Les premiers signaux d'alerte autour du phénomène des enlèvements en Algérie ont été lancés dès le début de l'année 2005, lorsque plusieurs commerçants ont été kidnappés au nord de Tizi Ouzou. Les cas de rapt se sont multipliés dans le pays, avec une plus forte concentration en Kabylie, au cours des années 2006 et 2007. Un climat de terreur s'était abattu sur les commerçants et les entrepreneurs. Des dizaines d'entre eux seront séquestrés pendant des jours dans les maquis terroristes avant d'être relâchés contre le paiement de fortes rançons. Les gangs de kidnappeurs agissaient dans une parfaite impunité, transformant ces actions terroristes en un business florissant, dont les fonds servaient à renforcer la logistique des maquis islamistes, mais aussi à assurer le « retour en société » des repentis. Les services de sécurité semblaient complètement dépassés par les événements, assistant sans réaction à des actes de kidnapping qui se succédaient parfois dans la même localité, comme cela a été le cas à Maâtkas au début de l'année 2008. Pourtant, six mois auparavant, le ministre de l'Intérieur annonçait, lors d'une cérémonie à l'Ecole de police de Aïn Benian, en juillet 2007, la mise en place d'unités spéciales pour la lutte contre les kidnappings et le crime organisé. Aujourd'hui encore, le déploiement de ces unités d'élite n'a pas encore livré de résultats probants, n'ayant ni éradiqué les groupes spécialisés dans le rapt ni brisé le caractère « itinérant » de ce phénomène, pour reprendre le terme utilisé récemment par des représentants des services de sécurité. La semaine dernière, la Gendarmerie nationale avait annoncé à Tizi Ouzou la mise en place de sections spéciales de « sécurité et d'intervention » en vue de lutter contre le crime organisé. Hantise permanente Sept unités de gendarmerie formées à l'étranger sont sur le terrain à travers la wilaya, un déploiement qui viserait plus spécialement la sécurisation des grands axes routiers, a-t-on indiqué. Les autorités sécuritaires demeurent évasives sur le grave phénomène des enlèvements, ne semblant pas avoir mis au point une véritable stratégie opérationnelle de destruction de ce que l'on a appelé « les noyaux durs du crime organisé ». La menace permanente de rapt qui plane depuis des années sur les populations actives n'est pas seulement une menace sur la sécurité des personnes mais constitue un frein brutal à l'essor économique des régions touchées par ce fléau. 50 cas d'enlèvement ont été enregistrés dans la seule wilaya de Tizi Ouzou ces cinq dernières années, soit 10 rapts chaque année, en dehors des nombreux cas non rendus publics. Les observateurs restent, en outre, circonspects devant des déclarations faisant le lien entre l'action des unités spéciales des services de sécurité et les bilans des prises de quantités de stupéfiants et de fermeture des débits de boissons. Si ces activités délictueuses méritent une prise en charge par les forces de l'ordre, elles ne pourraient pas constituer le terrain d'action des sections d'intervention spécialisées, au moment où la menace de séquestration, un crime aussi grave que le meurtre, constitue la hantise de tous ceux qui détiennent un commerce ou font tourner une entreprise. Du reste, la lutte contre la « prolifération » des débits de boissons semble être l'une des obsessions des groupes islamistes eux-mêmes, qui signent régulièrement des descentes dans ce genre de commerce. Les kidnappeurs ont reculé pour la première fois en novembre dernier dans la commune d'Iflissen, près de Tigzirt, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Tizi Ouzou. La population locale s'était mobilisée dès l'annonce du rapt du propriétaire d'un motel. En 48 heures, l'otage sera libéré sans conditions par ses ravisseurs, après des actions de recherche menées en masse par les villageois de la commune. La mobilisation citoyenne avait encore une fois donné la preuve que l'hydre terroriste, qui survit jusque-là à tous les dispositifs de sécurité, reste complètement inopérante dès qu'elle est cernée et pourchassée par la population. En décembre dernier, c'est un entrepreneur de Ouacifs, au sud-ouest de Tizi Ouzou, qui a forcé un guet-apens tendu par un groupe de kidnappeurs. La mise en échec des actes d'enlèvement reste le fait de la résistance à l'échelle individuelle ou collective, en attendant l'adaptation des moyens de lutte des services de sécurité.