Les martyrs reviennent, cette semaine, au festival du cinéma d' Oran, à travers un film documentaire, sur les derniers instants de feu Tahar Ouettar. Ce retour tardif, ne serait pas sans poser de problèmes, ils arrivent dans un contexte d'indépendance, sans libertés, en plein débat de société, sur la meilleure longueur de la jupe, pour cacher le derrière de la révolution, expression rendue célèbre par Mohamed Yazid , premier ministre de l'Information post-indépendance. Le film est réalisé par le récidiviste Mohamed Zaoui, après l'histoire de Mohamed Boudina, échappant à la guillotine, à Montluc, durant la guerre de libération. La mort est à nouveau au rendez-vous, la faucheuse a, cette fois-ci, rattrapé l'écrivain Tahar Ouettar, le 12 août 2010. Le rôle du pêcheur, pour porter le poisson, en guise d'offrande au palais, afin de débusquer le poisson d'avril, a été confié à Sid Ali Kouiret, pour les remercier de l'opium et du bâton qu'ils continuent d'assurer, ne me prenez pas au sérieux, je fais dans la fiction, comme dans l'âne d'or, une machination a été organisée par le public, contre Lucius, l'accusant de meurtre, pour célébrer la fête du rire, le jugement s'est déroulé dans un théâtre et tout le reste n'était qu'une mise en scène. Cette semaine, Oran est le théâtre du festival du film Arabe. Ami Tahar se confesse devant une caméra, allongé sur un divan, il déroule le film de sa vie, oscille entre souvenirs d'enfance à M'daourouche, sa vie et ses combats, les chanteurs et chanteuses qui l'ont accompagnés, une vie pleine de symboles et d'enseignements pour ce natif, de Sedrata. En suivant le fil rouge du film, je vous livre pèle mêle les propos de ami Tahar. J'ai une révolution et des révolutionnaires en mon fort intérieur, en état d'excitation, qui me poussent à écrire, il se décrit, d'un tempérament de feu, son écriture est telle un volcan qui crache sa lave. Ami Tahar, parle de la mort, il dit : «La mort est un spectacle à trois, la mort, moi et les autres, c'est une expérience artistique que j'ai envie de vivre». Il joue sa propre mort dans un scénario écrit d'avance, il a vécu la mort de son père et de son frère, il dit : «que la douleur était tardive», trois jours après leur disparition, il anticipe le rite funéraire, il invite Aïssa El Djarmouni, Begar Hadda, Cheikh Bouragba, ghaïta et bendirs battants. Il est inutile de songer à la mort, disait épicure, tant que nous sommes elle n'est pas, quand elle est là, nous ne sommes plus. Fatigué par autant d'efforts, ami Tahar réclame un jus d'orange pour se désaltérer, sauf les vivants ont soif. Ami Tahar parle de son bâton qu'il surnomme «Obama». Bâton symbole d'autorité, bâton guide, qui sert de menace ou de punition. Ami Tahar plaisante, il dit que le bâton «Obama» n'est pas content car il a marché sans lui, toujours dans le symbole, ami Tahar passe le témoin à Yasmine, la petite fille de Mohamed Zaoui. Yasmine joue et dialogue avec le bâton, à son tour Yasmine apporte une fraîcheur et de la vie au film. Elle lit quelques passages, d'une oeuvre majeure de ami Tahar, le pêcheur et le palais avec une éloquence inégalée. Ami Tahar a été sauvé par l'école coranique, qui lui a donné son instruction, il avait dépassé l'âge pour être scolarisé dans un école française. Il fréquente l'école Ibn Badis à Constantine Djamaâ Zeïtouna à Tunis, où il a côtoyé les plus grandes icônes religieuses de l'époque. Assez vite il prend ses distances par rapport à l'enseignement dispensé par ses écoles, qu'il qualifie de rituel et d'élémentaire. Ami tahar parle de ses divers sources d'influence, du coran qui donne de la force à ses écrits, des influences, de certains écrivains orientaux, Nadjib Mahfoud, Amine Malouf, Taha Hussein , de l'écrivain targui Brahim El Kaouni. Il se définit comme, socialiste, marxiste léniniste, d'identité berbère et arabe de civilisation, de culture populaire, fièr d'être l'enfant de la Kahina et de Tarik Ibn Ziad. Pour lui, le socialisme est le rêve de tous les prophètes, ce n'est pas parce que certains bureaucrates moscovites ont échoué que je dois y renoncer. Il se compare à son oncle danseur qui a dépensé toute sa fortune pour sa passion, il achetait des chaussures la veille et les jetait le matin car usées à force de danser. Mohamed Zaoui, loin de toute complaisance évoque la polémique qui l'a opposé aux écrivains francophones, de la nouvelle génération. Il a eu des mots durs pour eux et les a traités de guides touristiques, il pousse le bouchon jusqu'à dire que feu Tahar Djaout va manquer à la France. Il considérait que le français était la langue des privilèges et des privilégiés, la langue du colonisateur, contrairement à Kateb Yacine qui parlait de butin de guerre. La langue arabe était centrale pour lui, lien affectif puissant gardé de son éducation coranique, après avoir renoncé à l'aspect religieux, langue était devenue sa seconde religion. Avant de quitter Paris et de prendre l'avion pour son dernier voyage, il demande à Mohamed Zaoui de couper une branche d'un arbre de son jardin, pour la planter en Algérie. Du haut de ses six ans, Yasmine, pour qui mourir c'est vivre autrement, autre part, elle dessine une grande étoile dans le ciel où vit toujours ami Tahar. Scrupter bien l'horizon cette semaine, il sera de retour à Oran et il ne sera pas seul.