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«L'idée de faire un film ne m'est venue qu'au moment où je l'ai écouté chanter !»
Publié dans El Watan le 18 - 06 - 2015

Le documentaire évoque, en les effleurant, l'épisode et la polémique qui a suivi la déclaration de Tahar Ouettar après l'assassinat de Tahar Djaout, mais ne donne pas la parole à ceux qui ont réagi à l'époque. Pourquoi ?
Mon travail est plutôt intimiste. Ce n'est pas un travail d'investigation et ce n'est certainement pas pour polémiquer que je l'ai réalisé. Justement, je veux éviter la polémique autour de cette question.
Au sujet de la déclaration de Tahar Ouettar sur Tahar Djaout, on en a assez parlé et même beaucoup. Moi-même je trouve triste et malheureuse cette déclaration, mais on doit dire que c'est un grand écrivain.
Il est le fondateur du roman algérien, du roman en langue arabe. Brahim Sonallah le dit : «Il y a Tewfik el Hakim, il y a Naguib Mahfoud, etc. mais Tahar Ouettar était doté d'une profondeur idéologique que les autres n'ont pas.»
Justement, d'où vient sa formation idéologique ?
Peut-être qu'il parlait de son parcours, d'où il venait. C'est sûr, il a été formé au sein du FLN, mais aussi de par ses fréquentations du milieu progressiste et communiste. Il connaît bien ce milieu, mais est-ce qu'il était dans le parti d'avant-garde socialiste ? Je ne sais pas. Il y a des gens qui disent qu'il était dans une cellule du PAGS et en même temps au FLN.
De toutes les façons, ses livres comme Llaz (L'AS) montrent beaucoup de choses sur ses convictions. C'était un marxiste convaincu. Cependant, il était aussi quelqu'un de critique au sujet de l'ex-Union soviétique, ce qu'il a exprimé juste après sa visite en URSS. Il était particulièrement éclairé par rapport à cette question.
Comment est venue l'idée du documentaire ?
Je n'y ai pas pensé au préalable. C'est comparable à mon travail sur Mustapha Boudina, syndicaliste et ancien condamné à mort. II était venu en France pour une activité. Il a fait une intervention sur son livre Rescapé de la guillotine. J'étais à l'époque correspondant de la Radio algérienne. Je me suis alors contenté de faire mon travail et d'envoyer l'enregistrement.
Ensuite, sur invitation d'un ami, dans le cadre de l'association qu'il présidait, je suis allé avec lui à la prison dans laquelle il avait été détenu, Fort Montluc, du côté de Lyon.
Quand je suis arrivé devant l'entrée, il y a eu comme un déclic et je me suis dit : «Il y a matière à faire un film.» J'avais ma caméra et j'ai commencé à filmer parce qu'il y avait la confrontation de deux mémoires.
Il y avait d'un côté le directeur de l'établissement, la prison étant devenue un musée, un mémorial de la résistance française, et de l'autre, Mustapha Boudina, qui y était détenu un demi-siècle plus tôt (entre 1958 et 1962).
Pour Tahar Ouettar, c'est la même démarche. L'idée d'en faire un film m'est venue uniquement quand je l'ai écouté chanter. Là, je me suis dit qu'il y a un travail à faire alors que, pendant deux années, je lui rendais visite mais je n'ai jamais pensé à faire un documentaire sur lui. Nous allions ensemble au restaurant, nous nous promenions, mais je ne filmais pas.
L'idée ne m'avait pas effleuré l'esprit même quand il discutait avec ma fille qui avait à peine 6 ans à l'époque. Je ne l'ai pas filmé au début par pudeur et parce que je me suis dit qu'il fallait respecter quelqu'un qui est malade. Mais quand il a commencé à chanter, je n'ai pas résisté. J'ai pris ma caméra et je l'ai filmé. C'est comme cela que nous avons réservé toute une journée pour l'enregistrement. Nous avions convenu que ce serait pour l'histoire et la documentation (attaouthiq).
Et les autres intervenants, pourquoi sont-ils en général filmés en noir et blanc ?
Si j'avais un matériau filmé plus important le concernant, je n'aurais travaillé qu'avec lui. Je n'aurais pas fait intervenir les autres. Pourquoi ? Ce n'est pas par égoïsme, mais parce que quand on fait intervenir les autres on obtient un format télévision, alors que si c'était uniquement lui qui intervenait j'aurais obtenu un vrai film.
Une fiction. Quoi qu'il en soit, les témoignages des gens qui l'ont connu ou approché donnent un éclairage supplémentaire sur sa personnalité. L'usage du noir et blanc a été motivé justement pour le distinguer. Cela ne va pas au-delà. Ce ne sont pas des considérations esthétiques.
Quel était son rapport avec la langue française ?
Il y a plusieurs hypothèses concernant l'usage de la langue française après l'indépendance, mais moi je crois qu'il y a une part de récupération venant de certains milieux conservateurs, des réactionnaires qui voulaient l'utiliser pour régler des comptes avec les progressistes.
La preuve, son ami à Paris est un grand poète communiste, Francis Combes. Celui-ci lui a même traduit son livre. Je ne crois pas que Tahar Ouettar ait eu une méprise (âda'a) à l'égard des Français ou à l'égard de la France en tant que République, mais c'est sûr qu'il en avait contre les néocolonialistes. Il a vécu une période très difficile marquée par la misère, la peur, la nécessité de rester vigilant durant le combat pour l'indépendance.
Il était au sein du mouvement national. C'est pour cela qu'il réagissait au moindre mot et souvent de manière maladroite. Ce n'est pas comme nous qui voyons les choses a posteriori. Nous pouvons parler de colonisation de manière détachée, car nous n'avons pas vécu la période. Lui, il en a réellement souffert.
Dans une émission passée à la télé, il attaquait ceux qui écrivaient en français mais il avait, en contrepartie, encensé le poète de Kabylie, Aït Menguellet, qui chantait exclusivement en berbère.
Sur la question de l'identité il le dit bien : «Je suis amazigh dans la filiation et dans l'identité et l'arabe représente le pendant civilisationnel.» Plus loin, il ajoute : «Dans mes livres, je n'écris pas comme les Arabes.» Vers la fin, il a commencé à s'intéresser à ces questions identitaires.
Il n'était évidemment pas contre la culture arabe, mais ce qu'il n'aimait pas par-dessus tout, c'est la «hogra». Pour revenir sur le cas de Tahar Djaout, ce que j'ai entendu (je ne l'ai pas vécu directement), c'est qu'il lui en a voulu lorsqu'il était passé à l'Institut du monde arabe (IMA) pour exposer sur la littérature algérienne en omettant de parler de la littérature en langue arabe. Pourtant, ils étaient amis, ils avaient travaillé ensemble à l'association Djahidia, ils se connaissaient. Bref, tout cela c'est secondaire.
Comment était-il accueilli à son retour au village natal ?
C'est un douar où il ne reste plus rien, à peine un seul habitant. Le village a été déserté. Lui-même, juste après l'indépendance, est allé s'installer à Alger. Il n'était plus revenu ou alors peut-être juste dans sa tête. Moi-même j'ai changé ma manière de filmer. J'ai changé les angles de vue. Je l'ai laissé s'exprimer. Je n'intervenais presque pas.
Dans le film, on le voit aussi critiquer une certaine forme d'enseignement… Il le dit bien : «Je suis pour le patrimoine, la musique, l'héritage matériel, ou alors spirituel comme les enseignements du Coran, etc. mais il voulait toujours aller plus loin.» L'école coranique a représenté une base inestimable dans sa formation.
A Constantine d'abord, puis à la Zitouna de Tunis, car son père voulait qu'il devienne imam, mais lui voulait autre chose. Il était pour l'ouverture vers le monde. «Ils nous enseignaient ce que nous savions déjà», devait-il indiquer concernant les écoles coraniques pour mettre en avant sa volonté de découvrir les idées de son temps.
Il évoque tous les cheikhs qui l'ont formé, preuve qu'il ne renie pas son appartenance à cette tradition, mais il a lu aussi les écrivains de la «Nahdha» tout en restant attaché au patrimoine symbolique légué par sa famille.
Votre fille est un des personnages du film ; comment s'est-elle introduite dans cet univers ?
Ma fille jouait avec sa canne qu'il avait baptisée Obama pour des raisons que j'ignore. Il a le don de raconter des histoires, et c'est pour cela que j'ai introduit ma fille dans le film et qui semblait être impressionnée par ce personnage hors normes.
L'ayant côtoyé dans son intimité, quel image gardez-vous de lui ?
C'est un être paradoxal et ce que je retiens de lui, c'est cette fragilité qui le caractérise malgré tout. Une fois, il m'a téléphoné et il m'a dit : «Vous m'avez abandonné !» Cela m'a chagriné et j'ai décidé d'aller le voir plus souvent. Il a beaucoup souffert, mais il a résisté. Il avait son répertoire de chansons traditionnelles : Hedda Beggar, Djarmouni, etc. qui l'aidaient à surmonter sa solitude et c'était aussi une manière de lutter contre l'idée d'une mort imminente. A la fin, il était vraiment seul.
Nous sommes venus ensemble, mais il m'a dit qu'il ne voulait voir personne, ni journalistes ni, encore moins, ceux qui voulaient venir faire du folklore autour de lui. Vous ne trouverez jamais un écrivain, ni un artiste calme et serein. Il était paradoxal (mizadji). «J'ai une révolution dans ma tête», se plaît-il à répéter.
Je n'ai pas voulu lui rappeler un épisode difficile de sa vie, une période douloureuse, mais ce dont je suis sûr, c'est qu'il n'est pas un être de haine. Il oublie tout de suite et ne garde pas de rancune.
J'avais une bonne intuition lorsque je le filmais par exemple dans mon jardin, car j'avais compris qu'il voulait qu'on l'écoute et c'est ce que j'ai fait. Je ne polémiquais pas avec lui à travers des questions-réponses, etc. Il s'est d'ailleurs livré à d'importantes confidences au sujet de sa famille. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. Il était enfin dans une phase de sérénité, de tranquillité, et je crois qu'il avait trouvé un climat idéal…
Comment était-il venu en France pour se soigner ?
Il avait une prise en charge, c'est certain, car il ne faut pas oublier qu'il était un cadre important dans le parti (le FLN). A l'association El Djahidia qu'il avait dirigée, il avait aidé beaucoup de gens. Il était attentif aux nouveaux talents. Il avait un caractère difficile, mais il était généreux, il travaillait énormément et était à cheval sur le respect du temps.
Est-il possible que le film passe à la télévision algérienne ?
Justement, avant tout, j'aurais aimé qu'il passe à la télévision algérienne. J'ai déjà pris des contacts et j'attends la réponse.


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