonatrach, l'économie algérienne pèserait moins d'un milliard de dollars. Et sans Sonatrach, l'Algérie ressemblerait à Haïti, un des pays sans ressources figurant parmi les plus pauvres sur Terre qui vient d'être dévasté par un fort séisme. Depuis l'indépendance et particulièrement depuis la nationalisation des hydrocarbures, Sonatrach, érigée en un gigantesque groupe, bénéficie d'une intention particulière de la part des dirigeants du pays, à tous les niveaux. Outre le PDG et son conseil d'administration, Sonatrach est strictement surveillée et suivie par le ministère de l'Energie et des Mines. Voire même par le gouvernement et la Présidence. Elle était pourtant sous haute surveillance Si dans les années 1990, sa valeur a considérablement baissé avec la chute vertigineuse des prix de l'or noir, au début du XXIe siècle, le groupe retrouve sa place prestigieuse au sein de l'économie nationale. Avec un baril de pétrole qui a frôlé les 150 dollars et un gaz convoité par des puissances occidentales, Sonatrach est au centre de l'intérêt national mais surtout des grandes multinationales qui cherchent à entrer dans son capital ou à mieux partager les ressources pétrolières du pays. Depuis son arrivée en 1999, Chakib Khelil a tenté de revoir le statut de ce groupe en essayant de récupérer certaines de ses « missions » comme l'octroi des marchés. Sans vraiment y parvenir. La nomination de Djamel Eddine Khène en mai 2003 a constitué un tournant dans la vie du groupe. Frappé par une maladie, M. Khène n'a pas pu pendant des mois assurer sa fonction. Etant le premier responsable du secteur, M. Khelil s'est de fait retrouvé comme le principal gestionnaire du groupe. Des sources proches de l'entreprise affirmaient que « rien ne se faisait à cette époque-là sans l'aval du ministre ». Ce qui n'est pas étonnant, vu le statut stratégique du groupe qui gère les principales richesses du pays. La mort de Djamel Eddine Khène en juillet 2003 des suites d'une longue maladie a vu Mohamed Meziane alors directeur général des hydrocarbures au ministère propulser au poste de PDG de Sonatrach. L'homme a été présenté comme proche de M. Khelil. Il a grandement bénéficié de son soutien. « Cette nomination arrive à un moment important dans l'histoire de Sonatrach. Pour la première fois, l'entreprise possède des cadres dirigeants parmi les meilleurs et les plus compétents. (…) Meziane est reconnu pour ses qualités humaines, comme un manager serein, un rassembleur », avait déclaré M. Khelil lors de la nomination de M. Meziane à la tête de Sonatrach en septembre 2003. Bien que PDG de l'entreprise, Mohamed Meziane apparaît moins sur la scène médiatique. C'est M. Khelil qui parle souvent au nom du groupe et qui chapeaute ses contrats de partenariat et ses grands projets en Algérie et à l'étranger. Cela au point où l'on confondait sa fonction de ministre avec celle de PDG de Sonatrach. Curieusement, deux grands scandales secouent le groupe Sonatrach durant cette période. Avant cette récente histoire de « malversations », il y a eu une autre affaire aussi grave que complexe. Il s'agissait de l'affaire de BRC, cette entreprise aux capitaux mixtes détenus par Sonatrach (51%) et la compagnie pétrolière américaine Halliburton (49%). Une affaire étouffée dans l'œuf. Doit-on imputer la responsabilité au seul Mohamed Meziane ? Le ministère de l'Energie ignorait-il ce qui se passait au sein de Sonatrach ? Beaucoup de questions demeurent sans réponses…