Yazid Chibout, en élève appliqué, laisse libre cours à son fertile talent et taille sur mesure une œuvre aux allures d'une rêverie ou d'un hommage vibrant à la parole libérée. Il est des audaces esthétiques qui déroutent et enchantent à la fois. Traduire un silence, premier roman d'Iris, nom de plume de Mohand-Lyazid Chibout, à paraître bientôt en France et en Algérie aux éditions Sefraber, emprunte les chemins d'une errance intérieure. En toile de fond, une histoire poignante d'un amour impossible. Kahina et Yuba étrennent une marche au pas de loup vers un bonheur inavoué. Les chemins y sont sablonneux. Sauf que le jeu en vaut la chandelle. Le flot de paroles intérieures succède aux lambeaux de pensées en suspens. L'interdit des gestes trouve sa grâce dans la permissivité de la parole. En observateur attentif, Yazid Chibout se glisse dans les pensées de ses personnages et signe un texte introspectif et profondément psychologique, saisissant les détails insignifiants qui accordent leur valeur aux choses. « C'est une vie éphémère dans une existence terne, un amour platonique et d'une sensibilité sans nom qui a le mérite d'intriguer et on se surprend à chercher le fin mot de l'histoire », résume-t-il doctement. Son écriture ? L'auteur conjugue son style au rythme haletant d'un lyrisme enfiévré. Une parole, un geste, des scènes anodines deviennent, sous la plume du jeune auteur, des instants profonds et atemporels, longs déploiements de leur vie, de leurs angoisses, de leur destin. Des 286 pages du roman, la nostalgie exsude aussi comme des perles de rosée à travers les rues sombres et moroses d'Alger et les paysages panoramiques de sa Kabylie natale. Des instantanés de « refuge » et de « repos ». Dans ce roman foisonnant, Yazid Chibout nous fait part, à travers ses personnages, des possibilités de surmonter le silence. Chacun d'entre eux, dans son contexte particulier, cherche un sens à sa vie et au monde. Si différents les uns des autres, les personnages sont tous attachants, les caractères décrits avec précision et finesse, les ressorts psychologiques et psychiques analysés en profondeur. Yazid Chibout, en élève appliqué, laisse libre cours à son fertile talent, et taille sur mesure une œuvre aux allures d'une rêverie ou d'un hommage vibrant à la parole libérée. Tendre et presque parabolique par instants, Traduire un silence captive et intrigue. Ce n'est pas un roman facile, il faut le lire d'une traite pour ne pas perdre le fil. D'où, d'ailleurs, le recours à une voix intérieure, celle d'un « je » personnalisé, afin de pouvoir entraîner « le lecteur sur une pente raide, plaisante, captivante et obnubilée à la fois ». Après quelques années vouées au journalisme et à l'enseignement de la langue de Molière, Yazid Chibout s'est trouvé contraint de quitter son pays dans l'espoir de publier ses textes. En France, il a décroché un master de lettres modernes à la Sorbonne. L'enfant de Chemini, un bourg fier dans la région de Béjaïa, n'est qu'à ses débuts. Des surprises ? Affirmatif ! Deux autres romans, tissés et cardés du même verbe scrutateur : Amoureux-nés, signé avec les éditions Edilivre, est en phase de finalisation et La Finitude est en chantier. Que de belles promesses de la vie ! Traduire un silence, Iris Chibout, Sefraber éditions, 286 pages