– Comment expliquez-vous la pénurie d'eau qui affecte de nombreuses localités de la Kabylie ? Les localités les plus touchées sont situées en altitude dans des zones d'habitat éloignées des sources d'eau potable disponibles. Elles sont caractérisées par un relief accidenté et des différences de dénivelés qui peuvent dépasser 100m. Ce qui rend leur alimentation en eau potable de manière régulière très difficile. La pénurie se manifeste généralement en été avec l'augmentation des besoins et l'assèchement progressif des puits et des fontaines. Cette pénurie s'explique aussi par la destruction des nappes alluviales comme c'est le cas à Sébaou où l'on déplore l'assèchement de nombreux forages et la réduction du débit d'autres en raison du pillage et l'extraction du sable et du gravier. En outre, la plupart des communes de la région sont dotées de réseaux de distribution peu adaptés avec des réservoirs de volume insuffisant. Le problème survient parfois à cause des coupures de l'énergie électrique et l'état vétuste des canalisations et des stations de pompages. A ces problèmes structuraux s'ajoute le gaspillage, les fuites et les branchements illicites, qui s'accentuent en raison de la longueur des réseaux et la dispersion de l'habitat, notamment en milieu rural. Les pertes de l'eau potable sont estimées à 60 % du volume produit, dont 24 % sont dues aux fuites physiques. Le reste, soit 36%, concerne le vol et le sous-comptage. – Que préconisez-vous comme solutions à moyen et long termes pour résoudre ce problème ? On doit d'abord réhabiliter les canalisations et les stations de pompage et mener des études sérieuses pour ne pas refaire les erreurs commises précédemment. Le choix des canalisations et des réseaux de distribution devra tenir compte de la nature du terrain, de la pression et de la qualité de l'eau en vue de lutter contre le gaspillage et les branchements illicites. Il est plus que nécessaire aussi de songer à la réalisation de stations d'épuration en amont des barrages et nappes alluviales afin de recycler les eaux usées et pouvoir les utiliser dans l'irrigation. Cela pourrait aussi de réalimenter les nappes après un traitement tertiaire pour diminuer la pollution résiduelle et la teneur des microorganismes. Les pouvoirs publics doivent aussi faire un effort supplémentaire en matière de captage de sources, la réalisation de retenues collinaires, de barrages et de stations de dessalement des eaux saumâtres. Il est recommandé en outre de bien gérer et entretenir le plan d'eau des barrages opérationnels en procédant au nettoyage des matières flottantes. La réduction du stress hydrique passe aussi par la réhabilitation des nappes alluviales et l'arrêt/ou la régulation de l'extraction des agrégats des oueds. – Qu'en est-il de la qualité de l'eau distribuée actuellement ? La qualité de l'eau distribuée actuellement répond aux normes bactériologiques et physicochimiques. Elle est soumise à un programme de contrôle journalier, hebdomadaire et mensuel. Des analyses sont effectuées journellement par des laboratoires relevant des unités de l'ADE de chaque wilaya. Hormis le problème de l'entartrage, dû à l'excès de dureté des nappes du Sébaou, l'eau du barrage de Taksebt est de bonne qualité chimique, douce et peu minéralisée. Il y a lieu de noter que le dosage du chlore résiduel est souvent en excès avec des teneurs qui dépassent 0,4mg/litre. – La région est-elle à l'abri d'une pénurie d'eau à grande échelle à l'avenir ? Pour ce qui est de la wilaya de Tizi-Ouzou, la dotation actuelle en eau est de 210 litres par habitant et par jour. Cette dotation pourrait baisser jusqu'à 150L à l'horizon 2030 où le nombre de la population sera de l'ordre de 1 700 000 habitants. Les potentialités existent, mais on doit mobiliser d'autres ressources et concrétiser les projets en cours, comme le barrage d'eau de Tizi N'tlata d'une capacité de 100 millions m3. Il est plus que nécessaire et urgent aussi de réhabiliter la nappe alluviale de l'oued Sébaou par l'interdiction de l'extraction des agrégats afin d'assurer la pérennité des forages. Les agrégats d'oueds doivent être remplacés par ceux des carrières de roches, plus efficaces pour la construction. La protection de la ressource hydrique ne sera efficace que par une gestion sérieuse des déchets solides et l'éradication des décharges sauvages se trouvant au bord des oueds et des barrages.