L'affaire Repsol-Edison est venue cette semaine révéler la nouvelle réalité économique de l'Algérie. De quoi s'agit-il ? Deux entreprises étrangères, l'une espagnole (Repsol), l'autre italienne (Edison), partenaires de Sonatrach dans la prospection-exploitation d'hydrocarbures, liées par des contrats de partage de production, ont annoncé de nouvelles découvertes de gaz sur les gisements dans le Sud algérien. Elles ont de ce fait transgressé un code de conduite qui veut que l'annonce soit faite avec le partenaire Sonatrach. Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, interpellé sur le sujet, a dénoncé cette pratique et rappelé ces entreprises à l'ordre, les accusant de porter atteinte à la crédibilité de Sonatrach et de jouer sur les effets d'annonce pour gonfler la valeur boursière de leurs actions. « L'honneur » du pays est-il sauf ? En vérité, le mélodrame Repsol-Edison est plus un révélateur des nouveaux rapports de force économiques qu'un test symbolique au sujet de la souveraineté algérienne sur son sous-sol. De l'aveu du ministre lui-même, ce n'est pas la première fois que des compagnies étrangères communiquent en solo sur les découvertes effectuées ou sur les perspectives de développement de leurs gisements. Anadarko en particulier multiplie depuis des années les points d'évolution sur l'exploitation du bloc 404, sur lequel il a découvert un géant, sans que Sonatrach - son partenaire à 50% - ne soit associée à cette communication. Les compagnies étrangères anticipent le climat de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Elles agissent comme si elles étaient propriétaires du gisement. Ce qu'octroie la nouvelle loi pour toutes les découvertes effectuées sous le nouveau régime de contrat dans lequel Sonatrach n'est plus partenaire d'office. Pourquoi s'étonner alors de telles annonces ? La tendance véritable est qu'elles seront la règle de demain. Les premiers appels d'offre pour la prospection sous le nouveau régime de contrat seront lancés par l'agence ALNAFT, probablement avant la fin de cette année. Les premières découvertes auront raisonnablement lieu dans les 24 mois qui suivent. Qui les annoncera ? Sur le fond, cette affaire perturbe le ministre de l'Energie, car il souhaitait, après le déshabillage de la loi sur les hydrocarbures, préserver les apparences d'un certain contrôle de son département sur ce qui se déroule sur le domaine minier algérien. Or l'affaire Repsol-Edison ne fait qu'aligner les apparences sur la réalité. Les compagnies étrangères prospectent, découvrent des gisements, développent leur exploitation et communiquent sur leur activité sans que Sonatrach puisse exercer pleinement le droit de regard du partenaire. Circonstance aggravante, la réactivité de Sonatrach a été réduite à néant ces dernières années. Rien, absolument rien ne se décide sans l'aval de Chakib Khelil. Les informations des compagnies étrangères sont, dans la majorité des cas, mises à la disposition de Sonatrach, mais celle-ci ne peut s'engager dans un communiqué commun qu'après de longues, de trop longues semaines nécessaires au fonctionnement de la chaîne de commandement soviétique qui conduit jusqu'au bureau du ministre de l'Energie et des Mines. Les actionnaires et la cotation boursière des compagnies étrangères ne peuvent attendre : ils fonctionnent sur un autre méridien. La crédibilité de Sonatrach ? Ce serait peut-être déjà d'autoriser son PDG Mohamed Meziane de parler en manager responsable.